lion. — Ce n’est pas une impression gaie, comme on le voit. — Cependant un touriste s’y peut égarer par-ci par-là, croit-il.
« Le touriste s’y promène avec surprise devant des kilomètres de peinture acquis, par l’État, avec le discernement qu’on lui connaît, sous prétexte de protéger les arts, et généreusement distribués aux municipalités; ou bien il erre à travers un fatras d’objets disparates dont le mérite princi
pal est dʼavoir été découverts par les archéologues du crû et gratifies de petites plaques de cuivre qui procurent aux donateurs une parcelle d’éternité. »
Ne vaudrait-il pas mieux en effet, pour chaque localité, garder ses objets d’art religieux où ils sont, où l’on a parfois l’agréable surprise de les découvrir; et cette localité n’au
ra-t-elle pas perdu un attrait quelquefois piquant lorsque ces objets auront été relègues dans le «cimetière » voisin?
Dʼautres protestataires, non moins désireux de laisser chaque œuvre à sa place, dans son véritable milieu, réclament des mesures sévères substituées au laisser-aller qui règne jusqu’à présent en haut lieu: il faut, disent-ils, inciter les parquets et
la police à montrer moins d’indifférence pour les vols d’objets d’art. « Il faut que la justice se montre impitoyable, non seulement pour les malfaiteurs qui forcent les portes des églises, mais pour les antiquaires qui sont les guides, les conseils et les recéleurs des pillards. Ceux que l’on doit atteindre se sont les pseudo-collectionneurs qui entreposent, chez eux, les objets volés. »
Ceci est incontestable. Malheureusement, ce qui était acquisition illégale, par effraction et bris de clôture, va bientôt devenir transaction des plus légitimes après la dévolution des biens qui se prépare. On sait que les communes vont hériter très légalement de tous ces trésors, artistiques ou non, beaux ou laids. L’antiquaire nʼaura donc plus aucun besoin do recourirà des intermédiaires armés de pince-monseigneur et autres accessoires professionnels qui vont tomber en désuétude.
Il lui suffira de se présenter, très loyalement et très ouvertement, à la commune dont la parfaite ignorance lui est garantie d’avance, et qui ne résistera pas à l’appât d’échanger des vieilleries devenues inutiles à ses yeux contre quelques billets, en petit nombre, dont elle aura toujours besoin.
Dorénavant, la Brocante sera sanctifiée. Protégée par la loi, ses opérations seront le modèle des transactions purifiées,
nettes, hautement avouées sous le patronage légal qui préside aux échanges réguliers.
Elle sera désormais l’asile des bonnes mœurs, le meilleur symbole de la saine doctrine économique qui règle l’offre et la demande.
C’est ce que ne semblent pas avoir suffisamment prévu les personnes qui lancent les très louables protestations que nous venons de signaler. Elles veulent faire appel au bras séculier; mais demain celui-ci sera complètement désarmé. Ce bras passera, comme ceux de Chaumont, Ambazac et autres lieux, à l’état de reliquaire-bibelot..... mais sans aucune valeur marchande.
Le seul remède, semble-t-il, serait d’interdire aux communes la vente de tous ces objets, qu’ils soient d’art ou de curiosité;
en cas d’infraction, de leur imposer de fortes amendes. Du moment qu’il n’y aura pas bénéfice pécuniaire à troquer ces restes de notre art national contre espèces, le trafic a quelques chances de s’arrêter de lui-mème.
Cela n’empêcherait nullement de poursuivre, d’atteindre
les prétendus acquéreurs, quels qu’ils soient, réguliers ou non, et de leur faire payer cher les services rendus par eux aux futurs collectionneurs.
*
Il nous semble que le recours aux foudres législatives serait ainsi plus efficace.
Nous nʼavons plus qu’une rapide observation à présenter. Ceux-là mêmes qui réclament le maintien des raretés artistiques à leur emplacement actuel — et ils ont raison — exigent:
1° Lʼinstitution d’un gardon dans chaque église ou chapelle, qui surveillera constamment les objets classés; sa nomination sera
proposée par le maire et ratifiée par l’administration des Beaux- Arts. Comme il lui faut un traitement que le maire n’offrira certainement pas, et que l’administration n’est pas en mesure de payer, on exgera de chaque visiteur une petite contribution...
— Et sʼil n’y a pas de visiteurs, objecterons-nous; ou s’il nʼy en a guère?
Alors le préposé devra probablement se contenter d’accomplir à ses frais cette œuvre méritoire de conservation du bien national.
2° « Au cas où la municipalité et le clergé s’entendraient, la garde des chefs-d’œuvre serait confiée au curé ou à tout autre « occupant »; ce qui est la solution simple. Mais, par mesure de précaution peu exagérée, il faudra « que la sacristie ou le local réservé au trésor soit aménagé par l’architecte des monuments historiques de façon à défier les entreprises de cam
briolage; que les fenêtres soient solidement grillées, que la porte unique soit blindée de fer, munie de serrures de coffrefort et d’avertisseurs automatiques»!
C’est, parfait, et tout est prévu. Le chef-dʼœuvre sera désormais enfermé dans un cabanon blindé, à lʼépreuve du canon, de la dynamite, sous triples serrures à secret, munies d’avertis
seurs communiquant avec les bureaux du Sous-secrétariat d’Etat, etc.
Nous approuvons pleinement ce programme qui délie toute tentative d’effraction. Mais nous demandons: Est-ce que cette
geôle austère est bien exactement ce cadre, est-ce qu’elle reconstitue fidèlement ce milieu primitif, si caractéristique, si harmonieux, si propre à réveiller l’émotion contemporaine... que l’on réclame à cor et à cris et que l’on veut, tout au moins, respecter avec tant de légitime piété?
Franchement, celte réclusion à perpétuité de nos trésors artistiques ne nous tente guère; et nous ne voyons pas bien
distinctement le visiteur décidé à payer la petite indemnité pour se faire ouvrir la triple serrure, pour faire manœuvrer devant lui les quadruples secrets, ouvrir les battants blindés, et se plonger ensuite dans le recueillement d’une admiration sincère autant qu’attendrie par tant de préliminaires.
Cela viendra peut-être, mais nous concevons mal ou pas du tout ce visiteur idéal.
(BATIMENT ET TRAVAUX PUBLICS)
La Fédération Nationale du Bâtiment et des Travaux publics, union des fédérations syndicales françaises, a organisé un congrès qui a tenu ses assises, à Bordeaux, du 18 au 21 septembre.
Les questions mises à lʼordre du jour étaient particulière
ment intéressantes; elles furent divisées en deux grandes
« Le touriste s’y promène avec surprise devant des kilomètres de peinture acquis, par l’État, avec le discernement qu’on lui connaît, sous prétexte de protéger les arts, et généreusement distribués aux municipalités; ou bien il erre à travers un fatras d’objets disparates dont le mérite princi
pal est dʼavoir été découverts par les archéologues du crû et gratifies de petites plaques de cuivre qui procurent aux donateurs une parcelle d’éternité. »
Ne vaudrait-il pas mieux en effet, pour chaque localité, garder ses objets d’art religieux où ils sont, où l’on a parfois l’agréable surprise de les découvrir; et cette localité n’au
ra-t-elle pas perdu un attrait quelquefois piquant lorsque ces objets auront été relègues dans le «cimetière » voisin?
Dʼautres protestataires, non moins désireux de laisser chaque œuvre à sa place, dans son véritable milieu, réclament des mesures sévères substituées au laisser-aller qui règne jusqu’à présent en haut lieu: il faut, disent-ils, inciter les parquets et
la police à montrer moins d’indifférence pour les vols d’objets d’art. « Il faut que la justice se montre impitoyable, non seulement pour les malfaiteurs qui forcent les portes des églises, mais pour les antiquaires qui sont les guides, les conseils et les recéleurs des pillards. Ceux que l’on doit atteindre se sont les pseudo-collectionneurs qui entreposent, chez eux, les objets volés. »
Ceci est incontestable. Malheureusement, ce qui était acquisition illégale, par effraction et bris de clôture, va bientôt devenir transaction des plus légitimes après la dévolution des biens qui se prépare. On sait que les communes vont hériter très légalement de tous ces trésors, artistiques ou non, beaux ou laids. L’antiquaire nʼaura donc plus aucun besoin do recourirà des intermédiaires armés de pince-monseigneur et autres accessoires professionnels qui vont tomber en désuétude.
Il lui suffira de se présenter, très loyalement et très ouvertement, à la commune dont la parfaite ignorance lui est garantie d’avance, et qui ne résistera pas à l’appât d’échanger des vieilleries devenues inutiles à ses yeux contre quelques billets, en petit nombre, dont elle aura toujours besoin.
Dorénavant, la Brocante sera sanctifiée. Protégée par la loi, ses opérations seront le modèle des transactions purifiées,
nettes, hautement avouées sous le patronage légal qui préside aux échanges réguliers.
Elle sera désormais l’asile des bonnes mœurs, le meilleur symbole de la saine doctrine économique qui règle l’offre et la demande.
C’est ce que ne semblent pas avoir suffisamment prévu les personnes qui lancent les très louables protestations que nous venons de signaler. Elles veulent faire appel au bras séculier; mais demain celui-ci sera complètement désarmé. Ce bras passera, comme ceux de Chaumont, Ambazac et autres lieux, à l’état de reliquaire-bibelot..... mais sans aucune valeur marchande.
Le seul remède, semble-t-il, serait d’interdire aux communes la vente de tous ces objets, qu’ils soient d’art ou de curiosité;
en cas d’infraction, de leur imposer de fortes amendes. Du moment qu’il n’y aura pas bénéfice pécuniaire à troquer ces restes de notre art national contre espèces, le trafic a quelques chances de s’arrêter de lui-mème.
Cela n’empêcherait nullement de poursuivre, d’atteindre
les prétendus acquéreurs, quels qu’ils soient, réguliers ou non, et de leur faire payer cher les services rendus par eux aux futurs collectionneurs.
*
Il nous semble que le recours aux foudres législatives serait ainsi plus efficace.
Nous nʼavons plus qu’une rapide observation à présenter. Ceux-là mêmes qui réclament le maintien des raretés artistiques à leur emplacement actuel — et ils ont raison — exigent:
1° Lʼinstitution d’un gardon dans chaque église ou chapelle, qui surveillera constamment les objets classés; sa nomination sera
proposée par le maire et ratifiée par l’administration des Beaux- Arts. Comme il lui faut un traitement que le maire n’offrira certainement pas, et que l’administration n’est pas en mesure de payer, on exgera de chaque visiteur une petite contribution...
— Et sʼil n’y a pas de visiteurs, objecterons-nous; ou s’il nʼy en a guère?
Alors le préposé devra probablement se contenter d’accomplir à ses frais cette œuvre méritoire de conservation du bien national.
2° « Au cas où la municipalité et le clergé s’entendraient, la garde des chefs-d’œuvre serait confiée au curé ou à tout autre « occupant »; ce qui est la solution simple. Mais, par mesure de précaution peu exagérée, il faudra « que la sacristie ou le local réservé au trésor soit aménagé par l’architecte des monuments historiques de façon à défier les entreprises de cam
briolage; que les fenêtres soient solidement grillées, que la porte unique soit blindée de fer, munie de serrures de coffrefort et d’avertisseurs automatiques»!
C’est, parfait, et tout est prévu. Le chef-dʼœuvre sera désormais enfermé dans un cabanon blindé, à lʼépreuve du canon, de la dynamite, sous triples serrures à secret, munies d’avertis
seurs communiquant avec les bureaux du Sous-secrétariat d’Etat, etc.
Nous approuvons pleinement ce programme qui délie toute tentative d’effraction. Mais nous demandons: Est-ce que cette
geôle austère est bien exactement ce cadre, est-ce qu’elle reconstitue fidèlement ce milieu primitif, si caractéristique, si harmonieux, si propre à réveiller l’émotion contemporaine... que l’on réclame à cor et à cris et que l’on veut, tout au moins, respecter avec tant de légitime piété?
Franchement, celte réclusion à perpétuité de nos trésors artistiques ne nous tente guère; et nous ne voyons pas bien
distinctement le visiteur décidé à payer la petite indemnité pour se faire ouvrir la triple serrure, pour faire manœuvrer devant lui les quadruples secrets, ouvrir les battants blindés, et se plonger ensuite dans le recueillement d’une admiration sincère autant qu’attendrie par tant de préliminaires.
Cela viendra peut-être, mais nous concevons mal ou pas du tout ce visiteur idéal.
P. Planat. CONGRÈS NATIONAL DE BORDEAUX
(BATIMENT ET TRAVAUX PUBLICS)
La Fédération Nationale du Bâtiment et des Travaux publics, union des fédérations syndicales françaises, a organisé un congrès qui a tenu ses assises, à Bordeaux, du 18 au 21 septembre.
Les questions mises à lʼordre du jour étaient particulière
ment intéressantes; elles furent divisées en deux grandes