23 Novembre 1907
LA CONSTRUCTION MODERNE
ACTUALITÉS
LES STATUES DES SAINTS-PÈRES
Il est bien entendu que, sous ce titre, nous ne voulons désigner aucune statue représentative des papes les plus illustres. Une fois de plus, il est question de celles qui décorent, ou doivent décorer, le pont qui porte ce nom.
Tout le monde sait que, dès lʼorigine, ce pont était destiné à desservir la rue du même nom. Il eût été naturel de le mettre dans lʼaxe de la rue; mais, pour des raisons majeures, il a été placé à côté; ce qui oblige piétons et véhicules à faire deux coudes.
Une de ces raisons est évidemment qu il avait fallu desservir également le Louvre qui n est pas tout à fait vis-à-vis. Par malencontre, ni les anciens guichets, ni les nouveaux vomitoires, si larges qu’ils soient, ne sont pas parvenus davantage à se placer dans lʼaxe du pont. Ci: deux autres coudes, soit quatre en tout.
Il y aurait eu économie de coudes, tout bien considéré, à mettre le pont des Saints-Pères, soit dans l’axe du monument, soit dans l’axe de la rue. Mais il fut établi sous un régime célèbre par l usage constant de ce quʼon appelait alors: le
juste milieu. Aussi, de même que l’âne de Buridan, perplexe entre le son et l’avoine, le pont n’a pu se décider et il est parvenu à mécontenter tout le monde et les Saints-Pères.
C’est quelquefois la conséquence qu’amène l adoption des milieux les plus justes.
Pour consoler la population de ces mécomptes, avaient été placées les copieuses statues que l’on connaît et que l’on
nʼest pas encore parvenu à déplacer. Si bien que l efficacité de l’élargissement exécuté se trouvait, par leur obstruction, singulièrement compromise. Cet ouvrage d’art est malchanceux.
On a pu lire ici même l’explication qu’en donnait récemment M. André Hallays: cʼétait l’impossibilité de découvrir
dans la capitale un réduit suffisamment vaste pour y enserrer les trois balais et le rateau des balayeurs du pont.
A nous, cette nouvelle avait paru quelque peu invraisem
blable, comme peuvent l’être accidentellement les découvertes de cet écrivain, très brillant à coup sûr, mais dont les informations laissent parfois à désirer pour la rigoureuse exactitude. Aussi la reproduisions-nous avec d’expresses réserves.
Nous ne voulons pas que nos lecteurs, évidemment très troublés par cette nouvelle si émouvante, restent plus longtemps sous le coup de cette émotion illégitime.
Un autre journal, non moins grave que les Débats, va les rassurer pleinement. Lʼexplication dèfinitive, officielle, la voici dans son intégrité:
Les statues du Pont des Saints-Pères.
« On sait que lors de la réfection du Pont des Saints-Pères, en 1905, des dispositions ont été prises pour que les quatre sta
tues qui le décorent soient déplacées et avancées de quelques
mètres, de telle manière que, l’accès du pont étant élargi, la circulation s’en devait trouver nécessairement facilitée. Mal
heureusement, une discussion s’éleva entre la ville de Paris et l’État au sujet du déplacement des quatre statues. Laquelle de ces deux administrations en supporterait les frais? La con
troverse qui a duré deux ans est heureusement terminée. Ce matin, on a commencé d’édifier, sur le quai des Tuileries, le nouveau piédestal de l une des statues. Le déménagement de celles-ci est donc imminent. »
Comme on voit, ces statues avaient simplement attendu le 15 du présent mois, conformément à l’usage, pour commencer leur déménagement. Ce premier motif n’est pas explicite
ment indiqué dans le document officiel que nous reproduisons si fidèlement; toutefois, on le devine facilement, à lire entre les lignes.
Mais il y en a un autre, encore plus sérieux. L’État et la Ville ne sont pas tombés d’accord sur les frais du déménagement. On sait que la «controverse» est leur état normal et du
rable (de deux à vingt ans); on fa constaté à l’Esplanade, au Champs de Mars et dans maint autre lieu. Entre les deux puissances le conflit financier est à l’état permanent.
23e Année. N 8.
LA CONSTRUCTION MODERNE
ACTUALITÉS
LES STATUES DES SAINTS-PÈRES
Il est bien entendu que, sous ce titre, nous ne voulons désigner aucune statue représentative des papes les plus illustres. Une fois de plus, il est question de celles qui décorent, ou doivent décorer, le pont qui porte ce nom.
Tout le monde sait que, dès lʼorigine, ce pont était destiné à desservir la rue du même nom. Il eût été naturel de le mettre dans lʼaxe de la rue; mais, pour des raisons majeures, il a été placé à côté; ce qui oblige piétons et véhicules à faire deux coudes.
Une de ces raisons est évidemment qu il avait fallu desservir également le Louvre qui n est pas tout à fait vis-à-vis. Par malencontre, ni les anciens guichets, ni les nouveaux vomitoires, si larges qu’ils soient, ne sont pas parvenus davantage à se placer dans lʼaxe du pont. Ci: deux autres coudes, soit quatre en tout.
Il y aurait eu économie de coudes, tout bien considéré, à mettre le pont des Saints-Pères, soit dans l’axe du monument, soit dans l’axe de la rue. Mais il fut établi sous un régime célèbre par l usage constant de ce quʼon appelait alors: le
juste milieu. Aussi, de même que l’âne de Buridan, perplexe entre le son et l’avoine, le pont n’a pu se décider et il est parvenu à mécontenter tout le monde et les Saints-Pères.
C’est quelquefois la conséquence qu’amène l adoption des milieux les plus justes.
Pour consoler la population de ces mécomptes, avaient été placées les copieuses statues que l’on connaît et que l’on
nʼest pas encore parvenu à déplacer. Si bien que l efficacité de l’élargissement exécuté se trouvait, par leur obstruction, singulièrement compromise. Cet ouvrage d’art est malchanceux.
On a pu lire ici même l’explication qu’en donnait récemment M. André Hallays: cʼétait l’impossibilité de découvrir
dans la capitale un réduit suffisamment vaste pour y enserrer les trois balais et le rateau des balayeurs du pont.
A nous, cette nouvelle avait paru quelque peu invraisem
blable, comme peuvent l’être accidentellement les découvertes de cet écrivain, très brillant à coup sûr, mais dont les informations laissent parfois à désirer pour la rigoureuse exactitude. Aussi la reproduisions-nous avec d’expresses réserves.
Nous ne voulons pas que nos lecteurs, évidemment très troublés par cette nouvelle si émouvante, restent plus longtemps sous le coup de cette émotion illégitime.
Un autre journal, non moins grave que les Débats, va les rassurer pleinement. Lʼexplication dèfinitive, officielle, la voici dans son intégrité:
Les statues du Pont des Saints-Pères.
« On sait que lors de la réfection du Pont des Saints-Pères, en 1905, des dispositions ont été prises pour que les quatre sta
tues qui le décorent soient déplacées et avancées de quelques
mètres, de telle manière que, l’accès du pont étant élargi, la circulation s’en devait trouver nécessairement facilitée. Mal
heureusement, une discussion s’éleva entre la ville de Paris et l’État au sujet du déplacement des quatre statues. Laquelle de ces deux administrations en supporterait les frais? La con
troverse qui a duré deux ans est heureusement terminée. Ce matin, on a commencé d’édifier, sur le quai des Tuileries, le nouveau piédestal de l une des statues. Le déménagement de celles-ci est donc imminent. »
Comme on voit, ces statues avaient simplement attendu le 15 du présent mois, conformément à l’usage, pour commencer leur déménagement. Ce premier motif n’est pas explicite
ment indiqué dans le document officiel que nous reproduisons si fidèlement; toutefois, on le devine facilement, à lire entre les lignes.
Mais il y en a un autre, encore plus sérieux. L’État et la Ville ne sont pas tombés d’accord sur les frais du déménagement. On sait que la «controverse» est leur état normal et du
rable (de deux à vingt ans); on fa constaté à l’Esplanade, au Champs de Mars et dans maint autre lieu. Entre les deux puissances le conflit financier est à l’état permanent.
23e Année. N 8.