HÉRODIADE Depuis un mois, Paris compte un troisième


théâtre de musique, un nouveau « Théâtre lyrique ». Entre les mains des frères Isola, à
qui tout réussit et qui semblent traiter en se jouant les plus vastes entreprises, la vieille salle municipale de la Gaîté, mise à neuf, fait pour un moment renaître de ses cendres, ce phénix qui réussit partout, sauf à Paris, le théâtre musical mixte. Dépêchons-nous d’y applaudir et d’en profiter.
Aussi bien, est-ce par un coup de maître qu’ils ont débuté. Le concours de divers hasards et partis pris avait amené ce fait plutôt étrange qu’une partition du maître Massenet, et dès longtemps appréciée, même chantée partout, n’avait jamais été offerte (au moins en son texte), au public parisien, en dépit de plus de vingt ans d’existence. C’était Hérodiade, l’œuvre qui, dans le catalogue du musicien, succède au Roi de Lahore et pré
cède Manon, l’opéra repoussé par Vaucorbeil et dédaigné par ses successeurs, et qui vit le jour, comme tant d’autres, à l’heu
reuse Monnaie de Bruxelles. Depuis cette date du 19 décembre 1881, Hérodiade avait recueilli des applaudissements de trois autres publics étrangers, à Hambourg, à Milan, à Pesth ; elle avait pris terre en France à Nantes (le 29 mars 1883), en attendant Lyon et, l’une après l’autre, les principales villes
musicales de la province ; elle avait même pénétré un jour dans Paris, mais déguisée sous son costume milanais, au Théâtre Italien, renouvelé et éphémère, de 1884.
Pourtant cette partition contient quelques-unes des plus belles pages du maître et des plus caractéristiques de sa manière, comme elle peut être d’ailleurs considérée, d’un bout à l’autre, comme une des plus habiles et prestigieuses qu’il ait écrites. Bien qu’elle soit extrêmement connue, je l’ai dit, il y aura plaisir à y revenir un peu, mais sans s’attarder au livret, qui n’a d’ail
leurs pas davantage besoin d’analyse, et qu’on a eu souvent le tort de prendre au sérieux sur l’apparence. Plutôt que de le dis
cuter au nom de l’histoire et textes à l’appui, ne vaut-il pas mieux se contenter d’une simple objection, moyennant laquelle je ne vois plus guère ce qu’on pourrait lui reprocher ? Pourquoi ce


AU T HÉATRE DE LA GAITÉ Cliché Larcher.piiANUEL (M. Fourncts)


GAITÉ. — HÉRODIADE. — Acte Ier. — Les Terrasses du Palais
Décor de M. Cousin.