préférence « la bonne et la concierge ». — Ces témoignages dit-il, ont une valeur!
Sans doute; mais quelle est au juste cette valeur ? La déposition de la concierge peut varier avec tant de circonstances étrangères à la vertu du candidat. Les étrennes, par exemple, pourraient notablement influer sur l’opinion de cette gardienne du foyer.
L âge de la bonne pourrait aussi intervenir pour diriger sa déposition dans tel sens plutôt que dans tel autre. Et, si l’aca
démicien, chargé de l enquête, se présentait le jour même où se serait élevée quelque discussion avec madame sur le sou du franc, ne serait-il pas à craindre que l opinion, assez favorable au fils de madame en temps ordinaire, ne se trouvât quelque peu déviée, ce jour-là, à son détriment ?
* * *
Que d’aléas, on le voit ! Combien cette mission serait difficile à remplir ! Aussi le Figaro ne se dissimule-t-il pas à lui
même que, malgré toutes les précautions prises, on peut con
cevoir des doutes sur la fragilité du prix Deschaumes, qu on en pourrait plaisanter quelque peu. Mais, comme ses inten
tions, à lui aussi, sont excellentes, il conclut en toute sa
gesse que, malgré tout et après tout, ce prix est un très nobleprix.
Quoi qu’on puisse trouver à objecter, celte conclusion est la seule équitable; aussi tenons-nous à la reproduire intégralement.
« Tout ceci, dit-elle, prouve simplement qu il y a eu, un jour, un brave homme assez courageux pour penser qu’il était possible d être à la fois un artiste de talent et un garçon bien sage ; que la « vie de bohème » n’était pas, en art, la vie né
cessaire; et quenocer bêtement, faire des dettes, déménager à la cloche de bois, porter des cheveux trop longs sous des cha
peaux à bords trop plats et tirer des carottes à ses parents n’était point une condition formelle de génie et une indispensable façon de se préparer à la gloire.
« Oui, M. Deschaumes a eu l’audace de penser cela ; de prétendre inciter aux vertus familiales les petits-neveux de Mürger. Il savait qu’il aurait contre lui les « hommes d esprit » ;
et il a, comme on dit aujourd’hui, marché quand même... Ce Deschaumes me plaît infiniment. »
C’est très vrai. Le feutre mou ou le chapeau à bords plats, pas plus que le manteau à la façon d Ingres, tel qu’on le porte fréquemment à l Ecole, ne constituent pas nécessairement le talent. Mettons que ce soient des symboles, des promesses de génie ; c’est à peu près tout ce qu’on peut leur accorder.
Il n’y a pas de mal non plus à ne pas considérer la famille comme le potager naturel qui n’est propre qu’à fournir, à qui sait les cultiver, les carottes indispensables.
Puisque feu Deschaumes en avait la conviction, qui n’a rien de subversif, il a bien fait de le dire franchement et de doter d’un prix cette conviction qu’il prétendait faire épouser par les jeunes architectes. P. P.
( Voyez page 410.)
SALLE v
Dans cette salle nous retrouvons quelques envois déjà cités dans notre article d introduction. C’est d’abord ceux de MM. F.
Janin, Belesta et Hannotin; le premier, dont les importantes études sur P Eglise de Saint-Gilles (Gard) et les compositions décoratives d après des fragments antiques lui vaudront certainement une haute récompense, se signale à nos regards par une habileté de rendu et un luxe dans l’exécution qui nous amènent à traiter d’un mot la question du « métier » de cet artiste. C’est un coloriste très personnel, un dessinateur inci
sif, agile et cursif; son œil très juste saisit d’un trait une silhouette, note une particularité, un détail ; unit le ton et la ligne avec une parfaite aisance, sait masser et modeler un motif harmonieusement et donnerà toutes les œuvres vivantes et remuantes à souhait une séduction propre et personnelle, un véritable déploiement de beauté.
M. Belesta et Hannotin, tous les deux médaillés antérieurement, nous présentent leur Projet de théâtre pour la ville d Amiens qui a obtenu au concours le premier prix. Ce bel édifice, future gloire des Amiénois, dont les dix cadres recouvrent presque entièrement la paroi d’une cloison, doit conte
nir 1.500 personnes environ ; le terrain, isolé de toutes parts, mesure 71 mètres de long sur 29m,50 de large.
M. Ch. Chaussepied, lauréat d’une première médaille de l’année dernière, expose une charmante villa bretonne qu’il intitule Chez nous et qu’il a fait édifier à Pont-Aven (Finistère).
C’est une confortable demeure conçue avec un art et un goût exquis. En dehors des façades aquarellées avec une grande distinction, notre confrère nous fait voir les intérieurs, notam
ment les belles cheminées, les dressoirs de la salle à manger et un détail du porche d entrée qui révèle une étude très soi
gnée. Au-dessus nous remarquons la façade du Pavillon du concert au Pelit-Trianon ; c est un relevé assez bien rendu par M. Homer Bartlett, un Américain qui aime rêver à Versailles.
M. H. Martinet a envoyé ses études de VHôtel Régina à Biarritz, une importante construction dont les divers dessins, rendus à la sépia, font très avantageusement ressortir les qua
lités de la composition, M. M. Dupré a une facture robuste qu’il montre dans ses quatre châssis, pleins de croquis, des
sins au fusain et relevés à l’aquarelle del Eglise Saint-Etiennedu-Mont.
M. J. Ferlié s’est intéressé au Château de Saint-Germain-en- Laxye dont il a relevé le motif central contenant l’escalier. Une notice, tracée par l’auteur, nous rappelle que ce château —
restauré de 1862 à 1906 d’après les plans d’Eug. Millet — était une des principales demeures royales des environs de Paris. François Ier le transforma en un palais de la Renaissance. En 1688, il devint la résidence du roi Jacques H Stuart chassé de son royaume d’Angleterre. Napoléon III en fit un musée d’antiquités gallo-romaines.
Deux plans fragmentaires et deux coupes accompagnent cette intéressante étude.
Voici le premier prix du concours Achille Leclère dont nous avons donné, dans,notre précédent article, les grandes lignes du programme. C’est la composition, on le sait, de M. A. Laprade qui y a dépensé un véritable talent de fin décorateur.
Voici encore un envoi dont nous avons longuement parlé lors du dernier concours Américain; c’est le projet qui fut reproduit ici et qui a valu à M. Ch. Boussois, élève de M. Pascal, le premier prix.
Blottie dans un angle quelque peu perdu, se trouve une aquarelle qui est peut-être une des plus réussies que nous ayons cette année dans notre section : c’est l’œuvre de M. G.
Simon, qui a brossé avec une sûreté de touche et une maîtrise de coloriste une vieille impasse de Rouen portant le nom
Sans doute; mais quelle est au juste cette valeur ? La déposition de la concierge peut varier avec tant de circonstances étrangères à la vertu du candidat. Les étrennes, par exemple, pourraient notablement influer sur l’opinion de cette gardienne du foyer.
L âge de la bonne pourrait aussi intervenir pour diriger sa déposition dans tel sens plutôt que dans tel autre. Et, si l’aca
démicien, chargé de l enquête, se présentait le jour même où se serait élevée quelque discussion avec madame sur le sou du franc, ne serait-il pas à craindre que l opinion, assez favorable au fils de madame en temps ordinaire, ne se trouvât quelque peu déviée, ce jour-là, à son détriment ?
* * *
Que d’aléas, on le voit ! Combien cette mission serait difficile à remplir ! Aussi le Figaro ne se dissimule-t-il pas à lui
même que, malgré toutes les précautions prises, on peut con
cevoir des doutes sur la fragilité du prix Deschaumes, qu on en pourrait plaisanter quelque peu. Mais, comme ses inten
tions, à lui aussi, sont excellentes, il conclut en toute sa
gesse que, malgré tout et après tout, ce prix est un très nobleprix.
Quoi qu’on puisse trouver à objecter, celte conclusion est la seule équitable; aussi tenons-nous à la reproduire intégralement.
« Tout ceci, dit-elle, prouve simplement qu il y a eu, un jour, un brave homme assez courageux pour penser qu’il était possible d être à la fois un artiste de talent et un garçon bien sage ; que la « vie de bohème » n’était pas, en art, la vie né
cessaire; et quenocer bêtement, faire des dettes, déménager à la cloche de bois, porter des cheveux trop longs sous des cha
peaux à bords trop plats et tirer des carottes à ses parents n’était point une condition formelle de génie et une indispensable façon de se préparer à la gloire.
« Oui, M. Deschaumes a eu l’audace de penser cela ; de prétendre inciter aux vertus familiales les petits-neveux de Mürger. Il savait qu’il aurait contre lui les « hommes d esprit » ;
et il a, comme on dit aujourd’hui, marché quand même... Ce Deschaumes me plaît infiniment. »
C’est très vrai. Le feutre mou ou le chapeau à bords plats, pas plus que le manteau à la façon d Ingres, tel qu’on le porte fréquemment à l Ecole, ne constituent pas nécessairement le talent. Mettons que ce soient des symboles, des promesses de génie ; c’est à peu près tout ce qu’on peut leur accorder.
Il n’y a pas de mal non plus à ne pas considérer la famille comme le potager naturel qui n’est propre qu’à fournir, à qui sait les cultiver, les carottes indispensables.
Puisque feu Deschaumes en avait la conviction, qui n’a rien de subversif, il a bien fait de le dire franchement et de doter d’un prix cette conviction qu’il prétendait faire épouser par les jeunes architectes. P. P.
LE SALON
DES ARTISTES FRANÇAIS
( Voyez page 410.)
SALLE v
Dans cette salle nous retrouvons quelques envois déjà cités dans notre article d introduction. C’est d’abord ceux de MM. F.
Janin, Belesta et Hannotin; le premier, dont les importantes études sur P Eglise de Saint-Gilles (Gard) et les compositions décoratives d après des fragments antiques lui vaudront certainement une haute récompense, se signale à nos regards par une habileté de rendu et un luxe dans l’exécution qui nous amènent à traiter d’un mot la question du « métier » de cet artiste. C’est un coloriste très personnel, un dessinateur inci
sif, agile et cursif; son œil très juste saisit d’un trait une silhouette, note une particularité, un détail ; unit le ton et la ligne avec une parfaite aisance, sait masser et modeler un motif harmonieusement et donnerà toutes les œuvres vivantes et remuantes à souhait une séduction propre et personnelle, un véritable déploiement de beauté.
M. Belesta et Hannotin, tous les deux médaillés antérieurement, nous présentent leur Projet de théâtre pour la ville d Amiens qui a obtenu au concours le premier prix. Ce bel édifice, future gloire des Amiénois, dont les dix cadres recouvrent presque entièrement la paroi d’une cloison, doit conte
nir 1.500 personnes environ ; le terrain, isolé de toutes parts, mesure 71 mètres de long sur 29m,50 de large.
M. Ch. Chaussepied, lauréat d’une première médaille de l’année dernière, expose une charmante villa bretonne qu’il intitule Chez nous et qu’il a fait édifier à Pont-Aven (Finistère).
C’est une confortable demeure conçue avec un art et un goût exquis. En dehors des façades aquarellées avec une grande distinction, notre confrère nous fait voir les intérieurs, notam
ment les belles cheminées, les dressoirs de la salle à manger et un détail du porche d entrée qui révèle une étude très soi
gnée. Au-dessus nous remarquons la façade du Pavillon du concert au Pelit-Trianon ; c est un relevé assez bien rendu par M. Homer Bartlett, un Américain qui aime rêver à Versailles.
M. H. Martinet a envoyé ses études de VHôtel Régina à Biarritz, une importante construction dont les divers dessins, rendus à la sépia, font très avantageusement ressortir les qua
lités de la composition, M. M. Dupré a une facture robuste qu’il montre dans ses quatre châssis, pleins de croquis, des
sins au fusain et relevés à l’aquarelle del Eglise Saint-Etiennedu-Mont.
M. J. Ferlié s’est intéressé au Château de Saint-Germain-en- Laxye dont il a relevé le motif central contenant l’escalier. Une notice, tracée par l’auteur, nous rappelle que ce château —
restauré de 1862 à 1906 d’après les plans d’Eug. Millet — était une des principales demeures royales des environs de Paris. François Ier le transforma en un palais de la Renaissance. En 1688, il devint la résidence du roi Jacques H Stuart chassé de son royaume d’Angleterre. Napoléon III en fit un musée d’antiquités gallo-romaines.
Deux plans fragmentaires et deux coupes accompagnent cette intéressante étude.
Voici le premier prix du concours Achille Leclère dont nous avons donné, dans,notre précédent article, les grandes lignes du programme. C’est la composition, on le sait, de M. A. Laprade qui y a dépensé un véritable talent de fin décorateur.
Voici encore un envoi dont nous avons longuement parlé lors du dernier concours Américain; c’est le projet qui fut reproduit ici et qui a valu à M. Ch. Boussois, élève de M. Pascal, le premier prix.
Blottie dans un angle quelque peu perdu, se trouve une aquarelle qui est peut-être une des plus réussies que nous ayons cette année dans notre section : c’est l’œuvre de M. G.
Simon, qui a brossé avec une sûreté de touche et une maîtrise de coloriste une vieille impasse de Rouen portant le nom