L’art vrai, selon Ernst, doit offrir aux hommes de synthétiques initiations, issues de la sympathie humaine et d’un grand désir d’amour : il peut s’accorder aux pensées les plus saintes et à la religion chrétienne la plus profondément humaine de toutes,
celle qui suppose avant tout la connaissance de l’homme, de son esprit, de sa chair.
Pendant notre collaboration, fidèle à ces règles, Massenet n’exigea qu’une chose, c’est que l’action « fût le développement des passions humaines en contact avec le monde intérieur; qu’elle fûtuneérolution d’âmes à travers des milieux ».
Il savait déjà, et le premieril m’apprit que « c’est l’âme individuelle, que c’est le sentiment, le désir, la vo
lonté, les facultés de plaisir et de douleur qui sont les principes véri
tables de l’action dramatique ».
On peut certainement dire de Massenet ce que l’on a dit de Wa
gner, qu’il est un poète dramatique.
Il l’est par la di
rection générale de son esprit, par saparfaitecompréhension de ce qui constitue l’intérêt scénique, et c’est cette qualité qui rend si agréables et si fécondes les relations qui s’éta
blissent entre ses collaborateurs et lui. Massenet, et c’est là encore un point de ressemblance avec Wa
gner, se soucie peu de la pièce qu’on qualifie de « mal faite » ; ce qu’il re
cherche, c’est la pièce remplied’humanité ; et c’est pour cela que son oeuvre est vivante et qu’elle est partout acclamée.
Sans s’arrêter aux formules et aux recettes que proposent et qu’imposent les impuis
sants de l’ordre intellectuel, ilcrée, parce que sa nature estde créer; ilcrée
dans la pleine sincérité de son cœur. Quelques-uns de ces impuissants, auteurs ou critiques, jaloux des succès de Massenet, enragés de ne point détenir comme lui la faveur populaire, s’épuisent en paroles, quelquefois violentes, toujours vaines, pour lui rappeler les lois du Théâtre selon eux, et pour lui
dénier tout effort personnel. L’originalité du compositeur n’en existe pas moins, et on peut leur retourner l’apostrophe connue :
«A eux tous, ils n’ont pas l’esprit de Voltaire ; etque reste-t-il des remarques de Voltaire sur Corneille ? »
Hérodiade, à peineterminée, fut montée sur lascène de la Monnaie de Bruxelles. Dès le
premier soir, elle suscita un enthousiasme extraordi
naire. Les stalles atteignirent des prix invraisembla
bles, ioo, 3oo et 5oo francs. Bru
xelles en éprouva une légitime fierté. Ne s’agissait-il pas d’un ouvrage que le directeur de l’Aca
démie Nationale de Musique avait catégoriquement re
fusé ? On se mon
trait les « Parisiens qui avaient fait le voyage » pour en
tendre Hérodiade. On les citait :
M. Halanzier, directeurde l’Opéra; M. Saint-Saëns ; Reyer;Duquesnel; Albert Wolff ; Vitu ; Jouvin ;
Weber; Jon - cières ; Stoullig ; Fourcaud ; cent autres ; un exode. Et la renommée porta si bien et si
loin le titre de la « triomphante » Hérodiade, que tous les théâtres voulurent lareprésenter, sauf les théâtres de Paris.
MM. Isola viennent de la venger du dédain que lui témoignèrent les directeurs de la Capitale.
PAUL
MILLIET.
M“° CALVÉ. — Bôle de Salomé
THÉATRE DE LA GAITÉ. — HÉRODIADE
Cliché Cantin Sf Berger.