dit dans le pays, — tout autour du monument, un dallage en ciment forme trottoir et sʼoffre comme refuge aux piétons; l’emplacement occupé forme une plate-forme carrée de 7m, 25 de côtés, ornée de poteaux-bornes en fonte. Une seule ouverture, pratiquée dans lʼépais mur de granit, donne accès à l’intérieur; une forte porte en chêne à panneaux pleins com
mande cette baie; un escalier en fer forgé avec marches en tôle striée, assez semblable aux escaliers des bateaux ou des salles de machines, permet de monter au premier étage, à la chambre de l’horloge, au balcon et au beffroi.
L’horloge, dont le mécanisme est installé dans la chambre ad hoc du premier étage, comporte quatre cadrans de 1 mètre de diamètre, éclairés pendant toute la nuit àlalumière électrique.
Un jeu de cinq cloches en bronze, disposées comme les montre la coupe, sonne les heures, les demies et les quarts;
leur carillon joue les mêmes airs que celui de Westminster, si célèbre en Angleterre.
Lʼœuvre de M. Jan F. Groll se ressent tout entière du long séjour que lʼauteur fit aux Indes. Le dôme qui couronne cette construction est une pièce très pure, de ce style que les archi
tectes anglais appellent « hindoo-saracenic », très apprécié au pays des Radjahs. Nous ne chercherons pas à le décrire ici. Notre gravure en parle avec plus d’éloquence que la plus complète description.
Au-dessus du dôme, dans la partie que nous sommes tenté d’appeler lʼétage dʼattique et que l’architecte de l’édifice nomme beffroi, il faut signaler à l’attention de nos lecteurs les contreforts et leurs pinacles. Plus bas, les motifs qui ornent les cadrans sont assez intéressants; les sujets, très divers, qui contribuent à former cet ensemble, ne forment pas un tout trop disparate: fronton triangulaire, corniches
rectilignes, cariatides, consoles et modillons s’entendent très bien, et les sphinx, qui reposent sur les huit pilastres d’an
gle, semblent supporter allègrement et sans effort les parties supérieures, bien qu’un peu lourdes, du monument.
N’oublions pas les lanternes qui ornent les quatre angles de la tour; mais soyons modernes, appelons-les lampes à are,
puisqu’elles répandent la lumière électrique sur la place, et ce avec une puissance de 4. 500 bougies chacune. Ces lampes sont suspendues à des consoles en fer forgé, qui représen
tent les dragons ailés de Saint-Georges, ce qui est tout à fait couleur locale, puisque l’édifice s’élève à Saint-Georges Circus. Will Darvillé.


PARIS QUI S’EN VA


RUES DU REGARD ET DU CHERCHE-MIDI
PLANCHES 1, 2, 3.
Le percement des nouveaux boulevards est évidemment un excellent moyen de donner dans certains quartiers plus d’air et de lumière-, mais quelquefois ces avantages hygiéniques sont la cause de la disparition de constructions qui sont de beaux mouuments d’architecture.
Sans contester l’utilité du boulevard Raspail, qui gratifie la rive gauche d’une de ses voies les plus longues et plus nécessaires, on peut regretter qu’il exige la démolition de quel
ques vieux hôtels du xvIIIe siècle, dans la partie du dernier tronçon comprise entre la rue de Rennes et la rue de Sèvres.
L’Hôtel du Conseil de guerre, notamment, 37, rue du Cherche-Midi, disparaît dans son entier. Nous avons voulu conserver le souvenir de sa porte monumentale, aux armoiries
finement sculptées, ainsi que de la rampe en fer forgé, dont le motif de départ est réservé par la Commission du Vieux Paris. Nous reproduisons aussi la figure formant motif décoratif au-dessus de la porte d’entrée.
Beaucoup de souvenirs se rattachent à cet hôtel qui disparaît. R appartint, dit-on, à Mme de Verrue au xvIIIe siècle, ensuite à la famille des Toulouse-Lautrec. Après la Révolution, on y installa le Conseil de guerre. C’est là aussi que Victor-Hugo aurait connu sa fiancée.
Nous reproduisons également quelques portes d’hôtels de la rue du Regard. La pioche des démolisseurs ne les abattra peutêtre pas encore; mais il est à craindre que dans celte rue du Regard, qui possède quelques beaux hôtels, le terrain n’ac
quière une grande valeur en raison du percement du boulevard
Raspail; plus-values qui amènent souvent les propriétaires à sacrifier, dans un but de spéculation, ce qui faisait la beauté d’un quartier.


LES DEUX STYLES


ENTRETIEN AVEC UN GRAND PRIX DE ROME
Dans l’accueillant atelier d’un de nos amis, M. D. Fourcade, sculpteur et médailliste des plus distingués, un jeune statuaire, grand prix de Rome, est en train de poser.
C’est une habitude, paraît-il, entre anciens camarades d’école, de se portraiturer mutuellement, habitude charmante dont les architectes sont généralement privés.
Notre visite ne trouble point la séance; les sculpteurs ont encore sur nous l’avantage de pouvoir travailler tout en devisant. Une coïncidence heureuse voulut que le modèle occa
sionnel fût connu de nous. C’est M. A. Terroir, l’éminent artiste qui s’est fait tant remarquer à la récente exposition des Envois de Home, et dont nous avons dit, ici même, un mot au sujet de ses beaux marbres et intéressantes peintures.
D’aspect très caractéristique, M. A. Terroir a la parole pleine de vivacité, le timbre de la voix sonore et bien distinct.
Dès l abord, la conversation révèle un esprit vif et débridé, une imagination fertile et puissante. Cʼest un flot d’idées, un
flux de souvenirs et de développements qui s’enchevêtrent dans de longues incidentes. On sent que lʼon a devant soi un
artiste familiarisé avec les idées généreuses, nourri des chefsd œuvre de tous les arts et exercé au travail intellectuel.
— Lʼart de lʼécrivain, cette capacité d’exprimer par de simples mots tout un monde de pensées et de choses, et de les exprimer avec bonheur, cet art là provoquait toujours chez moi une certaine admiration, nous dit-il. Et, comme pour justifier cet aveu, il ajoute:
— Si le grand art est un puissant moyen do communion entre les hommes, si c’est par lui que, de pays à pays, de siècle à siècle, d’âme à âme, s’échangent quelques-uns des grands secrets qui importent le plus à la dignité, au charme, à la douceur et à la noblesse de la vie, n est-ce pas qu’une grande part du résultat est due également aux écrivains d’art qui étudient, commentent et analysent nos œuvres pour le grand public? Il y en a qui sont extraordinairement doués; ce sont de véritables artistes, des artistes qui nous valent bien!... Mais, comme cette faculté dʼécrire avec art doit être difficile! J’imagine, d’abord, qu’il faut posséder très bien sa langue,
avoir dans le cerveau un dictionnaire assez complet pour que l’intelligence puisse concevoir toutes les idées et profiter de l’expérience des siècles, accumulée et déposée dans les mots, sans être obligée de refaire pour son compte l’œuvre des so