12 Octobre 1907LA CONSTRUCTION MODERNE
ÉCHAFAUDAGES IMMANENTS
Gambetta aimait à parler de la justice qui, disait-il, est immanente. Les échafaudages le sont également, au moins dans notre belle capitale; c’est-à-dire qu’ils durent longtemps, ne bougent pas de place, restent en suspens, mais sont toujours les mêmes. C’est pourquoi M. René Bures a tort, dans le Matin, d’intituler l’article quʼil vient de publier: LʼÉternel échafaudage.
Rien n’est éternel en ce monde, si ce n est lʼÉternité ellemême; et encore, depuis que la Science vient de renouveler
complètement son matériel d’hypothèses, on nʼen est plus aussi sûr. En tout cas, les échafaudages ne le sont pas. Ils ont la vie dure, il est vrai; et cependant, en y mettant la patience nécessaire, nous avons vu disparaître ceux de 1ʼOpér a-Comique;
ceux de la Porte Saint-Martin, qui firent jadis la joie des reporters en goguette, ne sont plus. Tout au moins les a-t-on transportés ailleurs.
Cette fois, M. René Bures s adresse à M. le Préfet de la Seine, pour lui signaler l intéressant monument de charpente dont on a habillé la Tour Saint-Jacques.
Comme il tient à prouver son absolue impartialité, il commence par redresser une erreur qu avait commise son propre
journal. Celui-ci prétendait que les bois menaçaient, depuis longtemps, de tomber en ruines. Or, entre deux portraits, 1ʼun
de Mmu Toselli, lʼautre, de la Vandale du Louvre, l’écrivain insère celui de la tour dans sa toilette actuelle. La photogra
phie prise cette année est identique à celle de 1ʼan dernier; et il n’a été nullement nécessaire
de réparer de l an l’irréparable outrage!
Et voilà, dit-il, ce que vaut l ironie dos folliculaires qui veulent faire de l’esprit!
De même qu’il est intéressant de trouver, dans les collections photographiques, les images de Mme Sarah Bernhardt dans tous ses rôles successifs, et de constater ainsi les progrès de son talent et de son charme plastique; de même on devrait collectionner les vues successives dé nos échafaudages pari
siens à travers les âges. On pourrait ainsi constater qu ici le provisoire a une durée de beaucoup supérieure à ce que l’on connaît sous ce nom partout ailleurs. Les Américains aiment à se vanter que, dans bien des cas, ils ont fait chez eux plus haut, plus large que dans n’importe quel coin du monde;
pourquoi ne serions-nous pas fiers, en regardant ces nouvelles colonnes, de voir que chez nous le provisoire est bien plus long que partout ailleurs?
Ce n’est pourtant pas sur ce terrain que se place M. René Bures. Sa missive au Préfet n’est en réalité qu’une modeste supplique, appuyée sur d’excellents états de service. Elle nous paraît trop intéressante, trop bien justifiée, pour que nous ne l’appuyions pas également de tout notre modeste concours. Aussi ne craignons-nous pas d’insister avec lui et pour lui.
Il est, dit-il, peu désireux de travailler, enclin aux inutiles rêveries et tout à fait insoucieux de ses moindres devoirs. Son éducation ne lui permet aucun travail manuel.
Tels sont ses titres; cʼest pourquoi il demande à être nommé: Maçon officiel de la Ville de Paris. Il demande toutefois à ne remplir cette importante mission que dans les édifices échalaudés, lesquels lui paraissent être pour lui de tout repos.
23e Année. N 2.
ACTUALITÉS
ÉCHAFAUDAGES IMMANENTS
Gambetta aimait à parler de la justice qui, disait-il, est immanente. Les échafaudages le sont également, au moins dans notre belle capitale; c’est-à-dire qu’ils durent longtemps, ne bougent pas de place, restent en suspens, mais sont toujours les mêmes. C’est pourquoi M. René Bures a tort, dans le Matin, d’intituler l’article quʼil vient de publier: LʼÉternel échafaudage.
Rien n’est éternel en ce monde, si ce n est lʼÉternité ellemême; et encore, depuis que la Science vient de renouveler
complètement son matériel d’hypothèses, on nʼen est plus aussi sûr. En tout cas, les échafaudages ne le sont pas. Ils ont la vie dure, il est vrai; et cependant, en y mettant la patience nécessaire, nous avons vu disparaître ceux de 1ʼOpér a-Comique;
ceux de la Porte Saint-Martin, qui firent jadis la joie des reporters en goguette, ne sont plus. Tout au moins les a-t-on transportés ailleurs.
Cette fois, M. René Bures s adresse à M. le Préfet de la Seine, pour lui signaler l intéressant monument de charpente dont on a habillé la Tour Saint-Jacques.
Comme il tient à prouver son absolue impartialité, il commence par redresser une erreur qu avait commise son propre
journal. Celui-ci prétendait que les bois menaçaient, depuis longtemps, de tomber en ruines. Or, entre deux portraits, 1ʼun
de Mmu Toselli, lʼautre, de la Vandale du Louvre, l’écrivain insère celui de la tour dans sa toilette actuelle. La photogra
phie prise cette année est identique à celle de 1ʼan dernier; et il n’a été nullement nécessaire
de réparer de l an l’irréparable outrage!
Et voilà, dit-il, ce que vaut l ironie dos folliculaires qui veulent faire de l’esprit!
De même qu’il est intéressant de trouver, dans les collections photographiques, les images de Mme Sarah Bernhardt dans tous ses rôles successifs, et de constater ainsi les progrès de son talent et de son charme plastique; de même on devrait collectionner les vues successives dé nos échafaudages pari
siens à travers les âges. On pourrait ainsi constater qu ici le provisoire a une durée de beaucoup supérieure à ce que l’on connaît sous ce nom partout ailleurs. Les Américains aiment à se vanter que, dans bien des cas, ils ont fait chez eux plus haut, plus large que dans n’importe quel coin du monde;
pourquoi ne serions-nous pas fiers, en regardant ces nouvelles colonnes, de voir que chez nous le provisoire est bien plus long que partout ailleurs?
Ce n’est pourtant pas sur ce terrain que se place M. René Bures. Sa missive au Préfet n’est en réalité qu’une modeste supplique, appuyée sur d’excellents états de service. Elle nous paraît trop intéressante, trop bien justifiée, pour que nous ne l’appuyions pas également de tout notre modeste concours. Aussi ne craignons-nous pas d’insister avec lui et pour lui.
Il est, dit-il, peu désireux de travailler, enclin aux inutiles rêveries et tout à fait insoucieux de ses moindres devoirs. Son éducation ne lui permet aucun travail manuel.
Tels sont ses titres; cʼest pourquoi il demande à être nommé: Maçon officiel de la Ville de Paris. Il demande toutefois à ne remplir cette importante mission que dans les édifices échalaudés, lesquels lui paraissent être pour lui de tout repos.
23e Année. N 2.