5 Octobre 1907
LA CONSTRUCTION MODERNE
HABITATIONS A TRÈS BON MARCHÉ
M. Jean d’Orsay écrit au Matin qu’il serait temps de faire participer la capitale aux bienfaits d une civilisation un peu
plus avancée. On s’est, préoccupé déjà de procurer aux classes les moins favorisées des habitations saines à bon marché, ce qui mérite de nombreuses approbations; mais on n’a pasencore découvert le moyen de les livrer à la consommation pour un prix vraiment dérisoire, qui serait alors seulement à la portée de toutes les bourses.
Ce moyen, M. dʼOrsay lʼa découvert après de sérieuses méditations, après de longues observations recueillies à travers la capitale. Philanthrope de bon aloi, il tient à en faire généreu
sement part à ses amis et connaissances. C’est pourquoi, sous le couvert du Matin, il adresse une lettre tout ouverte à M. le Directeur des domaines.
Désolé de voir tant de ménages ouvriers végéter dans des immeubles insalubres, il a commencé, affirme-t-il, par réunir quelques actionnaires autour de quelques capitaux. Jusqu’ici sa combinaison n’offrait rien de bien nouveau; mais voici ou apparaît toute l’originalité de sa conception à la lois humanitaire et financière.
M. d’Orsay et ses actionnaires n’avaient pas eu grand’peine à constater que la Ville de Paris et lʼÉtat français, par suite de désaffectations, d’expositions périmées, d’expropriations en tous genres, disposent de nombreux terrains vagues et d immeubles « de môme nature » qui sont demeurés en plan pendant leur cours d’exécution: « terrains et bâtiments que
l’État et la Ville, dit-il, laissent péricliter à l’abandon, par la bonne raison qu’ils ne savent quʼen faire ni l’un ni lʼautre ».
Ici commence une énumération au moins partielle: tout
d’abord le bel immeuble inachevé de la rue Cambon, « jadis destiné à loger la nouvelle Cour des Comptes »; puis les superbes locaux de l’Imprimerie nationale dans l’ancien hôtel de Rohan; ensuite le couvent de la rue Oudinot, « où il lut question
de transporter un moment le ministère des Colonies... ».
Sous cette nomenclature nous craignons de voir percer déjà quelque ironie de la part de l’auteur. L’immeuble de la rue Cambon fut destiné à la Cour des Comptes; mais il ne le fut pas seulement jadis; il le sera encore demain, après demain,
lʼan prochain, et pendant bien des lustres encore. Arrivera-t-il jamais a destination? Cela, nul ne peut l affirmer; mais elle est immuable.
De même, pour le couvent de la rue Oudinot, M. d’Orsay estime qu’il fut question d’y transporter un moment le ministère que Ton sait. Là sa plume Ta évidemment trahi. Ce minis
tère est extrêmement sédentaire; il est comme le lierre qui s’attache fortement et s’enracine une bonne fois pour toutes. Jusqu’à ce jour on a pu constater qu il est à peu près impossible de le déraciner, quoi qu on fasse.
Il n’y a donc aucun espoir, aucune vraisemblance que jamais les Colonies consentent à se laisser transporter un mo
ment. Si elles consentaient jamais à un déménagement quel
conque, ce qui est bien peu probable, ce ne serait évidemment que contre un bail pour lʼéternité, et même au delà.
Cela tombe sous le sens. Evidemment l’écrivain a voulu dire qu’il fut question un moment d’un semblable transport. Mais, même après rectification, l’affirmation ne serait pas en
core correcte absolument. Il y eut, non pas un, mais bien des moments où cette question fut agitée, très agitée; en général, elle lʼest deux fois par an en moyenne, si ce nʼest davantage, suivant les hasards de presse et de tribune.
Il demeure du reste parfaitement exact que, d’une façon ou de l’autre, l immeuble Oudinot n’est pas occupé et n’a pas de chances sérieuses de l’être d’ici à longtemps. Donc, comme disait le célèbre commentateur et auteur des Notes et Notules sur un paragraphe supprimé, la remarque n’en subsiste pas moins.
A ce commencement de liste viennent s adjoindre: «les grandioses solitudes du Champ-de-Mars et, y compris, l’imposante armature de la galerie des machines ».
23e Année. N 1.
LA CONSTRUCTION MODERNE
ACTUALITÉS
HABITATIONS A TRÈS BON MARCHÉ
M. Jean d’Orsay écrit au Matin qu’il serait temps de faire participer la capitale aux bienfaits d une civilisation un peu
plus avancée. On s’est, préoccupé déjà de procurer aux classes les moins favorisées des habitations saines à bon marché, ce qui mérite de nombreuses approbations; mais on n’a pasencore découvert le moyen de les livrer à la consommation pour un prix vraiment dérisoire, qui serait alors seulement à la portée de toutes les bourses.
Ce moyen, M. dʼOrsay lʼa découvert après de sérieuses méditations, après de longues observations recueillies à travers la capitale. Philanthrope de bon aloi, il tient à en faire généreu
sement part à ses amis et connaissances. C’est pourquoi, sous le couvert du Matin, il adresse une lettre tout ouverte à M. le Directeur des domaines.
Désolé de voir tant de ménages ouvriers végéter dans des immeubles insalubres, il a commencé, affirme-t-il, par réunir quelques actionnaires autour de quelques capitaux. Jusqu’ici sa combinaison n’offrait rien de bien nouveau; mais voici ou apparaît toute l’originalité de sa conception à la lois humanitaire et financière.
M. d’Orsay et ses actionnaires n’avaient pas eu grand’peine à constater que la Ville de Paris et lʼÉtat français, par suite de désaffectations, d’expositions périmées, d’expropriations en tous genres, disposent de nombreux terrains vagues et d immeubles « de môme nature » qui sont demeurés en plan pendant leur cours d’exécution: « terrains et bâtiments que
l’État et la Ville, dit-il, laissent péricliter à l’abandon, par la bonne raison qu’ils ne savent quʼen faire ni l’un ni lʼautre ».
Ici commence une énumération au moins partielle: tout
d’abord le bel immeuble inachevé de la rue Cambon, « jadis destiné à loger la nouvelle Cour des Comptes »; puis les superbes locaux de l’Imprimerie nationale dans l’ancien hôtel de Rohan; ensuite le couvent de la rue Oudinot, « où il lut question
de transporter un moment le ministère des Colonies... ».
Sous cette nomenclature nous craignons de voir percer déjà quelque ironie de la part de l’auteur. L’immeuble de la rue Cambon fut destiné à la Cour des Comptes; mais il ne le fut pas seulement jadis; il le sera encore demain, après demain,
lʼan prochain, et pendant bien des lustres encore. Arrivera-t-il jamais a destination? Cela, nul ne peut l affirmer; mais elle est immuable.
De même, pour le couvent de la rue Oudinot, M. d’Orsay estime qu’il fut question d’y transporter un moment le ministère que Ton sait. Là sa plume Ta évidemment trahi. Ce minis
tère est extrêmement sédentaire; il est comme le lierre qui s’attache fortement et s’enracine une bonne fois pour toutes. Jusqu’à ce jour on a pu constater qu il est à peu près impossible de le déraciner, quoi qu on fasse.
Il n’y a donc aucun espoir, aucune vraisemblance que jamais les Colonies consentent à se laisser transporter un mo
ment. Si elles consentaient jamais à un déménagement quel
conque, ce qui est bien peu probable, ce ne serait évidemment que contre un bail pour lʼéternité, et même au delà.
Cela tombe sous le sens. Evidemment l’écrivain a voulu dire qu’il fut question un moment d’un semblable transport. Mais, même après rectification, l’affirmation ne serait pas en
core correcte absolument. Il y eut, non pas un, mais bien des moments où cette question fut agitée, très agitée; en général, elle lʼest deux fois par an en moyenne, si ce nʼest davantage, suivant les hasards de presse et de tribune.
Il demeure du reste parfaitement exact que, d’une façon ou de l’autre, l immeuble Oudinot n’est pas occupé et n’a pas de chances sérieuses de l’être d’ici à longtemps. Donc, comme disait le célèbre commentateur et auteur des Notes et Notules sur un paragraphe supprimé, la remarque n’en subsiste pas moins.
A ce commencement de liste viennent s adjoindre: «les grandioses solitudes du Champ-de-Mars et, y compris, l’imposante armature de la galerie des machines ».
23e Année. N 1.