11 Juillet 1908LA CONSTRUCTION MODERNE
LES PERRAULT
Planche 103
Parmi les nombreux monuments cominémoralirs qu’on édifie chaque jour, figure celui de Charles Perrault qui, par la grâce aimable de sa composition, a séduit le public. Ne fût-ce qu’à cause des légendaires Coules de la mère L’Oye,
le nom de Perrault est connu de tout le monde; par là le monument qu on lui élève se justifie amplement; — ce qui n’est pas toujours le cas en matière commémorative.
Aux yeux de nos lecteurs,il aura encore ce mérite en quelque sorte auxiliaire, mais réel : tout d’abord, Charles était le frère de Claude Perrault qui, de savant médecin, devint un beau jour architecte et auteur delà célèbre colonnade du Louvre.
Pour expliquer cette transformation, subite en apparence, il faut rappeler que Claude avait dès longtemps étudié l’archi
tecture, par une sorte de passion innée en lui ; qu’il possédait ii tond les connaissances mécaniques de l’époque, ce qui le préparait à devenir bon constructeur; enfin que foute cette famille se composait d’hommes « idées, souvent fort utiles, en tout cas originales.
Laissant de côté les connaissances en anatomie et histoire naturelle de Claude, chez qui certains veulent voir l’un des fondateurs de l’Anatomie comparée, revenons à Charles qui n est pas une figure moins originale en son genre. Ceux qui voudront le bien connaître — et il en vaut la peine — trou
veront dans les Lundis de Sainte-Beuve deux études très complètes, établies d’après les Mémoires dePerraultlui-même.
Tout de suite, rappelons que Charles eut bien aussi quelque part dans la création de la colonnade, qui fut en son temps une véritable innovation :«La pensée du péristyle, a-t-il dit, esldémoi, et,l’ayant communiquée à mon frère, il l’approuva et la mit dans son dessin, mais en l’embellissant infiniment. » Les deux frères restèrent donc d’accord, se rendant justice l’un à l’autre, ce qui n est pas toujours le fait des collaborateurs, même fraternels. Cette bonne entente leur permit de l’empor
ter, dans cette sorte de concours ouvert alors pour le Louvre, 23° Année N° 41
sur l’illustre Cavalier Berniu qui était cependant un architecte de haute valeur, et très considéré en son temps.
Il ne serait pas mal aussi, ayantà signalerles originalités do cette, famille, de rappeler que Charles Perrault, jeune alors, avait commencé la traduction d un des chapitres de Y Enéide, en vers burlesques, par horreur de l enseignement officiel qu il lui avait fallu subir au vieux collège de Beauvais. Ce lut sous les ombrages du Luxembourg que son camarade Beaurain et lui commirent cet attentat.
Le produit de cette irrévérencieuse collaboration fut soumis, dès ses débuts, à Claude, le grave médecin-architecte, et à un autre Perrault encore qui fut un austère docteur en Sorbonne. Contrairement à ce qu’on pourrait attendre d’aussi sérieux personnages et d’une époque déjà si solennelle, — se tigure-t-on, — à partir de ce jour on se mil à quatre pour travestir Virgile lui-mème et le voyage d’Ënée aux enfers.
De là datent ces vers si souvent cités, et qu on attribue quelquefois, bien àtort,àScarron,où csl dépeinte l’Ombre d’un cocher
Qui, tenant l’Ombre d’une Brosse, Nettoyait l’Ombre d’un carrosse.
On ne saurait, même après la Belle Hélène, pousser aujourd hui l’irrévérence plus loin.
On s’amusait, de temps en temps, au xvir siècle; bien que l’opinion contraire soit assez répandue. ***
On pourrait maintenant rappeler que Charles Perraull eut, lui aussi, le goût de la bâtisse, qu il dirigea les travaux à Viry pour I habilalion qu’y faisait construire son frère l architecte;
puis qu il prit vigoureusement contre Boileau, qui ne voulait admirer, en littérature, que les Antiques, la défense des Modernes contrôles Anciens ; ce dont les modernes doivent bien lui savoir quelque gré;qu’à l’Académie,dont il fut membre, il inaugurales séances publiques, les discours de réception; qu’il préconisait hautement la réforme et l’unité des impôts telles


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