celui-ci est absolument libre de refuser dans l’état actuel des choses, on prétend établir une véritable servitude, semblable à beaucoup d’autres.
La proposition n a en soi rien d’anarchique puisqu elle comporte, bien entendu, l’indemnité nécessaire, sous une forme ou sous une autre. Mais on veut, à tout prix, empêcher la destruction, la vente ou l’exode de nos richesses artistiques qui ne sont pas l exclusive propriété de tel ou tel par ticulier, mais sont en partie la propriété de tout le monde.
Comme il n est pas de mesure édictée qui, à défaut de sanction pénale, ne tombe aussitôt en désuétude, les défen
seurs de la proposition exigent lʼamende pour toute infraction a la nouvelle loi qu’ils réclament.
Ils vont plus loin; ils demandent que l’on ménage également les abords des édifices que lʼon juge dignes d’être respectés.
« Voici, disaient l autre jour les Débats, dans un vieux quartier, une charmante église ogivale: elle est classée, entretenue, sagement restaurée. Mais le quartier se transforme;
devant le portail on ouvre une large place qui fausse toutes les proportions de l’édifice; dans le voisinage de lʼabside on élève des immeubles de trois étages, qui écrasent la délicate architecture. Le service des monuments historiques n’a nul
droit pour intervenir et contrôler le plan des constructions qui vont entourer et défigurer le chef d’œuvre. »
La remarque est fort juste; ce serait l idéal que de créer, out autour de chaque édifice, un décor approprié. Il serait bon de ne pas recommencer la faute commise autour de Notre- Dame de Paris avec autorisation supérieure.
Mais on se heurterait, croyons-nous, cette fois à d innombrables difficultés. Qui serait chargé de rédiger le programme de cette décoration? La Commission des monuments historiques? Les architectes de la Ville?
Nous entendrions aussitôt de beaux cris; car il n’y a aucune probabilité que les artistes, les critiques d art, les archéo
logues et le bon public lui-même tomberaient d’accord sur la disposition, les proportions, le style appelés à recueillir tous les suffrages.
Au théâtre, on peut faire appel, pour la mise en scène, à un habile décorateur; ce n’est que de la toile peinte. Ici il s’agit de pierres, de façades construites en matériaux solides et durables qui ne figurent pas simplement un décor agréable à lʼœil, mais qui doivent porter des planchers, des cloisons et constituer des appartements de rapport.
Les propriétaires aussi auraient vite fait, et ils n’auraient pas tort, de réclamer contre des exigences qui, pour le simple coup d œil, nuiraient à leurs légitimes intérêts. Il y faut donc mettre de la discrétion; se borner à limiter les hauteurs, par exemple; c’est tout ce qu’on est en droit de réclamer, nous semble-t-il.
Comme l’appétit vient en mangeant, les auteurs de propositions réformatrices ne s’en tiennent même pas là. Nous sommes loin de prétendre qu’ils ont tort, car leurs demandes sont fondées en raison; seulement, ne demandent-ils pas trop de choses à la fois?
Il est vrai qu’il faut exiger formellement le plus pour oblenir péniblement le moins. Ainsi, lorsqu on fait la guerre aux affiches et aux enseignes commerciales, industrielles et financières, on a bien le droit de déclarer quʼil y a là un abus qui,
en fait, arrive à dégrader nombre de nos édifices et commence à déshonorer nos plus pittoresques campagnes.
Abominable fléau! s’écrie-t-on. Et il faut avouer qu’il nʼest nullement agréable de voir disparaître complètement notre harmonieuse place des Victoires, par exemple, sous des en
seignes aussi vastes que les façades elles-mêmes dont il ne reste plus rien à la vue. Ni agréable non plus, lorsqu’on se déplace en chemin de fer, de circuler entre deux murs d’immenses pancartes qui célèbrent les mérites de tel ou tel spécimen d’épicerie, de pâtes pour potages, de savons ou d’apéritifs plus ou moins meurtriers.
Le mal est général; mais, à l’étranger, on a regimbé assez promptement. En Angleterre, où l’on compte autant sur soimême que sur les législateurs quelque peu nonchalants de leur nature, on a pris le parti de boycotter simplement les industriels qui abusent de ce procédé. Cette manière d’opérer sans douleur doit avoir une pleine efficacité; car si ce genre
de réclame n’aboutit plus pour le fabricant qu’au boycottage,
il n est pas douteux qu’il y renoncera aussitôt, sans qu’on ait eu besoin de déranger le Parlement.
Aux États-Unis, au contraire, on a cru devoir recourir à la réglementation publique, tandis que la Prusse se borne à au
toriser les municipalités à prendre les mesures nécessaires pour calmer les entrepreneurs de publicité. Méthode sur laquelle on peut compter moins que sur la précédente. Mais les particuliers n ont pas en tous pays la même initiative qu’en Angleterre.
Dans le duché de Hesse, c’est encore, parait-il, à l’autorité qu’on a recours, de même qu en Suisse. On a interdit complètement tout affichage en plein champ.
Il est douteux qu’en France les autorités se permettent de pareils actes... d’autorité; elles tiennent beaucoup à ménager la chèvre commerciale et le chou industriel.
Nous craignons donc qu’on n’obtienne pas tout ce qu on réclame, si justement que ce soit, Si, pour commencer, on obtenait tout au moins un peu plus de discrétion, ce serait déjà un bon commencement; après quoi l’on pourrait engager une seconde étape et en préparer une troisième.
Chez nous c’est à peu près tout ce qu on peut espérer. Certainement il vaudrait mieux en finir d’un seul coup avec de véritables abus qui se développent et se propagent avec une inquiétante rapidité. Mais puisqu’il faut ici recourir à l’autorité toujours hésitante, ne comptons pas lui arracher tout de suite les mesures décisives; il y aurait déception. Bornons-nous à enrayer dʼabord; puis, à force de persistance, à obtenir lambeau par lambeau les restrictions nécessaires.
P. PLANAT.


MONUMENT DE FRANCIS GARNIER


A ROYAN
Le dimanche 29 septembre dernier, sous la présidence de M. Maujan, sous-secrétaire d’État à lʼIntérieur, la ville de Royan a inauguré un monument élevé à la mémoire de Frédé
ric Garnier, son ancien maire et bienfaiteur, sénateur de la Charente-Inférieure, décédé l’an dernier.
Un concours restreint avait été ouvert pour la présentation