SOMMAIRE
Texte : Histoire de la semaine. — Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand — Le Salon de 1875 (II). — Nos gravures :
M. Buffet; — L’Exposition de Blois; — Le yacht VEclipse; — Le lendemain de Waterloo, par M. E. Bayard; — Premières caresses, par M. Firmin Girard. — Le Chaudron du diable, nouvelle, par M. G. de Chenille (suite). — Les Théâtres. — Chronique du Sport.— Revue comique du Salon de 1875, par Bertall. — Revue financière de la semaine. — Faits divers. — Bulletin bibliographique. — Echecs.
Gravures : M. Buffet, vice-président du conseil, ministre de l’intérieur. — L’Exposition de Blois: kiosque de l’administration forestière; — Exposition d’horticulture; — Vue générale de l’Exposition industrielle; — Exposition des beaux-arts :
l’escalier d’honneur. — Paris : la goëlette-école VEclipse, mouillée au pont Royal. — Salon de 1875 : Le lendemain de Waterloo, tableau de M. Bayard; — Premières caresses, ta
bleau de M. Firmin Girard. — Revue comique du Salon de 1875, par Bertall (8 sujets). — Le Concert de l’Horloge, aux Champs-Elysées. — Rébus.
FRANCE
Encore un ballon de crevé, et tenez pour certain que ce ne sera pas le dernier. Aussi,
Quand nous serons a dix trous tenons une croix.
Il venait cette fois d’Angleterre, enveloppé dans un numéro du Times, cette feuille exempte de préjugés, qui sait avec tant de désinvolture souffler le chaud et le froid, et, selon le vent, soutenir le pour et le contre avec une si louable indifférence.
Donc le Times s’était fait adresser une lettre de Paris par « un homme politique français ». Dans cette lettre, ce Français comme il n’y en a guère et cet homme politique comme ii n’y en a pas, déclarait, en tremblant de tous ses membres, qu’il était dévoré
d’inquiétude à la pensée de l’entrevue qui allait avoir lieu entre l’empereur d’Allemagne et l empereur de Russie. En effet, selon lui, dans cette entrevue, il ne devait être question de rien moins que de l’aplatissement complet de la France, qui, au gré du parti mili
taire allemand, se relève trop vite de ses désastres et trop vite aussi se met en mesure de se pouvoir dé
fendre si l’on s’avisait quelque jour de lui chercher une mauvaise querelle. En conséquence, le parti alle
mand était bien résolu à l’écraser définitivement cette Ibis, et si l’empereur de Russie le permettait, notre homme ne doutait point que ce ne fut chose laite.
De là ses angoisses et les pleurs versés par lui dans le sein du Times. Heureusement ce journal généreux et compatissant a bien voulu prendre soin de le récon
forter un peu ; mais il eût beaucoup mieux fait encore de ne point éditer ces jérémiades aussi ridicules que fantaisistes.
La France, en effet, ne s’est- effrayée de l’entrevue des deux empereurs que dans ses colonnes. Forte de son droit, de la loyauté desa conduite, elle sait qu’elle n’a rien à en craindre, d’abord parce que, à la face du monde, aux yeux des peuples qui regardent ces deux polenlats et les jugent, l’un ne peut pas plus demander que l’autre accorder une infamie, le vou
lussent-ils, ce qu’il n’est pas permis de supposer ; eu second lieu parce que la Russie, pas plus qu’aucune autre puissance, n’a intérêt à l’écrasement définitif de la France, contre-poids naturel du nouvel empire, que sou relèvement peut menacer sans doute dans l’om
nipotence à laquelle il parait tendre, mais non cer
tainement dans sa puissance légitime. R y a encore une aulre raison qui fait que ce pays, malgré ses re
vers, attendrait, nous en sommes convaincus, sinon sans douleur, du moins sans lâche crainte, le résultat d’un concert môme hostile des deux empereurs, c’est son courage. R n’hésiterait pas à se défendre et peutêtre, devant une question de vie ou de mort, sauraitil le faire de façon à déjouer, en fin de compte, les projets peu notdes que l’on prête au parti militaire allemand.
Quoi qu’il en soit d’ailleurs de ces projets, ce n’est pas par une agression brutale, croyons-nous, qu’il tentera jamais de les mettre à exécution. H a besoin de ménager l’opinion des autres puissances, de ne leur point inspirer de crainte fâcheuse. Il lui faut, pour entrer en campagne, un prétexte, et un prétexte qui se tienne à peu près debout. Cela est si vrai, il sent tellement qu’il ne peut s’en passer qu’au vu et au su
de tout le monde, il le cherche depuis trois ans, ce prétexte, s’efforçant par mille moyens de nous exciter,
de nous pousser à bout, de nous faire commeltre quelque imprudence. Mais jusqu’ici il n’a pu y réussir, et, nous l’espérons bien, il n’y réussira pas da
vantage par la suite, malgré les provocations de la presse officieuse de Berlin ou les arlicles à deux tran
chants adressés à quelque journal anglais par n’importe quel « correspondant parisien », homme poli
tique ou non. Il n’y réussira pas. et, ce sera sa punilion, nous commuerons tranquillement à user du droit incontestable que nous avons, en nous réorga
nisant militairement, de nous mettre en état de nous faire respecter chez nous, même par lui
Au reste, la tempête soulevée par la lettre du Times s’est singulièrement calmée à l’heure actuelle! L’empereur de Russie a embrassé son frère d’Alle
magne à Berlin, et comme si les journaux n’eussent attendu que ce moment pour modifier leur langage,
tous aussitôt se sont mis à chanter la paix sur tous les tons et sans plus de mesure qu’ils n’en avaient mis les jours précédents à sonner la charge. La Gazette nationale est même allée jusqu’à menacer de l’enlever, s’il était besoin, à la pointe de l’épée. « L’Allemagne, s’est-elle écriée, veut la paix; elle la veut, tout en ayant conscience d’être assez forte pour terrasser le perturbateur contre lequel elle retrouve
rait le vigoureux élan qui a conduit, il y a quatre ans, nos armées de victoire en victoire. Si quelqu’un s’avisait seulement de lever la main contre la paix,
ce palladium de l’Europe, nous espérons que le glaive allemand le frapperait plus vite et plus fort qu’il ne se le figure. » Allons, tant mieux, et maintenant nous pouvons dormir tranquilles sur la parole de la Gazette nationale. Elle manque un peu de grâce et de bon goût, sans doute, mais ce sont là des qualités qui ne courent pas les rues en Allemagne, on sait cela. Laissons donc la forme pour le fond. L’Alle
magne a la force, cela suffit, et elle est assez bonne pour la mettre au service de la paix, que demander de plus ?
Décidément le Nord, organe du gouvernement russe, avait raison lorsqu’il affirmait dernièrement que l’empereur Alexandre ne donnerait point son assentiment à la guerre.
L’Assemblée nationale a fait sa rentrée, le 11, sans grand empressement. Plus d’un quart des députés manquait à l’appel. Heureusement que rien d’im
portant, contrairement à l’attente générale, ne s’est passé dans cette séance. Les projets complémentaires organiques qui devaient être déposés ne l’ont pas été, et les députés de la droite n’ont pas réclamé la mise à l’ordre du jour de la loi sur renseignement supérieur.
Plusieurs projets de loi ont été déposés au nom du gouvernement, notamment un projet de loi tendant à la fixation du budget général des dépenses et des recettes de l’exercice 1876, un autre concernant le
remboursement de l’emprunt Morgan, par M. Louis Passv, sous-secrétaire d’Etat des finances, et deux autres projets relatifs : l’un, à une ouverture de cré
dits montant ensemble à 1 750000 francs pour l’installation des deux chambres dans le palais de Ver
sailles; l’autre, à l’achèvement du pavillon Marsan et à l’installation de la cour des comptes, par M. Cail
loux, ministre des travaux publics. Sur le premier de ces deux derniers projets, qui a été renvoyé à une commission spéciale, l’urgence a été prononcée, ainsi que sur une proposition déposée par M. Guichard et ayant pour objet, la résiliation, avant le 22 juillet 1875, des marchés conclus avec la société des messageries maritimes.
L’ordre du jour a ensuite été réglé de la façon suivante : Discussion des projets de loi sur les modifi
cations à apporter au code de justice militaire; sur les tarifs des greffiers de justice de paix; sur les prisons départementales ; enfin discussion du projet re
latif au chemin de fer de Paris-Lyon-Méditerranée. Ajoutons que, dans cet ordre du jour, place a été réservée pour la discussion du rapport sur la proposi
tion Courcelle, rapport que M. Clapier a fait espérer à la Chambre qu’il déposerait le lendemain 12. Cette discussion, dont l’urgence est évidente puisque de nouvelles convocations pour les élections vont devenir nécessaires, a donc lieu au moment où nous tra
çons ces lignes, ou tout nu moins aura-t-elle eu lieu quand elles paraîtront. L’importance de cette ques
tion n’échappera à personne, puisqu’elle doit, suivant toutes les probabilités, trancher la question de la dis
solution, que d’ailleurs beaucoup de membres de la droite qui, dans le principe, parlaient de la rejeter au printemps prochain, ne répugnent plus, paraît-il, à fixer avec les gauches à l’automne de cette année.
Une remarque pour rire, en terminant :
L’Assemblée est rentrée le 11, après six semaines de vacances. Or, ce jour-là même, huit membres de l’Assemblée, l Officiel en fait foi, se sont rencontrés pour demander... un congé.
ALLEMAGNE
La Chambre des députés de Prusse a adopté en troisième lecture le projet de loi sur l’administration
des biens catholiques ecclésiastiques. Le projet relatif à la suppression des couvents a été déposé le 1er mai.
H porte, à l’article Ier, que tous les ordres religieux catholiques et toutes les congrégations catholiques analogues à des Ordres religieux sont interdits sur le territoire prussien et ne peuvent y fonder des établissements.
Les établissements qui existent déjà ne peuvent accepter de nouveaux membres et doivent être dissous dans un délai de six mois. Les établissements religieux dont les membres se vouent à l’enseignement pour
ront obtenir un délai de dissolution de quatre ans au plus.
L’article 2 porte que les établissements religieux exclusivement hospitaliers peuvent continuer d’exister, mais que leur suppression pourra toujours être décrétée par ordonnance royale.
Ce projet a été adopté en troisième lecture par 243 voix contre 80, le 10 mai, et sans modifications.
ITALIE.
L’exécution de la loi des garanties, qui avait provoqué les réclamations de l’Allemagne, a amené au parlement italien deux interpellations : l’une, de
de M. La Porta, qui l’a retirée après les explications du ministre de la justice et des cultes; l’autre, de M. Mancini, dont le discours n’a été qu’un long ré
quisitoire contre la politique du ministère. Ce discours est résumé dans les six chefs d’accusation suivants : tendance déplorable de la politique générale de l’Etat dans ses rapports avec le saint-siège; abandon du droit régulier de patronat sur les bénéfices ecclésiastiques ; exequatur accordé indûment à certains évê
ques qui ne l’avaient pas demandé dans les formes légales, et placet royal octroyé à des curés nommés par des évêques non munis de V exequatur ; défaut de répression des abus et excès de pouvoir commis par divers membres du haut et du bas clergé; entraves mises à l’élection des curés par leurs paroisses; enfin autorisation d’accepter des legs conférés arbitrairement à certains établissements ecclésiastiques.
M. Yigliani a réfuté victorieusement tous ces griefs, et, à l’apologie du gouvernement joignant une vigou
reuse défense de la loi des garanties presque unani
mement approuvée par le pays, il a eu facilement raison de son adversaire qui, dans un ordre du jour fort bien motivé, a été battu par 219 voix contre 149.
SUISSE
Les représentants des divers Etats de l’union postale se sont réunis dernièrement à Berne. Le délégué français a déclaré adhérer au traité du 9 octobre, sous la réserve de la ratification de l’Assemblée et aux conditions suivantes :
1° La France se réserve de n’appliquer le traité qu’à partir du 4er janvier 1876 ; 2° La bonification pour le transit territorial sera réglée d’après le parcours réel ; 3° Les tarifs perçus conformément au traité ne pourront être modifiés qu’à l’unanimité dès Etats contractants.
Les représentants des autres Etats ont adhéré à la première et à la troisième condition. La deuxième a été également acceptée, mais avec la modification sui
vante proposée par le délégué russe : « La bonification à payer pour le transit territorial sera réglée d’après le parcours réel, mais conformément aux taxes éta
blies par le traité constitutif de l’union générale des postes. »
Après ces préliminaires, le délégué de la France a signé le traité, qui sera prochainement soumis à la ratification de l’Assemblée nationale.
— Comment! la guerre?— Mon Dieu, oui. — Serait-ce possible pendant ce printemps si fleuri, si ensoleillé, si enclin à l’idylle? — Ce
sont les journaux étrangers qui le disent. — Ne les croyez pas; ce sont des fous ou des pipeurs de dés. — Mais l’Allemagne... — L’Allemagne ne demande qu’à demeurer en repos, de même que la France. Pas plus tard que la semaine passée, le prince de Ilohenlohe assistait au dîner que donnait à l’Elysée le maréchal de Mac-Mahon ;
tout le monde a remarqué qu’il a redemandé des fraises, A qui fera-t-on jamais accroire qu’un ambassadeur qui revient aux fraises puisse rede
mander son passe-port le lendemain ? — Tant qu’il vous plaira, mais, pour sûr, le Times... —
Texte : Histoire de la semaine. — Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand — Le Salon de 1875 (II). — Nos gravures :
M. Buffet; — L’Exposition de Blois; — Le yacht VEclipse; — Le lendemain de Waterloo, par M. E. Bayard; — Premières caresses, par M. Firmin Girard. — Le Chaudron du diable, nouvelle, par M. G. de Chenille (suite). — Les Théâtres. — Chronique du Sport.— Revue comique du Salon de 1875, par Bertall. — Revue financière de la semaine. — Faits divers. — Bulletin bibliographique. — Echecs.
Gravures : M. Buffet, vice-président du conseil, ministre de l’intérieur. — L’Exposition de Blois: kiosque de l’administration forestière; — Exposition d’horticulture; — Vue générale de l’Exposition industrielle; — Exposition des beaux-arts :
l’escalier d’honneur. — Paris : la goëlette-école VEclipse, mouillée au pont Royal. — Salon de 1875 : Le lendemain de Waterloo, tableau de M. Bayard; — Premières caresses, ta
bleau de M. Firmin Girard. — Revue comique du Salon de 1875, par Bertall (8 sujets). — Le Concert de l’Horloge, aux Champs-Elysées. — Rébus.
HISTOIRE DE LA SEMAINE
FRANCE
Encore un ballon de crevé, et tenez pour certain que ce ne sera pas le dernier. Aussi,
Quand nous serons a dix trous tenons une croix.
Il venait cette fois d’Angleterre, enveloppé dans un numéro du Times, cette feuille exempte de préjugés, qui sait avec tant de désinvolture souffler le chaud et le froid, et, selon le vent, soutenir le pour et le contre avec une si louable indifférence.
Donc le Times s’était fait adresser une lettre de Paris par « un homme politique français ». Dans cette lettre, ce Français comme il n’y en a guère et cet homme politique comme ii n’y en a pas, déclarait, en tremblant de tous ses membres, qu’il était dévoré
d’inquiétude à la pensée de l’entrevue qui allait avoir lieu entre l’empereur d’Allemagne et l empereur de Russie. En effet, selon lui, dans cette entrevue, il ne devait être question de rien moins que de l’aplatissement complet de la France, qui, au gré du parti mili
taire allemand, se relève trop vite de ses désastres et trop vite aussi se met en mesure de se pouvoir dé
fendre si l’on s’avisait quelque jour de lui chercher une mauvaise querelle. En conséquence, le parti alle
mand était bien résolu à l’écraser définitivement cette Ibis, et si l’empereur de Russie le permettait, notre homme ne doutait point que ce ne fut chose laite.
De là ses angoisses et les pleurs versés par lui dans le sein du Times. Heureusement ce journal généreux et compatissant a bien voulu prendre soin de le récon
forter un peu ; mais il eût beaucoup mieux fait encore de ne point éditer ces jérémiades aussi ridicules que fantaisistes.
La France, en effet, ne s’est- effrayée de l’entrevue des deux empereurs que dans ses colonnes. Forte de son droit, de la loyauté desa conduite, elle sait qu’elle n’a rien à en craindre, d’abord parce que, à la face du monde, aux yeux des peuples qui regardent ces deux polenlats et les jugent, l’un ne peut pas plus demander que l’autre accorder une infamie, le vou
lussent-ils, ce qu’il n’est pas permis de supposer ; eu second lieu parce que la Russie, pas plus qu’aucune autre puissance, n’a intérêt à l’écrasement définitif de la France, contre-poids naturel du nouvel empire, que sou relèvement peut menacer sans doute dans l’om
nipotence à laquelle il parait tendre, mais non cer
tainement dans sa puissance légitime. R y a encore une aulre raison qui fait que ce pays, malgré ses re
vers, attendrait, nous en sommes convaincus, sinon sans douleur, du moins sans lâche crainte, le résultat d’un concert môme hostile des deux empereurs, c’est son courage. R n’hésiterait pas à se défendre et peutêtre, devant une question de vie ou de mort, sauraitil le faire de façon à déjouer, en fin de compte, les projets peu notdes que l’on prête au parti militaire allemand.
Quoi qu’il en soit d’ailleurs de ces projets, ce n’est pas par une agression brutale, croyons-nous, qu’il tentera jamais de les mettre à exécution. H a besoin de ménager l’opinion des autres puissances, de ne leur point inspirer de crainte fâcheuse. Il lui faut, pour entrer en campagne, un prétexte, et un prétexte qui se tienne à peu près debout. Cela est si vrai, il sent tellement qu’il ne peut s’en passer qu’au vu et au su
de tout le monde, il le cherche depuis trois ans, ce prétexte, s’efforçant par mille moyens de nous exciter,
de nous pousser à bout, de nous faire commeltre quelque imprudence. Mais jusqu’ici il n’a pu y réussir, et, nous l’espérons bien, il n’y réussira pas da
vantage par la suite, malgré les provocations de la presse officieuse de Berlin ou les arlicles à deux tran
chants adressés à quelque journal anglais par n’importe quel « correspondant parisien », homme poli
tique ou non. Il n’y réussira pas. et, ce sera sa punilion, nous commuerons tranquillement à user du droit incontestable que nous avons, en nous réorga
nisant militairement, de nous mettre en état de nous faire respecter chez nous, même par lui
Au reste, la tempête soulevée par la lettre du Times s’est singulièrement calmée à l’heure actuelle! L’empereur de Russie a embrassé son frère d’Alle
magne à Berlin, et comme si les journaux n’eussent attendu que ce moment pour modifier leur langage,
tous aussitôt se sont mis à chanter la paix sur tous les tons et sans plus de mesure qu’ils n’en avaient mis les jours précédents à sonner la charge. La Gazette nationale est même allée jusqu’à menacer de l’enlever, s’il était besoin, à la pointe de l’épée. « L’Allemagne, s’est-elle écriée, veut la paix; elle la veut, tout en ayant conscience d’être assez forte pour terrasser le perturbateur contre lequel elle retrouve
rait le vigoureux élan qui a conduit, il y a quatre ans, nos armées de victoire en victoire. Si quelqu’un s’avisait seulement de lever la main contre la paix,
ce palladium de l’Europe, nous espérons que le glaive allemand le frapperait plus vite et plus fort qu’il ne se le figure. » Allons, tant mieux, et maintenant nous pouvons dormir tranquilles sur la parole de la Gazette nationale. Elle manque un peu de grâce et de bon goût, sans doute, mais ce sont là des qualités qui ne courent pas les rues en Allemagne, on sait cela. Laissons donc la forme pour le fond. L’Alle
magne a la force, cela suffit, et elle est assez bonne pour la mettre au service de la paix, que demander de plus ?
Décidément le Nord, organe du gouvernement russe, avait raison lorsqu’il affirmait dernièrement que l’empereur Alexandre ne donnerait point son assentiment à la guerre.
L’Assemblée nationale a fait sa rentrée, le 11, sans grand empressement. Plus d’un quart des députés manquait à l’appel. Heureusement que rien d’im
portant, contrairement à l’attente générale, ne s’est passé dans cette séance. Les projets complémentaires organiques qui devaient être déposés ne l’ont pas été, et les députés de la droite n’ont pas réclamé la mise à l’ordre du jour de la loi sur renseignement supérieur.
Plusieurs projets de loi ont été déposés au nom du gouvernement, notamment un projet de loi tendant à la fixation du budget général des dépenses et des recettes de l’exercice 1876, un autre concernant le
remboursement de l’emprunt Morgan, par M. Louis Passv, sous-secrétaire d’Etat des finances, et deux autres projets relatifs : l’un, à une ouverture de cré
dits montant ensemble à 1 750000 francs pour l’installation des deux chambres dans le palais de Ver
sailles; l’autre, à l’achèvement du pavillon Marsan et à l’installation de la cour des comptes, par M. Cail
loux, ministre des travaux publics. Sur le premier de ces deux derniers projets, qui a été renvoyé à une commission spéciale, l’urgence a été prononcée, ainsi que sur une proposition déposée par M. Guichard et ayant pour objet, la résiliation, avant le 22 juillet 1875, des marchés conclus avec la société des messageries maritimes.
L’ordre du jour a ensuite été réglé de la façon suivante : Discussion des projets de loi sur les modifi
cations à apporter au code de justice militaire; sur les tarifs des greffiers de justice de paix; sur les prisons départementales ; enfin discussion du projet re
latif au chemin de fer de Paris-Lyon-Méditerranée. Ajoutons que, dans cet ordre du jour, place a été réservée pour la discussion du rapport sur la proposi
tion Courcelle, rapport que M. Clapier a fait espérer à la Chambre qu’il déposerait le lendemain 12. Cette discussion, dont l’urgence est évidente puisque de nouvelles convocations pour les élections vont devenir nécessaires, a donc lieu au moment où nous tra
çons ces lignes, ou tout nu moins aura-t-elle eu lieu quand elles paraîtront. L’importance de cette ques
tion n’échappera à personne, puisqu’elle doit, suivant toutes les probabilités, trancher la question de la dis
solution, que d’ailleurs beaucoup de membres de la droite qui, dans le principe, parlaient de la rejeter au printemps prochain, ne répugnent plus, paraît-il, à fixer avec les gauches à l’automne de cette année.
Une remarque pour rire, en terminant :
L’Assemblée est rentrée le 11, après six semaines de vacances. Or, ce jour-là même, huit membres de l’Assemblée, l Officiel en fait foi, se sont rencontrés pour demander... un congé.
ALLEMAGNE
La Chambre des députés de Prusse a adopté en troisième lecture le projet de loi sur l’administration
des biens catholiques ecclésiastiques. Le projet relatif à la suppression des couvents a été déposé le 1er mai.
H porte, à l’article Ier, que tous les ordres religieux catholiques et toutes les congrégations catholiques analogues à des Ordres religieux sont interdits sur le territoire prussien et ne peuvent y fonder des établissements.
Les établissements qui existent déjà ne peuvent accepter de nouveaux membres et doivent être dissous dans un délai de six mois. Les établissements religieux dont les membres se vouent à l’enseignement pour
ront obtenir un délai de dissolution de quatre ans au plus.
L’article 2 porte que les établissements religieux exclusivement hospitaliers peuvent continuer d’exister, mais que leur suppression pourra toujours être décrétée par ordonnance royale.
Ce projet a été adopté en troisième lecture par 243 voix contre 80, le 10 mai, et sans modifications.
ITALIE.
L’exécution de la loi des garanties, qui avait provoqué les réclamations de l’Allemagne, a amené au parlement italien deux interpellations : l’une, de
de M. La Porta, qui l’a retirée après les explications du ministre de la justice et des cultes; l’autre, de M. Mancini, dont le discours n’a été qu’un long ré
quisitoire contre la politique du ministère. Ce discours est résumé dans les six chefs d’accusation suivants : tendance déplorable de la politique générale de l’Etat dans ses rapports avec le saint-siège; abandon du droit régulier de patronat sur les bénéfices ecclésiastiques ; exequatur accordé indûment à certains évê
ques qui ne l’avaient pas demandé dans les formes légales, et placet royal octroyé à des curés nommés par des évêques non munis de V exequatur ; défaut de répression des abus et excès de pouvoir commis par divers membres du haut et du bas clergé; entraves mises à l’élection des curés par leurs paroisses; enfin autorisation d’accepter des legs conférés arbitrairement à certains établissements ecclésiastiques.
M. Yigliani a réfuté victorieusement tous ces griefs, et, à l’apologie du gouvernement joignant une vigou
reuse défense de la loi des garanties presque unani
mement approuvée par le pays, il a eu facilement raison de son adversaire qui, dans un ordre du jour fort bien motivé, a été battu par 219 voix contre 149.
SUISSE
Les représentants des divers Etats de l’union postale se sont réunis dernièrement à Berne. Le délégué français a déclaré adhérer au traité du 9 octobre, sous la réserve de la ratification de l’Assemblée et aux conditions suivantes :
1° La France se réserve de n’appliquer le traité qu’à partir du 4er janvier 1876 ; 2° La bonification pour le transit territorial sera réglée d’après le parcours réel ; 3° Les tarifs perçus conformément au traité ne pourront être modifiés qu’à l’unanimité dès Etats contractants.
Les représentants des autres Etats ont adhéré à la première et à la troisième condition. La deuxième a été également acceptée, mais avec la modification sui
vante proposée par le délégué russe : « La bonification à payer pour le transit territorial sera réglée d’après le parcours réel, mais conformément aux taxes éta
blies par le traité constitutif de l’union générale des postes. »
Après ces préliminaires, le délégué de la France a signé le traité, qui sera prochainement soumis à la ratification de l’Assemblée nationale.
— Comment! la guerre?— Mon Dieu, oui. — Serait-ce possible pendant ce printemps si fleuri, si ensoleillé, si enclin à l’idylle? — Ce
sont les journaux étrangers qui le disent. — Ne les croyez pas; ce sont des fous ou des pipeurs de dés. — Mais l’Allemagne... — L’Allemagne ne demande qu’à demeurer en repos, de même que la France. Pas plus tard que la semaine passée, le prince de Ilohenlohe assistait au dîner que donnait à l’Elysée le maréchal de Mac-Mahon ;
tout le monde a remarqué qu’il a redemandé des fraises, A qui fera-t-on jamais accroire qu’un ambassadeur qui revient aux fraises puisse rede
mander son passe-port le lendemain ? — Tant qu’il vous plaira, mais, pour sûr, le Times... —