4 Juillet 1908 LA CONSTRUCTION MODERNE
UN MUSÉE DANS UN SÉMINAIRE
Ce n est pas à notre époque que l’on songerait à loger un séminaire dans un musée; combinaison qui serait d’ailleurs d’une haute inconvenance.
Si les musées, même modernes, ne possédaient que des paysages ou des scènes bibliques, il n’y aurait encore qu’un médiocre inconvénient à loger de jeunes séminaristes au milieu de pareils chefs-d’œuvre. Mais la peinture actuelle représente parfois des scènes fort différentes qu’il est préférable de réserver pour des spectateurs moins scrupuleux.
En tout cas, nous ne sommes nullement exposés à de semblables inconvénients, puisque nous procédons à l’inverse, et plaçons maintenant les musées dans les séminaires.
C’est pourquoi le titre adopté par le Figaro est celui que nous adoptions en tète de cet article. Nos lecteurs ont com
pris qu’il s’agit du séminaire de Saint-Sulpice où va passer le Musée des Artistes vivants situé, jusqu’à ce jour, dans les serres du Luxembourg. — Celles-ci étaient jadis le pays « où fleurit l’oranger », elles sont pour l’instant le Temple ou le Dépôt de l’art contemporain.
Ce musée est dit : des artistes vivants, non pas parce qu on y expose les artistes eux-mêmes de leur vivant. Peut-être certains d’entre eux ne demanderaient-ils pas mieux; mais notre sage administration préfère ne mettre que les œuvres sous les yeux des visiteurs.
Seulement, il serait trop long d’inscrire sur un fronton : Musée des chefs-d œuvre modernes dus aux célèbres artistes fran
çais vivants; c’est pourquoi l’on se borne généralement au titre raccourci ci-dessus. A moins qu on ne dise simplement : Musée du Luxembourg.
Dorénavant, il faudra changer Cette étiquette et dire : Musée Saint-Sulpice; ce qui, dans les premiers temps, produira un effet plutôt bizarre ; mais on s’habitue à tout.
**
*
Tout ce préambule nous conduit à extraire du journal que nous citons de fort intéressants renseignements que lui communique M. René de Valfori.
Celui-ci eut audience de M. le Sous-Secrétaire d’État aux 23° Année N° 40
Beaux-Arts, et fut reçu d’une façon tout aimable, ce-qui ne pouvait l’étonner. De l’entretien il résulte que M. Dujardin
Beaumetz, qui voit venir l’heure de la Douloureuse, celle des crédits à demander, a voulu s’armer de toutes pièces. Aussi a-t-il demandé à l’habile architecte, M. Deruaz, un projet com
plet de transformation avec devis, etc. Il compte « saisir » sous peu le Parlement et instrumentera alors, projet en main; ledit projet ayant été « arrêté » d’un commun accord , entre l administrateur, l’architecte et M. Bénédite, conservateur du Musée.
Nous supplions nos lecteurs les plus malintentionnés de ne pas s’emparer de cette occasion fortuite pour faire re
marquer qu’un Parlement saisi, qu’un projet arrêté ont bien moins de chance que certains de nos malfaiteurs, inven
teurs, etc., etc.; et que ce n’est vraiment pas équitable. Cette
observation serait du plus mauvais goût et complètement absurde, par-dessus le marché.
Les déclarations deM. le Sous-Secrétaire d’État ont un intérêt bien supérieur : Nous aurons, a-t-il dit, un musée tout à fait moderne et qui ne coûtera au Trésor public qu’une bagatelle.
— La bagatelle est de 1.200.000 francs. Évidemment, c’est unesomme, mais il y en abien d’autres etdeplus importantes; comme il en est aussi de moins bien employées. D ailleurs, pour le musée de nos gloires contemporaines, ce n’est nullement exagéré. Car, enfin, il faut au moins les habiller convenablement.
L’architecte compte qu avant deux ans il aura pu accomplir la transformation, de fond en comble, qui est nécessaire pour faire d’un séminaire un temple de l’art français.
M. le ministre se rend si bien compte de l activité et de l’ingéniosité à dépenser, qu’il ajouta : « Je puis vous dire, tout d’abord, que l’architecte a réussi un joli tour de force.
Songez donc que du séminaire il ne garde, en somme, que la croûte. »
Nous supplions derechef les mômes personnes malintentionnées de ne pas demander si, conservant la croûte à l’ex
térieur, on aura soin de n’en pas loger d’autres à l intérieur ; — ce qui serait tout aussi absurde que ci-dessus.
*
La toiture actuelle est branlante, estime M. Dujardin-Beau
ACTUALITÉS
UN MUSÉE DANS UN SÉMINAIRE
Ce n est pas à notre époque que l’on songerait à loger un séminaire dans un musée; combinaison qui serait d’ailleurs d’une haute inconvenance.
Si les musées, même modernes, ne possédaient que des paysages ou des scènes bibliques, il n’y aurait encore qu’un médiocre inconvénient à loger de jeunes séminaristes au milieu de pareils chefs-d’œuvre. Mais la peinture actuelle représente parfois des scènes fort différentes qu’il est préférable de réserver pour des spectateurs moins scrupuleux.
En tout cas, nous ne sommes nullement exposés à de semblables inconvénients, puisque nous procédons à l’inverse, et plaçons maintenant les musées dans les séminaires.
C’est pourquoi le titre adopté par le Figaro est celui que nous adoptions en tète de cet article. Nos lecteurs ont com
pris qu’il s’agit du séminaire de Saint-Sulpice où va passer le Musée des Artistes vivants situé, jusqu’à ce jour, dans les serres du Luxembourg. — Celles-ci étaient jadis le pays « où fleurit l’oranger », elles sont pour l’instant le Temple ou le Dépôt de l’art contemporain.
Ce musée est dit : des artistes vivants, non pas parce qu on y expose les artistes eux-mêmes de leur vivant. Peut-être certains d’entre eux ne demanderaient-ils pas mieux; mais notre sage administration préfère ne mettre que les œuvres sous les yeux des visiteurs.
Seulement, il serait trop long d’inscrire sur un fronton : Musée des chefs-d œuvre modernes dus aux célèbres artistes fran
çais vivants; c’est pourquoi l’on se borne généralement au titre raccourci ci-dessus. A moins qu on ne dise simplement : Musée du Luxembourg.
Dorénavant, il faudra changer Cette étiquette et dire : Musée Saint-Sulpice; ce qui, dans les premiers temps, produira un effet plutôt bizarre ; mais on s’habitue à tout.
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Tout ce préambule nous conduit à extraire du journal que nous citons de fort intéressants renseignements que lui communique M. René de Valfori.
Celui-ci eut audience de M. le Sous-Secrétaire d’État aux 23° Année N° 40
Beaux-Arts, et fut reçu d’une façon tout aimable, ce-qui ne pouvait l’étonner. De l’entretien il résulte que M. Dujardin
Beaumetz, qui voit venir l’heure de la Douloureuse, celle des crédits à demander, a voulu s’armer de toutes pièces. Aussi a-t-il demandé à l’habile architecte, M. Deruaz, un projet com
plet de transformation avec devis, etc. Il compte « saisir » sous peu le Parlement et instrumentera alors, projet en main; ledit projet ayant été « arrêté » d’un commun accord , entre l administrateur, l’architecte et M. Bénédite, conservateur du Musée.
Nous supplions nos lecteurs les plus malintentionnés de ne pas s’emparer de cette occasion fortuite pour faire re
marquer qu’un Parlement saisi, qu’un projet arrêté ont bien moins de chance que certains de nos malfaiteurs, inven
teurs, etc., etc.; et que ce n’est vraiment pas équitable. Cette
observation serait du plus mauvais goût et complètement absurde, par-dessus le marché.
Les déclarations deM. le Sous-Secrétaire d’État ont un intérêt bien supérieur : Nous aurons, a-t-il dit, un musée tout à fait moderne et qui ne coûtera au Trésor public qu’une bagatelle.
— La bagatelle est de 1.200.000 francs. Évidemment, c’est unesomme, mais il y en abien d’autres etdeplus importantes; comme il en est aussi de moins bien employées. D ailleurs, pour le musée de nos gloires contemporaines, ce n’est nullement exagéré. Car, enfin, il faut au moins les habiller convenablement.
L’architecte compte qu avant deux ans il aura pu accomplir la transformation, de fond en comble, qui est nécessaire pour faire d’un séminaire un temple de l’art français.
M. le ministre se rend si bien compte de l activité et de l’ingéniosité à dépenser, qu’il ajouta : « Je puis vous dire, tout d’abord, que l’architecte a réussi un joli tour de force.
Songez donc que du séminaire il ne garde, en somme, que la croûte. »
Nous supplions derechef les mômes personnes malintentionnées de ne pas demander si, conservant la croûte à l’ex
térieur, on aura soin de n’en pas loger d’autres à l intérieur ; — ce qui serait tout aussi absurde que ci-dessus.
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La toiture actuelle est branlante, estime M. Dujardin-Beau