Eßre beaucoup meilleur de bien fairt
que de Bien par1er,
le Seigneur fe doit enquérir de la fuffifance &
ou и rage de fon Arcbitetle.
den, pour fçauoir bien déduire ôc rapporter éloquemment fou entreprife deuant les Seigneurs, & gens qui le mettent en befon
gne ôê lemployent. le fuis d’opinion, auec Leon Baptide Albert,
que cela ne luy eil neceifaire, car il fuffit qu il donne feulement
fon confeil, & monilre fa diligence naïfuementi bc dife ce qui fera expedient pour paruenir à fon entreprife & intention. Ce
la eil la principale Rhétorique ôc éloquence d’vn Architecte. Toutesfois quand il en fçauroit quelque chofe, il en auroit beau
coup meilleure grâce pour bien déduire fon faid.Mais qu’il ne luy
aduienne ainii quà plu fleurs qui s edudient plus à difeoufiï Ôe bien parler, quà bien faire & ordonner : laquelle chofe fertpiu
iloilàfurprendre les hommes, que bien entendre à leur faid. Plufleursne fçauent parler beaucoup, mais ils font fort iludieux bc
curieux de leur eflat, & trop plusà loiier que ceux qui font grands parleurs & font longs difcours,auecques oilentations de beaux
portraiCts ôebien peindurez s mais leurs œuures ne font en rien, fcmblables. Геп voy & ay veu infinis qui ne fçauent rien dire, tou. tesfois ils font merueilleufement heureuxà bien faire ce qu ils en
treprennent. Геп fçay d autres qui font feulement nés pour
vn faid, lequel ils conduifent trop plus dextrement que ceux qui y ont beaucoup plus eitudié qu eux. Oyez Ptolomée fur ce pro
pos au quatriefme Aphorifme de fon Gentiloque , ainfi eferiuant : гЛттл ad cognitionem apta, mum in modum fe in feientia exercuit. L ame apte & née à la cognoiflànce de quelque chofe, Taura beaucoup plus facilement ôc avfément, que celuy qui n y eil né, jaçoit qu il en aye lafcience,
oc s y foit exercé de toutes fes forces oc pouuoir. Mais nous debifferons ce diicours afin de reuenir à noilre propos, qui eil que
le Seigneur fe doit enquérir diligemment de la fuffifance de ГАгchitede, ôc auffi entendre quelles font fes œuures > fa modeilie,
fon aifeurance , preud’homie , gouuernement, ôc bon heur en fes entreprifes. Semblablement s il eil né pour bien conduire vn œuure,sJileilfage,ôc s il a les parties qui font requifesàvnbon Architede. Cela eft de grande importance s car s il eil fol, glo
rieux, fier,prefumptueuxou ignorant, il entreprendra vn grand œuure auquel il ne pourra dignement fatisfaire , ôc confirmera en frais le Seigneur, pour mal coniiderer & preuoir les chofes neceifaires. Tels ne veulent communément eilre repris,ne moins
remondrez, cks opiniaftrent de tout faire à leur fantaifie,en dam ger de commettre grandes fautes par leur témérité & précipi
tée inconfideration. Il feroit tres-bon que l’Archite<5te euil eilé
nourry de jeuneife en fon art, &; qu il euil eitudié auxfciences
( outre celles que nous auons di£t) qui font requifesà TArchitedure, comme entendre bien TArithmetique, ie dy en fa pratique £e théorique , la Geometrie auffi en théorique, mais plus en
La liberté qu’on doit donner à vn Architecte.
Que l’Architecte ne doit eßre fafebé par les parents Cÿ* domefliques du Seigneur.
Arithmétique & Geome
trie eßre neceffair es h l’Architecte,
pratique pour lestraids qui font le vray vfage d’icelle: pareillement l’Adrologie, Philofophie,Ôe autres difeiplines, comme i ay did,d fur tout entendre bien laraifon des fymmetries, pour don
ner les mefüres & proportions à toutes chofes, foient faifades des maifons, ou autres parties des bailiments, ainfi que nous le monllreronscy-apres. Il fera auilîfort bon, quilnefoit du tout ignorantde la théorique de Mufique , pour fçauoir reprefenter
l’ÉchojÔc faire refonner ôc ouyr la parole ôt voix, auffi bien de loingque de près. Qui eil chofe requife aux Temples & Eglifes pour lés Prédications qui sy fon t,&Pfalmes & autres chofes qui s y chantent & proferent. Semblablement aux Auditoires ou l on plaide,aux théâtres où fe recitent & joiient comédies, tragédies,
hidoires,& femblables ades,afîn que ceux qui font loing puiffent auffi bien ouyr,que ceux qui font prés. Le Seigneur dorteques ayant rencontré vn Architede accompagné de tant de belles iïngularitez,& für tout d3vne bonne ame, s*en pourra afleurer, & luy commettre hardiment fon œuure. Mais auffi il gardera quil ne foit fafché parles domeiliqties ou parents de fa maifoiî, car véri
tablement cela détourné beaucoup fes ehtreprinfes,ïnuentions
&difpoiitions,commeiel’ayveuparexpérience en diuers lieux. De forte que le Seigneur fe faid beaucoup plus de dommage eu cela,qu il ne fçauroit penfer. le diraydauantage que i’aycogneu bienfotiuent quelesferuiteurs ne veulent ce que les Seigneurs de firent,ôetrouu nt communément mauuaifes ce qui plaid aufdids Seigneurs: comme auffi font les parents, &mefmes la Dame de la maifon, edant communément marrie de ce quefon mary entreprend, Ôc grongnant contre celuy qu il aymef&à qui il porte faneur : 6c autant en fait le mary enuers fa femme. Lei quelles chofes caufent beaucoup de troubles & empefehements qui rompent les mandes entreprinfes,fi les condudeiirs,& mefines les Sei.
gneursne fontfages.ilfaut donequesedrebienaduifé deprudent j)6ur fe garder de tels inconuenients,& donner pouuoir & liberté al’Architedede choifirles maidres maçons & ouuriers tels que bon luy lemblera,afin quils luy foyentobeyifants,autrement s ils ne lereuerent & ne veulent faire fon commandement, l’œuure ne
fe pourraiamais bien conduire,den aduiendragrand dommage au Seigneur.