30 Novembre 1907
LA CONSTRUCTION MODERNE


ACTUALITÉS


LE BUDGET DES BEAUX-ARTS
Le rapport de M. Louis Buyat, député, a paru sous le n° 1. 238; il n’a que 213 pages. C’est suffisant, sans être excessif, tant il est de sujets, ondoyants et divers, quʼun bon rapporteur est, contraint d’aborder. Or, une fois quʼon y a abordé, il devient difficile de n’y pas déborder.
Quoi que ce mémoire ait excité quelques récriminations, il est très consciencieux, courageux puisquʼil veut rompre avec beaucoup de traditions fortement implantées, nourri de curieuses et intéressantes statistiques. On a pu et on pourra encore le discuter; s il prête à la discussion, c’est qu il a au moins le mérite de nʼètre pas banal et qu’il ne s’enfonce pas trop profondément dans les ornières consacrées de temps immémorial, et qu’ont successivement creusées toutes les roues parlementaires.
Comme le rapporteur a dû parler de bien des choses à la fois, le mieux est encore de le suivre pas à pas, sauf à écarter tout ce qui ne nous concerne pas.
Il fallait bien, dès le début, démontrer une fois de plus, devant la Chambre, que l’État démocratique est le véritable Mécène, le Mécène idéal dont tous les artistes attendaient la venue.
Ce ne sera pas un Mécène très constant dans ses affections artistiques, nous assure-t-on, parce que son opinion doit être celle de tout le monde; il n a pas à chercher plus loin. — C est,
comme on dit, un point de vue. — En politique, il faut, nous dit-on encore, regarder tout le temps du côté de ses électeurs; en Art, il faut observer les modes. Le rapporteur nous l’apprend en propres termes.
Mais aussitôt il ajoute, non sans laisser percer une pointe légère de regret: « Tout passe, lasse, casse »; la mode en parti
culier. En la suivant, l’Etat devra donc changer aussitôt, sinon de forme, au moins de prédilections. C’est son premier, c’est même son seul devoir.
Il ne s agit que de l Art exclusivement, c’est bien entendu. Toutefois, il se peut qu’on objecte cette remarque: La gi
rouette, même artistique, n’a jamais passé pour avoir une ligne de conduite bien assurée.
Mais ce qu entend affirmer le rapporteur, au fond, c’est tout simplement ceci, qui est assez défendable: L État démocra
tique, puisque démocratie il y a même en art, ne doit pas avoir en pareille matière de parti pris, et ne doit pas non plus chercher à l’imposer.
Sur ce terrain, la République devra se montrer « désintéressée ». — En fait, il faut entendre, par là, qu’elle continuera à porter beaucoup d intérêt à tous les Beaux-Arts, sans excep
tion et sans chercher à en tirer un profit quelconque pour ellemême. C’est la générosité pure qu on lui recommande, à quoi nous ne voyons pas le moindre mal.
Dans l’esprit de M. Buyat, ce sera un contraste éclatant avec ce que faisait jadis la Monarchie qui ne voyait, dans les ar
tistes, que de merveilleux agents au service de sa puissance souveraine. C’est un second point de vue.
Le rapporteur définit du reste très clairement sa pensée en ajoutant: « La Monarchie vit de prestige. » Il n’a certaine
ment pas voulu dire par là que l Etat démocratique en manque totalement; pas même qu’il puisse s’en passer. Ce serait évi
demment contraire à son opinion. Seulement le régime ancien avait besoin, dit-il, «d’éblouir pour être craint». Celui qui lui a succédé serait-il donc résigné à n’éblouir personne?
Nous ne le pensons pas un instant, et M. Buyat non plus, c’est très probable.
Donc point d’art officiel, ces deux mots jurent d’être accouplés.
Cette opinion réunira sans doute un certain nombre dʼadhérents. Parmi eux, le rapporteur compte beaucoup sur ceux qui, ainsi qu’il le dit, estiment que l État, tiraillé par mille occupations complexes et austères, n a pas le loisir d’admirer et de comprendre la beauté.
Hélas! Ce serait dommage. Voilà tout ce que nous trouvons à répondre.
Suit une verte leçon au favoritisme qui aurait su pénétrer
23e Année. N 9.