un rebord. L’homme a la main gauche affectueusement posée sur le poignet droit de sa compagne et semble prêt à lui donner solennellement connais
sance d’une lettre, qu’il tient déployée. D’après les habitudes du temps, il est probable qu’il s’agit d’un projet pour un de ces doubles portraits de fiançailles, qui lurent alors fréquents, et dont la lecture même de l’enga
gement ou du contrat de mariage consacre ici la gravité. La date de 1479,
qui paraît deux fois répétée, de la main même du dessinateur, près de la tête des personnages, peut rappeler l’événement, en même temps que la date d’exécution des portraits1. Que l’artiste soit ou non quelqu’un des précurseurs nurembergeois de Durer, tels que Hans Pleydenwurff, Michel Wolgemut ou tout autre, il est certain que nous nous trouvons devant des formules singulièrement représentatives du milieu et des tendances géné
rales d’art, sous l’influence desquels le jeune maître se forma et débuta. C’est avec une sensibilité sans doute plus raffinée, mais dans un esprit très semblable, qu’en 1493, il s’est représenté lui-même en fiancé, tenant le chardon bleu, gage de fidélité (en allemand Mannestreue), dans l’inté
ressant portrait de l’ancienne collection L. Goldschmidt, ou qu’en 1499 il figura en face l’un de l’autre, avec des emblèmes également appropriés, le couple des Tucher (musée de Weimar).
Le second dessin (fig. 2 ; n° 593 de la vente de Lanna), bien que de date un peu plus récente, n’est pas un moins rare et précieux spécimen de l’art de cette région d’Allemagne. Mesurant 0m194 sur 0m147, il est finement exécuté à la plume et au lavis d’encre de Chine sur un de ces fonds de papier préparés en bistre, qui furent très aimés du temps de Dürer et après lui, et dont Baldung se fit presque même une spécialité. De multiples rehauts blancs, à la gouache, en relèvent l’accent, suivant l’usage, de la façon la plus colorée et la plus pittoresque, pour souligner les lumières du ciel, du fond, des terrains, des accessoires, des visages ou des vêtements. La scène est une curieuse image de la sentimentalité allemande de tous les temps. Hans et Gretchen sont ici en partie fine, assis au pied d’un chêne, sur une butte gazonnée, à l’entrée de la forêt. L’amoureux, tête nue, aux longs
1. C’est l’hypothèse généralement admise. Avouons, toutefois, que la double répétition, ainsi qu’un peu d indécision quant au dernier chiffre de la date placée près de la tête de l’homme, et où l’on pourrait lire peut-être 1470, ne serait pas sans suggérer aussi l’idée d’y voir les dates de nais
sance des deux époux. La seule objection, c’est que ce dessin, d apparence assez archaïque, devrait être ainsi reporté à l’extrême Un du xve siècle.