Ajoutons qu’en plus de la bonne composition du plan, les façades sont simples, bien étudiées dans le caractère des écoles, et non dépourvues d’élégance.
Aimez-vous le skyscraper? On en mettra partout. Voici la lettre que nous recevons de notre correspondant américain.
Monsieur le Directeur,
Qu’avez-vous donc, Messieurs les Français, ordinairement si braves, « sans peur et sans reproche »? Voilà M. Paul Marmottan et M. Léon Bailly et une foule d’autres étoiles du firmament artistique qui s’acharnent contre la « profanation » de Paris, par l’introduction des hautes constructions, des « skyscrapers », des édifices « monstrueux et défigurants »
Pourtant vous serez obligés d’accepter cette forme de construction un jour ou l’autre; c’est inévitable; les conditions économiques l’exigent. Avez-vous peur d’envisager l’actua
lité? Ce n’est pas votre habitude. Le problème se pose devant vous. Au lieu d’essayer de vous persuader à vous-mêmes que
ce problème nʼexiste pas, de le remettre au lendemain, abordez-le plutôt avec votre verve ordinaire, et mettez-vous promptement à la recherche d’une solution.
Les nécessités qui s’imposent à vous, nous les avons subies aussi; elles sont graves, je le reconnais, mais elles sont comme les flots d’un grand fleuve: vous pouvez diriger les
eaux, vous ne les arrêterez pas, et c’est pourtant ce que vous espérez faire.
Paris a grandi énormément en population, en puissance, en richesses; la valeur du terrain a haussé en conséquence.
Le propriétaire constate qu’un édifice de cinq, six étages, ne lui rapporte plus un bénéfice suffisant. Que va-t-il faire? Vous,
Français, vous êtes des artistes, mais vous êtes aussi un peuple commerçant. Vos propriétaires ont vu comment nous avons été obligés de résoudre, chez nous, ce problème économique; ils ont constaté que chaque étage de plus nous coûte moins que le précédent et que le produit est le même.
Comment voulez-vous empêcher ces financiers, ces propriétaires, de faire passer une loi autorisant à l’avenir cette forme de construction, permettant des édifices de quinze, vingt, trente, quarante étages?
Et une fois la loi passée, vous architecte, refuserez-vous l’affaire si quelque capitaliste exige que vous lui bâtissiez une semblable « monstruosité » sur son terrain? Et si vous refu
sez, en quoi Paris profitera-t-il de ce sacrifice? Ce client demandera les services d un architecte américain et vous vous trouverez comme le petit garçon de la fable, qui gardait le panier mais sans les œufs!
En effet, ceux qui protestent contre le nouvel ordre de choses deviennent simplement des réactionnaires, et se placent au rang de ceux qui ont toujours protesté contre chaque inno
vation qui s’est présentée. Quand le tramway a été suggéré, il y en avait qui préféraient l’omnibus; les voies souterraines ont eu contre elles une féroce opposition: elles
allaient faire écrouler les fondements de vos monuments. Le téléphone ne remplacerait pas les communications écrites; les fils télégraphiques allaient détruire l’effet de vos paysages.
Maintenant voilà que vos critiques, vos artistes renommés, tout comme les réactionnaires et les ultra-conservateurs, maudissent les hauts édifices parce qu’ils « gâtent » certaines lignes perspectives do vos rues!
D’ailleurs le problème est infiniment plus facile à résoudre chez vous que n’était le nôtre. Nous étions les « pionniers » dans ce champ, nous n’avions devant nous aucun précédent; c’était entièrement nouveau et il fallait expérimenter. Vous, au contraire, n’avez qu’à adapter votre solution à vos condi
tions particulières; nous vous avons montré le chemin. Vous voyez ce que nous avons fait; évitez de commettre les fautes que nous avons commises et perfectionnez ce que nous avons pu trouver de bon.
Oui, j’admets: nous avons fait des « bêtises » à faire grin
cer les dents, dans nos hautes constructions. Nos architectes, au lieu d’avouer franchement que ces édifices n’étaient que de colossales charpentes d’acier qu’il fallait recouvrir d’une toilette légère, ont essayé de continuer à faire croire qu’elles étaient en maçonnerie; et ils ont élevé des murs en énormes blocs de granit qui, au lieu de supporter quelque chose, étaient en réalité, suspendus à cette charpente d’acier: super
cherie extravagante, mensonge artistique et pitoyable aveu que nous manquions de fertilité d’idées, d’invention!
Plan du 2e Étage.
LES SKYSCRAPERS
Aimez-vous le skyscraper? On en mettra partout. Voici la lettre que nous recevons de notre correspondant américain.
Monsieur le Directeur,
Qu’avez-vous donc, Messieurs les Français, ordinairement si braves, « sans peur et sans reproche »? Voilà M. Paul Marmottan et M. Léon Bailly et une foule d’autres étoiles du firmament artistique qui s’acharnent contre la « profanation » de Paris, par l’introduction des hautes constructions, des « skyscrapers », des édifices « monstrueux et défigurants »
Pourtant vous serez obligés d’accepter cette forme de construction un jour ou l’autre; c’est inévitable; les conditions économiques l’exigent. Avez-vous peur d’envisager l’actua
lité? Ce n’est pas votre habitude. Le problème se pose devant vous. Au lieu d’essayer de vous persuader à vous-mêmes que
ce problème nʼexiste pas, de le remettre au lendemain, abordez-le plutôt avec votre verve ordinaire, et mettez-vous promptement à la recherche d’une solution.
Les nécessités qui s’imposent à vous, nous les avons subies aussi; elles sont graves, je le reconnais, mais elles sont comme les flots d’un grand fleuve: vous pouvez diriger les
eaux, vous ne les arrêterez pas, et c’est pourtant ce que vous espérez faire.
Paris a grandi énormément en population, en puissance, en richesses; la valeur du terrain a haussé en conséquence.
Le propriétaire constate qu’un édifice de cinq, six étages, ne lui rapporte plus un bénéfice suffisant. Que va-t-il faire? Vous,
Français, vous êtes des artistes, mais vous êtes aussi un peuple commerçant. Vos propriétaires ont vu comment nous avons été obligés de résoudre, chez nous, ce problème économique; ils ont constaté que chaque étage de plus nous coûte moins que le précédent et que le produit est le même.
Comment voulez-vous empêcher ces financiers, ces propriétaires, de faire passer une loi autorisant à l’avenir cette forme de construction, permettant des édifices de quinze, vingt, trente, quarante étages?
Et une fois la loi passée, vous architecte, refuserez-vous l’affaire si quelque capitaliste exige que vous lui bâtissiez une semblable « monstruosité » sur son terrain? Et si vous refu
sez, en quoi Paris profitera-t-il de ce sacrifice? Ce client demandera les services d un architecte américain et vous vous trouverez comme le petit garçon de la fable, qui gardait le panier mais sans les œufs!
En effet, ceux qui protestent contre le nouvel ordre de choses deviennent simplement des réactionnaires, et se placent au rang de ceux qui ont toujours protesté contre chaque inno
vation qui s’est présentée. Quand le tramway a été suggéré, il y en avait qui préféraient l’omnibus; les voies souterraines ont eu contre elles une féroce opposition: elles
allaient faire écrouler les fondements de vos monuments. Le téléphone ne remplacerait pas les communications écrites; les fils télégraphiques allaient détruire l’effet de vos paysages.
Maintenant voilà que vos critiques, vos artistes renommés, tout comme les réactionnaires et les ultra-conservateurs, maudissent les hauts édifices parce qu’ils « gâtent » certaines lignes perspectives do vos rues!
D’ailleurs le problème est infiniment plus facile à résoudre chez vous que n’était le nôtre. Nous étions les « pionniers » dans ce champ, nous n’avions devant nous aucun précédent; c’était entièrement nouveau et il fallait expérimenter. Vous, au contraire, n’avez qu’à adapter votre solution à vos condi
tions particulières; nous vous avons montré le chemin. Vous voyez ce que nous avons fait; évitez de commettre les fautes que nous avons commises et perfectionnez ce que nous avons pu trouver de bon.
Oui, j’admets: nous avons fait des « bêtises » à faire grin
cer les dents, dans nos hautes constructions. Nos architectes, au lieu d’avouer franchement que ces édifices n’étaient que de colossales charpentes d’acier qu’il fallait recouvrir d’une toilette légère, ont essayé de continuer à faire croire qu’elles étaient en maçonnerie; et ils ont élevé des murs en énormes blocs de granit qui, au lieu de supporter quelque chose, étaient en réalité, suspendus à cette charpente d’acier: super
cherie extravagante, mensonge artistique et pitoyable aveu que nous manquions de fertilité d’idées, d’invention!
Plan du 2e Étage.