Mais lorsqu’il vint s’établir à Düsseldorf, qui était alors la capitale de l’art rhénan, il ne tarda pas à s’apercevoir qu’il avait tort de ne pas peindre de nobles paysages à la manière d’Achenbach, ou des scènes de genre à la Vautier. Les marchands de tableaux le mirent à l’index. Les rapins exposèrent au Malkasten (la Boîte à couleurs), où ils tenaient leurs assises, de venimeuses caricatures de ses œuvres. Le seul peintre avec qui il se lia d’amitié fut le Francfortois Otto Scholderer, dont les efforts s’orien
taient dans le même sens que les siens; ils éprouvaient tous les deux la même répugnance instinctive pour la peinture « antipicturale » de Düsseldorf qui ne cherchait, dans l’histoire ou le paysage, que des « sujets ».
C’est avec Scholderer qu’il se rendit, au printemps de 1868, à Paris1. Pour les artistes allemands, prisonniers des Académies de Munich ou de Düsseldorf, Paris représentait la délivrance d’un joug pédantesque, l’exci
tation et la fièvre d’une grande ville au sortir de la vie étriquée de la province allemande : on y respirait une atmosphère de jeunesse et de liberté. Thoma en fut enivré et garda, des quelques semaines qu’il y passa, un souvenir inoubliable. C’était au mois de mai ; Paris était en beauté. La ville était pleine de joie, de lumière. De beaux nuages, d un gris argenté, passaient dans le ciel clair. « Les impressions que je rapportai de Paris m’ont puissamment remué : ce fut pour moi comme un élargissement de la vie. Lorsque je revins à Bernau, je sentis combien le séjour de Paris m’avait été profitable, par ce seul fait que je compris tout d’un coup la beauté pittoresque de mon pauvre village, que je retrouvai avec la même joie qu’un ami perdu. »
Ce court séjour à Paris exerça sur Thoma une influence aussi décisive que sur Feuerbach, Leibl, Liebermann et les autres peintres allemands de sa génération. « Au Louvre, je vis pour la première fois du grand art, et il ne resta plus rien des leçons de Düsseldorf : je savais maintenant que j’avais raison au plus profond de mon âme. »
La peinture française moderne, si libre et si hardie, en comparaison des œuvres d’Achenbach ou de Vautier, fut pour lui à la fois une révélation et un encouragement : il s’attacha à Delacroix, à Millet, à Corot. Mais c’est « le fougueux, le révolutionnaire Courbet » qui en imposa le
1. Cf. Im Herbste des Lebens, p. 36 et sq.
taient dans le même sens que les siens; ils éprouvaient tous les deux la même répugnance instinctive pour la peinture « antipicturale » de Düsseldorf qui ne cherchait, dans l’histoire ou le paysage, que des « sujets ».
C’est avec Scholderer qu’il se rendit, au printemps de 1868, à Paris1. Pour les artistes allemands, prisonniers des Académies de Munich ou de Düsseldorf, Paris représentait la délivrance d’un joug pédantesque, l’exci
tation et la fièvre d’une grande ville au sortir de la vie étriquée de la province allemande : on y respirait une atmosphère de jeunesse et de liberté. Thoma en fut enivré et garda, des quelques semaines qu’il y passa, un souvenir inoubliable. C’était au mois de mai ; Paris était en beauté. La ville était pleine de joie, de lumière. De beaux nuages, d un gris argenté, passaient dans le ciel clair. « Les impressions que je rapportai de Paris m’ont puissamment remué : ce fut pour moi comme un élargissement de la vie. Lorsque je revins à Bernau, je sentis combien le séjour de Paris m’avait été profitable, par ce seul fait que je compris tout d’un coup la beauté pittoresque de mon pauvre village, que je retrouvai avec la même joie qu’un ami perdu. »
Ce court séjour à Paris exerça sur Thoma une influence aussi décisive que sur Feuerbach, Leibl, Liebermann et les autres peintres allemands de sa génération. « Au Louvre, je vis pour la première fois du grand art, et il ne resta plus rien des leçons de Düsseldorf : je savais maintenant que j’avais raison au plus profond de mon âme. »
La peinture française moderne, si libre et si hardie, en comparaison des œuvres d’Achenbach ou de Vautier, fut pour lui à la fois une révélation et un encouragement : il s’attacha à Delacroix, à Millet, à Corot. Mais c’est « le fougueux, le révolutionnaire Courbet » qui en imposa le
1. Cf. Im Herbste des Lebens, p. 36 et sq.