fet. Lʼhabileté est grande parmi les opérateurs; pas un raté, pas une chute. Les assistants ne peuvent dissimuler leur ad
miration à constater une pareille et -si impeccable dextérité. Pas une seule faute n’a encore été relevée.
Aujourd’hui, c’est jour de repos. Officiellement on nous lʼapprend: le jeu va cesser; la disparition serait donc décidée? Quelle erreur!
Au fond, le bulletin lui-même, si affirmatif d’ordinaire, n ose même pas l assurer péremptoirement; il nous laisse un rayon d’espoir vrai: Tout est fini, dit-il, conclu, décidé... à
moins que toutes les parties intéressées ne se mettent dʼaccord pour transférer ailleurs la célèbre galerie.
Nous ne lui faisons pas dire. En réalité, nous en sommes toujours au même point: on démolira à moins que l’on ne
transfère; on transférera, à moins qu on ne démolisse. Jusqu’à présent nous n’avons pas bougé de là, quelques décisions qu on ait prises d’un côté ou de l’autre.
Ce quʼil faudrait maintenant, c est de découvrir une troisième solution qui renouvellerait le jeu, comme le fut jadis celui de l Oie. Ce serait là un joli spécimen dʼingéniosité, propre à tenter les esprits subtils.
Toutefois, qu ils ne se montent pas trop vite l’imagination et ne se pressent pas trop de croire à une nouvelle décou
verte. Evidemment, il y a une troisième solution, celle qui consiste à ne pas démolir et à ne pas transférer. Mais cellelà, tout le monde la connaît et personne n en a voulu.
P. PLANAT.


LA FÊTE AU GRAND PALAIS


Lʼart de l ingéniosité, tel qu’on peut attendre d’une ville comme Paris, et d’un artiste tel que notre confrère M. Rives, a remporté, samedi dernier, une véritable victoire.
Nous voulons parler de cette merveilleuse fête qui eut pour cadre le Grand Palais. Il n’est pas exagéré de dire, à ce propos, qu’au point de vue de l’idée, de l’originalité, du goût et de la conception, cette fête a apporté à l’art du décor une contri
bution précieuse. C est une voie triomphale ouverte vers les
splendeurs de l’imagination, dans laquelle vont s’élancer, à la suite du premier vainqueur, d’autres hardis champions de notre noble profession...
Voici quelques détails de cette fabuleuse fête à laquelle la Construction moderne a été invitée en sa qualité do membre de la grande presse parisienne.
Toute ruisselante de lumières, garnie de bassins, — tels les lacs d’Aulnes de l’Opéra, — de massifs et plantes vertes, décorée de la façon la plus heureuse, la grande nef du Palais pré
sentait un coup d œil absolument féerique. Sur les quatre côtés, on avait installé des loges et gradins immenses, trop
petits encore pour contenir la foule élégante qui avait tenu à assister à cette splendide fête de charité.
La soirée commençait par un concert militaire, qui réunissait toutes les musiques de la garnison, y compris la Garde républicaine. Cet orchestre, qui comptait mille exécutants, remporta un très vif succès.
Des assauts de fleuret, d épée, de boxe intéressèrent les spectateurs, en attendant le grand Cortège de la Locomotion à travers les âges, qui constituait le clou de la soirée. Les véhi
cules les plus divers, depuis l’âge [de pierre (tableau réglé par l atelier Cormon) jusqu’au taxi-auto, défilèrent devant un
public charmé de cette reconstitution des plus intéressantes. La litière de Richelieu, le carrosse de gala de Louis XVI, la berline de Varennes, le char à bancs alsacien, furent principalement remarqués.
La note gaie fut l attaque d’une diligence. La promenade des automobiles primées à la fête de l’élégance automobile
clôtura, de façon brillante, ce superbe cortège, auquel prirent part près de 3. 000 artistes ou figurants des théâtres parisiens, et 200 chevaux.
Ayant quitté le Palais féerique avant minuit, nous regrettons de ne pouvoir consacrer aussi quelques mots aux mul
tiples divertissements qui eurent lieu après, tels que le Ballet
des Nations et le grand bal qui doit certainement continner encore pendant que nous achevons ces brèves lignes.
A. G.


SUNT LACRYMÆ RERUM


On a prétendu que les choses elles-mêmes ont leurs larmes; ce sont les grands poètes qui ont dit cela, et la pensée a toujours paru belle sous cette forme. Mais il paraît que c’est, tout simplement un solécisme et que les poètes français, emportés par leur imagination, traduisent mal les poètes latins.
Si elles n’ont pas de larmes authentiques, elles ont tout au moins leur ironie. Voici la note que nous lisons aujourd’hui dans un journal bien informé:
La vente du Gros-Caillou.
« L’État, met en vente la plus ancienne des manufactures de tabacs de France, celle du Gros-Caillou.
« La disparition de ces vieux bâtiments dépourvus de style et de cachet artislique, qui alignaient leur architecture mas
sive le long du quai dʼOrsay, ne provoquera aucun regret chez les Parisiens.
« Quant aux souvenirs historiques qui s’y rattachaient, ils ne sont guère captivants. A la place de la Manufacture,
il y avait autrefois un établissement de bains qu’alimentait un petit bras dérivé de la Seine. Et quant au pavillon qui servait d école d’application pour les élèves ingénieurs des tabacs, construit par Bellanger, l’architecte de Bagatelle, il avait jadis abrité la fameuse « pompe à feu » de Chaillot, qui fournissait de l’eau potable.
« Quand ces installations d’industrie privée eurent disparu, des ingénieurs transformèrent les bâtiments pour la fabrica
tion du tabac, et, l’aménagement terminé, l architecte lit
graver sur la porte principale de la manufacture cette simple inscription: Défense de fumer. »
Avoir été l architecte de la Folie-d’Artois, l’architecte le plus cher aux jolies femmes de lʼépoque, à celles du moins qui appartenaient au théâtre, et qui étaient plutôt galantes, — ce qui ne les empêchait nullement d avoir du talent et, du plus grand (on connaît leurs noms); — avoir construit des œuvres pimpantes, coquettes, gracieuses, et se trouver condamné à élever une pompe à feu!
Il est vrai qu’au xvIIIe siècle on savait faire de l’austérité gracieuse encore. La pompe de la rive gauche devait rappeler
celle que nous avons pu connaître sur la rive droite et qui a disparu depuis peu; certaines parties, réellement du temps, avaient un caractère estimable.
Mais où l ironie se corse, c’est le jour où, plus tard, l’architecte