2 Novembre 1907LA CONSTRUCTION MODERNE


ACTUALITÉS


LE STYLE LOUIS XVI (1)
Sous ce litre paraît aujourd’hui un nouvel ouvrage qui réunit des spécimens variés, choisis parmi les plus remar
quables et les plus intéressants de ce style si pur et si clas
sique. C’est un important chapitre de lʼhistoire architecturale en France.
Tout est actuellement au Louis XVI, ce qui s’explique très naturellement, ainsi que l’indique l’extrait de la Préface que nous reproduisons ci-dessous.
LES ORIGINES DU STYLE LOUIS XVI
Depuis quelques années on a pu constater, en architecture, un retour très décidé vers le style de la seconde moitié du xvIIIe siècle français, ordinairement appelé style Louis XVI. On pouvait prévoir cette oscillation nouvelle du goût public et la considérer comme à peu près inévitable, d’après les fluctuations antérieures elles-mêmes.
Le style Louis XVI, le plus voisin de nous, avait achevé sa carrière sous Napoléon Ier et rendu son dernier soupir pen
dant la Restauration. Il périssait par scs qualités mêmes. Sobre, mais élégant, alliant au début la grâce avec la simpli
cité, habile surtout à manier les grandes et belles proportions architecturales, ayant fait de la sculpture un intelligent auxiliaire qui consentait à seconder l’architecture, non à la domi
ner, et cherchait à se mettre en parfaite harmonie avec elle,
il avait sacrifié plus tard ces qualités aimables à une austère sévérité, sous prétexte d’être plus antique que n’avait jamais été l’antiquité elle-même.
Après avoir conquis une véritable prépondérance qui maintint au dehors le prestige de l’art français sous une forme nouvelle, il subit ainsi une véritable décadence. Alors on vit
(1) Un fort volume colombier in- 4°, 136 planches, 190 motifs d’architecture et sculpture.
apparaître, à peu près partout, une sorte de passion pour les reconstitutions historiques. L’architecture traversa un peu partout une période pseudo-gothique, pseudo-Renaissance, chaque pays s’évertuant à des pastiches plus ou moins natio
naux, plus ou moins réussis. Il y eut des restitutions, bien ou mal accommodées aux besoins modernes, parfois estimables, parfois réjouissantes, mais dont lʼoriginalité n’était pas la qualité suprême. On parcourut ainsi toute la gamme du passé.
Chez nous il vint, au cours du xIxe siècle, un moment où lʼon s’éprit du style Louis XIII; puis celui de Louis XIV eut des imitateurs; la Régence et le Louis XV inspirèrent une veritable ferveur. Dans ces produits des styles anciens ainsi modernisés, il y eut évidemment d’intelligentes réussites, comme il y eut du médiocre et parfois du détestable.
Mais l’effet regrettable et persistant de ces emprunts composites à tant de styles différents fut, trop souvent, un véri
table abus de lʼornementation, abus qui se traduisait par le
manque d’harmonie, la lourdeur et la surcharge, ainsi que par une trop fréquente absence d’originalité caractéristique. L’ar
chitecture puisa longtemps à des inspirations trop diverses pour pouvoir se créer une personnalité prépondérante; trop souvent aussi elle devint l’humble servante, l’auxiliaire subordonnée à la sculpture purement décorative.
Il était donc tout naturel et tout indiqué qu’à un moment donné elle chercherait à recouvrer ses droits. Un excellent modèle, négligé jusqu alors, justement parce qu’il était encore trop voisin de nous, sʼoffrait de lui-même.
Lʼinévitable abus d’un style charmant par lui-même, du Louis XV devenu bientôt le style « rocaille », puis le style « chicorée » — comme le lui reprochaient si amèrement les
Romantiques du xIxe siècle — avait déjà amené une première et durable réaction dès le xvIIIe siècle. En architecture surtout. Ja fantaisie, le caprice, n’ont jamais quʼune durée assez
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