23 Mai 1908LA CONSTRUCTION MODERNE
LE HOHKOENIGSBURG
On sait qu’il s agit de la restitution d’un château-fort, des plus historiques, qui subsistait aux environs de Sclilestadt, en
Alsace. Il futofl erten 1881) à l’empereur d’Allemagne qui songea aussitôt à le faire reconstruire et chargea M. Ebhardt, archi
tecte, de cette réédification délicate; d’autant plus délicate que le château avait été détruit par les troupes suédoises, dès l’année 1033. Or les châteaux-forts ne repoussent pas naturel
lement, malgré les printemps qui se sont succédé depuis. Le Hohkœnigsburg était à l’état de ruines; ruines fort intéres
santes d’ailleurs, mais parmi lesquelles il était difficile de retrouver ce que pouvait être l’aspect primitif.
Le Reichstag avait accordé, pour les travaux, une modeste subvention de 73.000 marks; l’Alsaco-Lorraine dut contribuer pour la forte somme,que compléta ensuite l’empereur. Aujourd hui la dépense atteint ou dépasse même le total disponible.
Il est bien clair qu une somme aussi importante : plus d’un million, représente, non pas une simple consolidation comme celles qu’on exige aujourd hui en France, mais bien une de ces restitutions, comme on en faisait il y a quelque quarante ans, et comme on les interdit chez nous aujourd’hui.
En toute conscience, l’architecte s’est entouré de tous les documents anciens qu’il a pu sc procurer, et croit pouvoir allumer qu au point de vue archéologique son œuvre est indiscutable. Mais on sait surabondamment qu’en matière archéologique la certitude n’existe pas. C est précisément pourquoi celte science a l immense avantage de fournir ma
tière inépuisable à de doctes débats, qui peuvent se renouveler et se rajeunir indéfiniment, et l’inconvénient de ne pouvoir aboutir à des conclusions pratiques qui seraient inattaquables.
Il ne faut donc pas s’étonner si, au Reichstag même, M. le député Pfcilier se crut autorisé à déclarer que la restitution, telle qu elle est exécutée, est do pure fantaisie.
A l appui de celle aflirmation déconcertante il mit sous les yeux de ses collègues une gravure du xvr siècle représentant l’étal primitif; depuis, les érudits ont découvert une pla
23° Année N° 34
quelle d ivoire ancienne qui serait en parfait désaccord avec le résultat des recherches de M. Ebhardt.
A quoi celui-ci a nettement répondu : Coque représente la gravure du xvésièele ne doit [tas être le Hohkœnigsburg ; etla plaquette ne [tout être que l œuvre d’un faussaire.
Nous ne doutons pas que, si ses adversaires ont les mains pleines d’arguments décisifs, l’architecte ne possède, de sou côté, des preuves non moins convaincantes. En matière archéo
logique, ce ne sont jamais les preuves qui font défaut, quelle que soit l opinion qu’on veut soutenir.
Aussi nous gardons-nous bien d’exprimer ici une opinion quelconque ; nous nous en tenons, comme toujours, à dire qu’une restitution qui dépasse les proportions d’une modeste consolidation est, presque à coup sur, une tentative hasardeuseet généralement regrettable.
Nous ne prétendons nullement par là blâmer le moins du monde M. Ebhardt, qui a certainement apporté une extrême conscience à l’œuvre dont il s est trouvé chargé. Le tort, s’il
en est un, est à ceux qui lui ont mis sur les épaules un aussi lourd fardeau.
*
* *
L’inauguration vient d’avoir lieu, cl l’empereur d’Allemagne était revenu expressément de voyages divers pour assister à cette cérémonie. On avait voulu donner à celle-ci un carac
tère éminemment archéologique : la reconstitution avait, du haut en bas, envahi jusqu’aux moindres détails accessoires.
Nous avons, chez nous, rétabli depuis quelque temps les splendeurs de la Mi-carème et du Mardi-gras ; il faut recon
naître modestement qu’elles sont singulièrement distancées par celles qui se déployèrent au dehors comme au dedans du nouvel Ilohkœnisburg.
On voit que nous ne voulons pas marchander les éloges dus à celte imposante solennité. Il nous faut cependant ajouter qu elle a surtout contribué à démontrer une fois de plus que les restitutions de tous genres ne devraient se faire qu en carton pâle, et u êlre employées qu au divertissement des foules, pour les fêtes publiques et commémoratives où elles font merveilleusement la joie des enfants, des grandes personnes, des militaires et des eook-tourists.
ACTUALITES
LE HOHKOENIGSBURG
On sait qu’il s agit de la restitution d’un château-fort, des plus historiques, qui subsistait aux environs de Sclilestadt, en
Alsace. Il futofl erten 1881) à l’empereur d’Allemagne qui songea aussitôt à le faire reconstruire et chargea M. Ebhardt, archi
tecte, de cette réédification délicate; d’autant plus délicate que le château avait été détruit par les troupes suédoises, dès l’année 1033. Or les châteaux-forts ne repoussent pas naturel
lement, malgré les printemps qui se sont succédé depuis. Le Hohkœnigsburg était à l’état de ruines; ruines fort intéres
santes d’ailleurs, mais parmi lesquelles il était difficile de retrouver ce que pouvait être l’aspect primitif.
Le Reichstag avait accordé, pour les travaux, une modeste subvention de 73.000 marks; l’Alsaco-Lorraine dut contribuer pour la forte somme,que compléta ensuite l’empereur. Aujourd hui la dépense atteint ou dépasse même le total disponible.
Il est bien clair qu une somme aussi importante : plus d’un million, représente, non pas une simple consolidation comme celles qu’on exige aujourd hui en France, mais bien une de ces restitutions, comme on en faisait il y a quelque quarante ans, et comme on les interdit chez nous aujourd’hui.
En toute conscience, l’architecte s’est entouré de tous les documents anciens qu’il a pu sc procurer, et croit pouvoir allumer qu au point de vue archéologique son œuvre est indiscutable. Mais on sait surabondamment qu’en matière archéologique la certitude n’existe pas. C est précisément pourquoi celte science a l immense avantage de fournir ma
tière inépuisable à de doctes débats, qui peuvent se renouveler et se rajeunir indéfiniment, et l’inconvénient de ne pouvoir aboutir à des conclusions pratiques qui seraient inattaquables.
Il ne faut donc pas s’étonner si, au Reichstag même, M. le député Pfcilier se crut autorisé à déclarer que la restitution, telle qu elle est exécutée, est do pure fantaisie.
A l appui de celle aflirmation déconcertante il mit sous les yeux de ses collègues une gravure du xvr siècle représentant l’étal primitif; depuis, les érudits ont découvert une pla
23° Année N° 34
quelle d ivoire ancienne qui serait en parfait désaccord avec le résultat des recherches de M. Ebhardt.
A quoi celui-ci a nettement répondu : Coque représente la gravure du xvésièele ne doit [tas être le Hohkœnigsburg ; etla plaquette ne [tout être que l œuvre d’un faussaire.
Nous ne doutons pas que, si ses adversaires ont les mains pleines d’arguments décisifs, l’architecte ne possède, de sou côté, des preuves non moins convaincantes. En matière archéo
logique, ce ne sont jamais les preuves qui font défaut, quelle que soit l opinion qu’on veut soutenir.
Aussi nous gardons-nous bien d’exprimer ici une opinion quelconque ; nous nous en tenons, comme toujours, à dire qu’une restitution qui dépasse les proportions d’une modeste consolidation est, presque à coup sur, une tentative hasardeuseet généralement regrettable.
Nous ne prétendons nullement par là blâmer le moins du monde M. Ebhardt, qui a certainement apporté une extrême conscience à l’œuvre dont il s est trouvé chargé. Le tort, s’il
en est un, est à ceux qui lui ont mis sur les épaules un aussi lourd fardeau.
*
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L’inauguration vient d’avoir lieu, cl l’empereur d’Allemagne était revenu expressément de voyages divers pour assister à cette cérémonie. On avait voulu donner à celle-ci un carac
tère éminemment archéologique : la reconstitution avait, du haut en bas, envahi jusqu’aux moindres détails accessoires.
Nous avons, chez nous, rétabli depuis quelque temps les splendeurs de la Mi-carème et du Mardi-gras ; il faut recon
naître modestement qu’elles sont singulièrement distancées par celles qui se déployèrent au dehors comme au dedans du nouvel Ilohkœnisburg.
On voit que nous ne voulons pas marchander les éloges dus à celte imposante solennité. Il nous faut cependant ajouter qu elle a surtout contribué à démontrer une fois de plus que les restitutions de tous genres ne devraient se faire qu en carton pâle, et u êlre employées qu au divertissement des foules, pour les fêtes publiques et commémoratives où elles font merveilleusement la joie des enfants, des grandes personnes, des militaires et des eook-tourists.