l’aire place au donjon cylindrique. En même temps que les moyens de défense, se modifie l’habitation défendue. Signalant le donjon de Gisors, les auteurs ajoutent :
«En avant du donjon couronnant une motte assez élevée s’étend une cour entourée d’un mur d’enceinte fermé sur le donjon lui-même. C est le point de départ de la chemise dont
on entoure généralement les donjons du xme siècle. On peut remarquer qu’en abandonnant la forme carrée, les ingénieurs militaires réduisent aussi les dimensions de ces importantes parties des forteresses; il n est plus possible d’y établir des logements spacieux ; ce ne sont plus que des tours d’observalion et de défense. »
Un peu plus loin, nouvelle confirmation, mais restrictive :
« C est vers la tin du xue siècle que les donjons deviennent purement cylindriques, dans le centre et le nord de la France tout au moins; car les bords du Rhin, aussi bien que le Midi,
restèrent lidèles à la forme rectangulaire. Les donjons carrés de l’Alsace mériteraient à eux seuls une longue monographie... »
D’où l’on pourrait simplement conclure que les généralités les plus solidement établies, en ce qui concerne certaines régions de la France, ne s’appliquent pas nécessairement à d’autres régions. C’est à peu près tout ce que je me proposais de rappeler en la circonstance.
Vous constaterez d’ailleurs, Monsieur le Directeur, que je pense comme vous : La certitude archéologique est une certi
tude qui ne ressemble pas beaucoup aux autres, et sur laquelle il ne faut pas trop compter. C’estpourquoi il reste sage de dire, comme notre grand philosophe : Peut-être! et d’ajouter modestement : Que sais-je !
En archéologie tout est possible, parce que rien n’est certain. L. F.
Nous nous garderons bien, à notre tour, de contredire notre quasi-contradicteur qui nous semble bien, au fond, être à peu près du même avis que nous. Ce qui subsiste évidem
ment, c’est qu’il y a eu des donjons carrés, et d’autres qui étaient ronds; ce qui n’offense personne. Il se pourrait bien qu’on en ait connu même de tronconiques, comme on nous l’affirme; à quoi nous ne voyons pas non plus le moindre inconvénient.
Quant au Hohkœnigsburg, il n’y a guère que l’architecte primitif ou ses successeurs directs qui pourraient nous ren
seigner à coup sur sur ce qu’il fut; mais ces uniques témoins resteront muets, selon toute probabilité.
En pareil cas, les juges les plus habiles se bornent à ne pas conclure; ce qui n’exige pas un grand effort de perspicacité.


BATIMENTS UNIVERSITAIRES D’ABERDEEN


(planche 89)
Il nous paraît intéressant de dire, aujourd’hui quelques mots sur une construction entièrement faite de granit, une des plus importantes et des plus bellesde ce genre; nous vou
lons parler des nouveaux bâtiments de Marischal College, dépendant de l’Université d’Aberdeen, en Ecosse. C’est M. A.
Marshall-Mackenzie, l’architecte bien connu à Londres et à Aberdeen, qui est l’auteur de cet élégant monument, dont
Marischal College. — Porte (l’entrée avec écussons.
nous avons la bonne fortune de pouvoir, dans ce numéro, publier quelques dessins.
La ville d’Aberdeen est située en plein centre granitique. Les carrières de Kemnay, qui se trouvent à environ 30 kilo
mètres de cette cité, ont fourni tous les matériaux nécessaires aux façades du monument dont il s’agit ici. Le granit de cette région, avec lequel sont bâties, en grande partie, toutes les maisons de la ville écossaise, est, comme ses semblables, une roche cristalline, d’origine ignée, composée d’un agrégat de grains de feldspath, de quartz et de mica ; mais il constitue une variété, un peu particulière, qui se différencie des autres à cause de sa couleur vert tendre avec des reflets, presque blanchâtres.
On sait que les différentes sortes de granit se remarquent au plus ou moins de grosseur du grain et à la couleur des élé
ments qui le composent. L’aspect, clair et brillant, de l’espèce
qui s’exploite à Kemnay, est dû à la grande proportion de mica entrant. dans la composition de cette roche. Ce granit est remarquablement dur, quoique cependant facile à sculpter pour qui sait le tailler, Aussi M. Carnegie — nous a-t-on dit — désire-t-il que, en raison de ses qualités, le granit d’Aberdeen soit employé dans certaines parties du palais delà Paix, à La Haye.
Les nouveaux bâtiments de Marischal College ont 135 mètres de façade et 24 mètres de hauteur. Notre figure 1 donne une idée de leur élégance et de leur originalité, autant que peut le permettre une photographie, prise dans de très mauvaises conditions, puisque le monument se trouve tout entouré de maisons. Cette importante construction a coûté plus de 5 millions de francs; son exécution a réclamé une période de 12 années.
M. Marshall-Mackenzie a étudié les dispositions intérieures, de manière à loger, dans la construction nouvelle, les services