de ce monument pour lequel il a conçu un proj et _ f ort séduisant, dont la maquette est actuellement exposée au Salon des artistes français.
Ce monument, d’une hauteur de 14m, sera exécuté en granit rose poli; il est de lignes simples et nobles. C’est une sorte de pyramide au bas de laquelle se dresse la femme romaine, drapée fièrement dans son manteau. Le socle sera orné de trois magnifiques bas-reliefs en bronze représentant : le Bastion,
l Ambulance, la Boulangerie; au-dessus comme devise ces trois mots : « Courage, Dévouement, Résignation » ; et sur la face du monument, l’inscription : « Aux héroïnes de 1870-71. »
La statuaire, les bas-reliefs et les ornements sont de M. E. Boverie, l’auteur du Camille Desmoulins du Palais-Royal et de nombre d œuvres remarquables, médaille de lre classe du salon, chevalier de la légion d’honneur.
Nous faisons des vœux pour que la patriotique initiative de M. Charles Ferrant soit couronnée de succès, et que les adhé
sions sur lesquelles il est en droit de compter nous procurent bientôt le plaisir de voir réaliser ce monument et de l’admirer au milieu des verdures du Champ-de-Mars rajeuni, où sa place est tout indiquée.
A. D.


LE HOHKGENIGSBURG


On nous écrit :
La Construction moderne décrivait récemment, avec une louable conscience, les merveilles de cette inauguration ; elle s’est tenue dans une respectueuse réserve en tout ce qui con
cerne l’archéologie, et s’est bien gardée de prendre parti pour ou contre les défenseurs de cette magistrale restitution. Tout en imitant sa prudence, qui est le commencement et la fin de la Sagesse, permettez-moi de vous signaler quelques observa
tions publiées par un journal, le Temps, qui a toujours soin d’observer, en toutes choses, la discrétion courtoise et diplomatique.
« Cette reconstitution, dit-il, peut faire honneur au savoir et au goût de l’architecte. Elle n’en est pas moins, comme toutes les reconstitutions de ce genre faites en l’absence de données positives et de renseignements certains, une œuvre d’imagination purement conjecturale.
« L’entreprise avait semblé telle dès le début à tous les esprits réfléchis. Elle a pris depuis peu le caractère d’une simple fantaisie. <>
L’auteur de cet article ne parait guère, pas plus d’ailleurs que la Construction Moderne, être un fervent admirateur des reconstitutions architecturales; dans le cas présent, il expose les raisons qui lui font traiter le Hohkœnigsburg moderne de « simple fantaisie ».
Contrairement à l’opinion de M. Ebhardt, il croit à l’authenticité de la plaquette d’ivoire, sur laquelle je demanderai la permission de n’avoir pas d’opinion personnelle. Par le temps qui court, est-ce qu’on peut savoir? Mais, de la comparaison entre ce document et l’édifice renouvelé, le Temps conclut :
« L organe essentiel du château, le donjon, qui domine de sa masse carrée le vaste ensemble dû à l’éminent spécialiste, n’a jamais existé. Il y eut bien un donjon autrefois, mais ce donjon fut en réalité un tronc de cône surmonté d une tourelle de guetteur.
« Cette disposition, assez insolite pour quiconque a étudié
sérieusement l’architecture militaire du moyen âge, ne pouvait sans doute être soupçonnée par le Viollet-le-Duc germani
que; mais il aurait pu, à défaut d’un donjon tronc-de-conique, en imaginer un cylindrique. Il n’y a pas d’exemple, en effet, de donjon carré dans l’architecture militaire, à partir de l’em
ploi courant de l’artillerie. C’est ce donjon carré, accolé, il est vrai, à une tour ronde de très fort diamètre, mais très basse, qui constitue, dans le travail d’ailleurs intéressant de M. Ebhardt, la faute lourde. »
Un peu plus loin, il ajoute ce nouvel argument qui lui semble également décisif :
« L’architecte n’a pas compris davantage, dans son œuvre, l’importance accordée, dans tous les châteaux-forts, à partir du xv° siècle, au corps de logis seigneurial, et la physionomie moins rébarbative, l’air plus largement décoratif et plus fas
tueux que les constructeurs d alors lui ont donné. Or, sur ce point encore, la plaquette lui inflige un éclatant démenti. »
Si donc la plaquette fait foi, de même que l’estampe dont on a aussi beaucoup parlé, la question est effectivement jugée. Il
faudrait maintenant que les autorités en matière d’estampes et de plaquettes se prononçassent définitivement sur cette au
thenticité. Encore certaines personnes, en conséquence d’incidents récents et universellement connus, ne se contente
raient-elles pas définitivement des assertions les plus érudites et les plus autorisées. Vous le savez : en matière archéologique autant qu’en matière historique, errare humanum est.
En dehors de la question de fait, déjà difficile à régler, subsiste la question de principe : A quel moment le donjon carré a-t-il fait place au donjon cylindrique? Est-ce dû unique
ment à l’emploi de l’artillerie plus ou moins perfectionnée? Dans quelle région cette transformation a-t-elle pris nais
sance? Est-ce qu’elle n’a pas été beaucoup plus tardive dans d’autres régions? etc., etc., etc.
Ne semble-t-il pas que, si l’on s’engageait dans ce maquis, à la suite du rédacteur du Temps, on aurait quelques chances de n’en pas sortir facilement ? Tant de causes locales, de traditions, d’usages et de coutumes, d’incidents survenus, interviennent dans ces sortes de transformations ou même : simples modifications architecturales ! — Sans parler des in
fluences riveraines, des échanges entre corporations, des déplacements fréquents, même aux temps reculés.
N’y a-t-il donc pas quelque exagération à considérer comme absolue une proposition qui peut être très exacte en principe, mais qui, dans l’application, s’est trouvée soumise à tant d’influences diverses?
Je ne chercherai pas à entrer ici dans une discussion pour laquelle mon opinion ne serait probablement pas beaucoup mieux armée que l’autre, et serait peut-être tout aussi vraisem
blable, sans s’appuyer davantage sur une certitude qui n’existe pas en ces sortes de sujets.
C’est simplement cette absence de certitude, d’un côté comme de l’autre, que je voudrais en ce moment rappeler à vos lecteurs désintéressés. C’est pourquoi je me bornerai à citer quelques extraits d’une étude que connaissent la plu
part d’entre eux; l’étude des colonels Espitallier et de Rochas, auteurs tout particulièrement autorisés en cette matière,
sur l’architecture militaire aux diverses époques. J’extrais un peu au hasard (1).
Il semble bien qu’en France, tout au moins, le donjon carré, ou même polygonal, commence, dès le xne siècle, à
(t) Encyclopédie de l architecture et de la construction : Donjon.