Sigisbert-François Michel. Plus tard, il est vrai, l’Italie et les Flandres se virent préférées à la France : le roi de Prusse n’avait plus besoin d’être
distrait d’une réalité qu’il acceptait, et des « fêtes galantes » ne convenaient pas au conquérant de la Silésie. Il ne voulait que des Van Dyck ou des Rubens, des Titien, des Raphaël ou des Gorrège, et se faisait d’ailleurs outrageusement voler. Mais il avait eu le temps de réunir une collection incomparable de tableaux français, et cette collection demeure entière dans les palais impériaux.
Lanouvelle de l’exposition organisée, au profit d’une œuvre française, par l’Académie des Arts do Berlin, sous le patronage de l’empereur d’Alle
magne, avait donc bien de quoi séduire. Que n’y verrions-nous pas ? Douze Watteau, vingt-six Lancret, trente-sept Pater, cinquante Pesne. Nous allions « toucher du doigt » cette petite France qui entoura le berceau des grandeurs de la Prusse. On ne nous a pas montré tout cela : beaucoup de
peintures, que nous eussions désiré voir, sont restées à Potsdam ou au château royal. Telle qu’elle est, cependant, l’exposition est fort belle.
L’empereur a prêté quelques-uns de ses meilleurs tableaux ; s’il n’a pas cru devoir se dessaisir de son Embarquement pour Cylhère, que nous aurions aimé comparer au nôtre, il a consenti à dépouiller de l’Enseigne de Gersaint, pour quelques semaines, le salon de l’impératrice. Le roi de Saxe, les grands-ducs de Bade, de Hesse et de Saxe-Weimar, le prince de Liechtenstein, ont donné leur concours ; le comte de Seckendorf et le président de l’Académie, M. Kampf, ont su trouver en Allemagne d excel
lentes choses; à Paris, un comité formé sur l’initiative de M. Jules Cambon, notre ambassadeur, a réuni une centaine d’œuvres heureusement choisies 1 ;
l’État français a envoyé de magnifiques tentures de la suite d Esther ; cela fait un ensemble du plus vif intérêt, d’autant plus agréable à voir qu’il est présenté avec un goût parfait, dans les salles claires et sobrement ornées de la Pariser Platz 2.
1. Co comité, présidé par le prince d’Arenberg, se composait de WM. le duc Decazes, Metman, le baron Maurice de Rothschild, le baron Th. de Berckeim, Custave et Carie Dreyfus.
2. S il n y a qu’à louer le choix et l’arrangement des tableaux, on n’en saurait faire autant du catalogue : il ne vaut pas mieux que les moins bons qu’on ait vus à Paris ; il est incorrect et incomplet. Il ne convient pas de se montrer trop dilticile sur les attributions et les dénominations des œuvres ; on sait bien qu il faut accepter celles que donnent les propriétaires. Néanmoins, certaines d entre elles sont par trop fantaisistes : celles, par exemple, des portraits prêtés par Don Jaime de Bourbon; celle aussi de la toile appartenant au marquis do Chapponay, qui est ainsi désignée :