étaient en droit d’ambitionner la possession. Dans cette lutte, à laquelle prirent part presque tous les grands musées d’Europe et que ne dédaigna pas lui-même M. Pierpont Morgan, le Louvre a pu, malgré des subsides relativement modestes, en limitant soigneusement son ambition aux œuvres les plus essentiellement désirables pour lui, conquérir un lot de quatre pièces d’une réelle importance. Deux d’entre elles comptaient même en première ligne, pour les délicats, parmi les plus insignes joyaux de la vente et les plus justement convoités. C’est contre un aussi redoutable concurrent que le musée de Berlin, qui nous les disputa jusqu’au bout, que nous avons eu finalement ici l honneur de triompher. La bonne grâce d’un grand collectionneur parisien, qui, pour la pièce capitale du lot, mit le plus généreux désintéressement à sacrifier l’ardeur de son désir à l’intérêt du Louvre, ajoute pour nous, de plus, à la joie du triomphe une dette inoubliable de reconnaissance.
Avant de souligner l’intérêt tout particulier pour un musée français de ces deux derniers morceaux, d’une valeur rare autant que d’un charme exquis, il est bon de dire un mot de deux autres dessins qui, bien qu’à un degré moindre sans doute, ont également leur mérite et leur prix. C’est dans la série allemande, qui est peut-être la moins abondamment fournie du Cabinet des dessins, au Louvre, qu’ils sont venus se ranger. Ils y repré
senteront de façon assez nouvelle certaines tendances de l’art de la Haute- Allemagne, — encore singulièrement mystérieux et mal connu, d’ailleurs, malgré les plus récentes recherches de la critique allemande, — qui a pré


paré et côtoyé l’art de Dürer en ses débuts. Ce sont dessins qu’on englobait volontiers autrefois parmi ceux du maître, et qu’on tend de plus en plus depuis quelques années à en distinguer.


Le premier de ces dessins (fig. 1 ; n° 297 de la vente de Lanna) porte, rajoutée à la plume d’une main postérieure et d’encre plus pâle, une fausse signa
ture d’Albert Dürer, sous le nom duquel il figura d’abord dans la collection J. A. G. Weigel L Plus tard, lors de la vente de cette collection, qui se fit à Stuttgart les 15 mai 1883 et jours suivants, il fut bizarrement attribué dans le catalogue (n° 29) à un « anonyme de la Basse-Allemagne ». L’attribution non moins contestable à Holbein le Vieux, récemment donnée par le cata
1. Catalog einer Sammlung von Original-Handzeichnungen... gegründet und hinterlassen von
J. A. G. Weigel, in Leipzig ; Leipzig, T. O. Weigel, 1869, in-8° (n° 8).