Aussi est-il vrai qu’il y a manque de savoir faire, de génie, d’originalité, dans l’architecture de ces tours immenses chez
nous. Nous avons manqué de franchise en voulant les faire passer pour des édi
fices de maçonnerie, et de plus nous les
tirons presque toutes d’un même moule.
Le seul motif que nous ayons imaginé semble être une sorte de temple grec, un ordre de trois ou quatreétages montés sur une base plus ou moins ornée, avec une vingtaine d étages de hauteur!
En fait d’architecture, nos fautes sont graves et méritent une sévère appréciation; mais quant à la
construction, nous avons réalisé un pro
grès marqué et la solution pratique de ce problème commer
cial est parfaite. Nos «skyscrapers » fournissent des revenus énormes, font produire au terrain un bénéfice inespéré; ils facilitent les transactions d’affaires, aident à la centralisation du commerce et contribuent grandement au succès de nos centres commerciaux. Sans eux, nos villes seraient obligées de sʼétendre sur d’immenses territoires difficiles à gouverner,
dispendieux à maintenir et rudement mal commodes pour les transactions de notre commerce.
Sous une seule couverture, sans sortir dans la rue, vous avez à la fois vos bureaux, votre café, votre banque, quelques milliers de vos amis, vos patrons et vos asso
ciés; vous avez là votre barbier, une bibliothèque, peut-être un club, ou même un gymnase. Le service est incomparable;
des ascenseurs rapides, le télégraphe, le téléphone, tout est à vos ordres; la perfection d hygiène, tout ce que vous pouvez demander de convenances, de facilités, d’aides, est à votre portée; sans parler du décor splendide et de l opulence même dans les moindres accessoires.
En vain, vous essaieriez de mettre la question de côté, vous y viendrez, et cela bientôt. Rendez-vous de bonne grâce, et prouvez que le chemin par nous indiqué peut être non seule
ment suivi, mais déblayé des obstacles que nous n avons pas su surmonter. Soyez artistiquement honnêtes; montrez-nous un édifice qui n’offensera pas l’œil de l’artiste, qui contera fran
chement son histoire et sans détours indiquera sa destination. Évitez les temples grecs sur des piédestaux, déclarez sincèrement que le revêtement extérieur enveloppe tout simplement une paroi intérieure, et n’est ni plus ni moins qu’une sorte
d’écaille; faites cette muraille de briques ou de terre cuite mo
de ste ment ornée; mais sans colonnes, entablements et au
tres farces que nous n’avons pas eu le courage encore de met
tre de côté, d’enseve
lir avec les habits,
les manières et les idées de nos ancêtres.
Mettez-vous de bonnegrâce à cette tâche;
commencez avec vos jeunes gens, dans les concours de vos éco
les, dans vos ateliers; oubliez les sujets ac
coutumés, les palais royaux, les projets, non seulement ima
ginaires, mais peu probables. Il est dou
teux que jamais un seul de ces étudiants ait plus tard un pa
lais à bâtir— les rois deviennent de plus en plus rares et pas
seront bientôt, avec les temples grecs, — tandis que, bien cer
tainement, chacun d’eux aura tôt ou tard un « skyscraper » sur les bras.
Offrez donc des prix pour de tels projets et insistez pour que les concurrents présentent des intérieurs où sera réalisé le nec plus ultra de convenance, et où chaque millimètre de terrain rapporte le maximum de profit; avec un extérieur sim
ple, franc, artistique, le « skyscraper » sera alors un ornement pour la ville et non pas « la tache sur l’atmosphère » que vos critiques semblent croire inévitable.
Chez nous c’était un tâtonnement, des pas haletants, une expérimentation; chez vous vous avez la chose coupée net, tranchéé; vous voyez ce qui a été déjà fait, ce qu’il faut faire, et vous n’avez pas de fautes à réparer. Ici nous avons des « skyscrapers » qui n’ont pas réussi, ils sont déjà prêts à faire place à d’autres qui répondront mieux aux conditions pré
sentes. Basez vos lois sur notre expérience, traitez ces grands édifices comme des tours; insistez pour que les côtés, plus élevés que les bâtiments voisins, et la face postérieure, soient au moins respectables d’apparence et non, comme nous le faisons ordinairement, d’une vilaine brique commune. Sur les rues étroites que les façades soient en marches d’escalier: tant
d’étages sur lʼalignement de la rue, tant d’autres reculés à une certaine distance, et tant d’autres encore plus reculés, afin que ces rues ne deviennent pas de sombres abîmes, et que les gens logés dans ces édifices aient le maximum d’air et de soleil.
Que la construction en soit parfaite; mettez-les absolument à l’épreuve du feu, oubliez un peu votre prédilection pour le béton armé; si nous ne pouvons arriver à construire de
Groupe scolaire: Coupe sur deux préaux, garçons et filles.
Coupe sur le préau. École maternelle. Coupe sur les classes.