tout ce qui était interdit jusqu’à ce jour est désormais toléré avec empressement. Ce n’est pas seulement à la place de l’Etoile qu’on s’en est plaint; tout prochainement, nous en
verrons dʼautres en des quartiers plus centraux. Les récrimi
nations les plus vives, publiées dans les journaux de toutes les opinions, n’y ont rien fait et n’y feront rien.
Nul ne s’est plaint jusqu’à présent du caractère artistique de ces constructions nouvelles; certaines d’entre elles sont plutôt remarquables, prises en elles-mêmes. Ce qu’on aura unanimement regretté, c’est le manque de proportion et la discordance avec des constructions voisines et plus anciennes, auxquelles on avait eu soin, au contraire, dʼimposer dès lʼorigine une uniformité architecturale d’où naissait un intéressant ensemble.
Que l’on admire, comme fait M. Claretie, l’architecture du rond-point de 1ʼÉtoile, ou qu’on en discute plus ou moins le mérite artistique, il reste certain que l’on devait le respecter tel qu il est, sous peine de produire une véritable cacophonie.
Mais l’industrie des « hôtels à touristes » est comme celle de l automobilisme, qui est et doit être notre plus, beau fleu
ron national. Que les éclopés, quand ils sont encore en état de se plaindre, réclament s’ils veulent; personne n’y doit faire attention.
Si l’auto doit, pour rester digne de lui-même, marcher à une vitesse de plus en plus vertigineuse, l’hôtel à touristes doit être de plus en plus colossal; c’est une loi à laquelle, nous dit-on, ni l’un ni l’autre ne peuvent échapper sous peine de décadence. M. Claretie en est affligé, n’admirant pas outre mesure, laisse-t-il voir, le Kolossal, comme disent les Allemands
Plus d’un, parmi ses lecteurs, est sans doute du même avis; ce qui n’empêchera pas les autos de rouler et les hôtels de monter: quo non ascendam? aurait dû ajouter le choniqueur.
Non pas quʼil y ait dans cette ascension rien de blamable ni de bien franchement nouveau: c’est madame Marlborough qui a commencé, et l’on ne peut nier qu’elle fait autorité.
On peut toujours protester, sauf à n’être guère écouté; tout au moins aura-t-on le droit de dire: nous avons fait ce que nous pouvions. On ne doit pas exiger davantage.
C’est pourquoi M. Claretie proteste, en lançant un dernier dard d’une main sûre, sauf à ne pas trop compter sur une mortelle blessure faite à ses adversaires:
« Et l’on détruit, dit-il, et l on démolit et l on reconstruit des nouveautés stupéfiantes! Le massif et le contourné s’y marient.
« Le modern-style, déjà usé dans les meubles, se réfugie dans la pierre. Les néo-architectes se moquent avec mépris de ces amoureux de vieilles pierres qui s appellent des historiens: — Archéologues! disent-ils avec dédain. Et volontiers ils les
renverraient aux collectionneurs de cailloux et aux amateurs de minéralogie. »
Ici M. Claretie exagère un peu: tout au moins généralise-t-il trop.
Certes, il est un certain nombre de néo-architectes qui, à tort ou à raison, apprécient peu favorablement ce que leurs prédécesseurs avaient créé avec quelque approbation assez générale jusqu’à présent. Leur ambition est de rompre défi
nitivement avec toutes les traditions et de créer une nouvelle architecture de toutes pièces. C’est tout au moins une haute ambition.
Dans quelle mesure a-t-elle donné, ou donnera-t-elle les résultats annoncés et promis? Chacun est libre d’avoir son opinion personnelle à ce sujet. Mais il y aurait illusion à croire que tous les architectes sans exception adhèrent à cette façon d’envisager le passé et l’avenir de l’architecture. Beau
coup d’entre eux croient encore que l’architecture est un art spécial, moins favorable que la peinture aux tentatives des pointillistes, des tachistes, des impressionnistes, des instantanéistes, etc., etc.; que cet art se transforme sans cesse et doit se transformer, mais un peu à la façon des sciences qui partent toujours du connu pour aborder l’inconnu.
En un mot, c’est l’arbre qui donne successivement un feuillage, des fleurs et des fruits renouvelés; mais tous sont issus
du même tronc alimenté par les mêmes racines et qui, d’année en année, étend plus loin des branches plus vigoureuses et plus fécondes.
De parti pris, couper l’arbre ou le déraciner de temps en temps, est une opération quelque peu hasardeuse. Elle n’est avantageuse que si l’arbre est définitivement mort. Alors on plante de nouveau, il est vrai; mais combien d’années faut-il
attendre avant que la bouture ne soit en état de produire à son tour?
L’architecture est-elle vraiment morte aujourd’hui? C’est là toute la question. Comme pense M. Claretie, certains disent: oui. Mais beaucoup croient que non.
Prise dans son ensemble, l’architecture actuelle ne semble pas aussi empressée qu il le croit de courir vers un modernisme à outrance.
Elle a commis parfois des erreurs; et le journaliste n’a pas absolument tort de lui reprocher certains écarts où « le massif et le contourné » ont pris un rôle trop prépondérant. Ce fut un peu la maladie du jour.
Mais depuis quelque temps, l’architecture semble bien s’être rendu compte que sa santé exigeait quelques ménagements;
aussi suit-elle en ce moment une manière de régime qui est une véritable réaction contre certaines imprudences commises.
Elle s’est mise, presque universellement, à faire une sorte de cure de style Louis XVI, — comme on fait à l’automne une cure de raisin.
C’est peut-être, ainsi que disait le Médecin du Malade imaginaire, pour chasser les humeurs peccantes.
P. PLANAT.
PLANCHES 6, 7, 8.
M. J. Durand, architecte départemental de la Sarthe, vient de terminer pour la ville du Mans un important lycée de jeunes filles, œuvre qui a valu à son autour une médaille de 2e classe au dernier salon de la Société des artistes français.
Malgré son emplacement au milieu de la ville, ce nouveau lycée a été édifié dans d excellentes conditions hygiéniques, grâce à son isolement des habitations de la ville, d un côté par un vaste jardin, de l’autre par le parc de la préfecture.
Les trois corps de bâtiments qui le composent sont compris entre la rue du Mouton, le Verger et le parc de la préfecture.
Pour se conformer aux règlements de la construction des écoles, M. Durand a isolé deux bâtiments, par un passage de
verrons dʼautres en des quartiers plus centraux. Les récrimi
nations les plus vives, publiées dans les journaux de toutes les opinions, n’y ont rien fait et n’y feront rien.
Nul ne s’est plaint jusqu’à présent du caractère artistique de ces constructions nouvelles; certaines d’entre elles sont plutôt remarquables, prises en elles-mêmes. Ce qu’on aura unanimement regretté, c’est le manque de proportion et la discordance avec des constructions voisines et plus anciennes, auxquelles on avait eu soin, au contraire, dʼimposer dès lʼorigine une uniformité architecturale d’où naissait un intéressant ensemble.
Que l’on admire, comme fait M. Claretie, l’architecture du rond-point de 1ʼÉtoile, ou qu’on en discute plus ou moins le mérite artistique, il reste certain que l’on devait le respecter tel qu il est, sous peine de produire une véritable cacophonie.
Mais l’industrie des « hôtels à touristes » est comme celle de l automobilisme, qui est et doit être notre plus, beau fleu
ron national. Que les éclopés, quand ils sont encore en état de se plaindre, réclament s’ils veulent; personne n’y doit faire attention.
Si l’auto doit, pour rester digne de lui-même, marcher à une vitesse de plus en plus vertigineuse, l’hôtel à touristes doit être de plus en plus colossal; c’est une loi à laquelle, nous dit-on, ni l’un ni l’autre ne peuvent échapper sous peine de décadence. M. Claretie en est affligé, n’admirant pas outre mesure, laisse-t-il voir, le Kolossal, comme disent les Allemands
Plus d’un, parmi ses lecteurs, est sans doute du même avis; ce qui n’empêchera pas les autos de rouler et les hôtels de monter: quo non ascendam? aurait dû ajouter le choniqueur.
Non pas quʼil y ait dans cette ascension rien de blamable ni de bien franchement nouveau: c’est madame Marlborough qui a commencé, et l’on ne peut nier qu’elle fait autorité.
On peut toujours protester, sauf à n’être guère écouté; tout au moins aura-t-on le droit de dire: nous avons fait ce que nous pouvions. On ne doit pas exiger davantage.
C’est pourquoi M. Claretie proteste, en lançant un dernier dard d’une main sûre, sauf à ne pas trop compter sur une mortelle blessure faite à ses adversaires:
« Et l’on détruit, dit-il, et l on démolit et l on reconstruit des nouveautés stupéfiantes! Le massif et le contourné s’y marient.
« Le modern-style, déjà usé dans les meubles, se réfugie dans la pierre. Les néo-architectes se moquent avec mépris de ces amoureux de vieilles pierres qui s appellent des historiens: — Archéologues! disent-ils avec dédain. Et volontiers ils les
renverraient aux collectionneurs de cailloux et aux amateurs de minéralogie. »
Ici M. Claretie exagère un peu: tout au moins généralise-t-il trop.
Certes, il est un certain nombre de néo-architectes qui, à tort ou à raison, apprécient peu favorablement ce que leurs prédécesseurs avaient créé avec quelque approbation assez générale jusqu’à présent. Leur ambition est de rompre défi
nitivement avec toutes les traditions et de créer une nouvelle architecture de toutes pièces. C’est tout au moins une haute ambition.
Dans quelle mesure a-t-elle donné, ou donnera-t-elle les résultats annoncés et promis? Chacun est libre d’avoir son opinion personnelle à ce sujet. Mais il y aurait illusion à croire que tous les architectes sans exception adhèrent à cette façon d’envisager le passé et l’avenir de l’architecture. Beau
coup d’entre eux croient encore que l’architecture est un art spécial, moins favorable que la peinture aux tentatives des pointillistes, des tachistes, des impressionnistes, des instantanéistes, etc., etc.; que cet art se transforme sans cesse et doit se transformer, mais un peu à la façon des sciences qui partent toujours du connu pour aborder l’inconnu.
En un mot, c’est l’arbre qui donne successivement un feuillage, des fleurs et des fruits renouvelés; mais tous sont issus
du même tronc alimenté par les mêmes racines et qui, d’année en année, étend plus loin des branches plus vigoureuses et plus fécondes.
De parti pris, couper l’arbre ou le déraciner de temps en temps, est une opération quelque peu hasardeuse. Elle n’est avantageuse que si l’arbre est définitivement mort. Alors on plante de nouveau, il est vrai; mais combien d’années faut-il
attendre avant que la bouture ne soit en état de produire à son tour?
L’architecture est-elle vraiment morte aujourd’hui? C’est là toute la question. Comme pense M. Claretie, certains disent: oui. Mais beaucoup croient que non.
Prise dans son ensemble, l’architecture actuelle ne semble pas aussi empressée qu il le croit de courir vers un modernisme à outrance.
Elle a commis parfois des erreurs; et le journaliste n’a pas absolument tort de lui reprocher certains écarts où « le massif et le contourné » ont pris un rôle trop prépondérant. Ce fut un peu la maladie du jour.
Mais depuis quelque temps, l’architecture semble bien s’être rendu compte que sa santé exigeait quelques ménagements;
aussi suit-elle en ce moment une manière de régime qui est une véritable réaction contre certaines imprudences commises.
Elle s’est mise, presque universellement, à faire une sorte de cure de style Louis XVI, — comme on fait à l’automne une cure de raisin.
C’est peut-être, ainsi que disait le Médecin du Malade imaginaire, pour chasser les humeurs peccantes.
P. PLANAT.
Lycée de jeunes filles au Mans (Sarthe)
PLANCHES 6, 7, 8.
M. J. Durand, architecte départemental de la Sarthe, vient de terminer pour la ville du Mans un important lycée de jeunes filles, œuvre qui a valu à son autour une médaille de 2e classe au dernier salon de la Société des artistes français.
Malgré son emplacement au milieu de la ville, ce nouveau lycée a été édifié dans d excellentes conditions hygiéniques, grâce à son isolement des habitations de la ville, d un côté par un vaste jardin, de l’autre par le parc de la préfecture.
Les trois corps de bâtiments qui le composent sont compris entre la rue du Mouton, le Verger et le parc de la préfecture.
Pour se conformer aux règlements de la construction des écoles, M. Durand a isolé deux bâtiments, par un passage de