18 Juillet 1908 LA CONSTRUCTION MODERNE


ACTUALITÉS GRANDES OEUVRES, PETITES SALLES


QUESTION PENDANTE
Dans Comœdia, journal théâtral par excellence, son directeur,M.de Pawlowski, publiaitsous ce titre un article,évidem
ment humoristique, qui renferme cependant une bonne part de vérité. Celle-ci peut et doit intéresser les architectes : Il est, au théâtre, des proportions qu il convient de ne pas chercher à dépasser; on s’exposerait, en les dépassant, à des inconvénients de toutes sortes.
Voici, tout d’abord, comment l’article entend établir celte vérité, constatée pour maints exemples.
« Les professeurs de physique qui, durant des années, apprennent aux élèves des lycées l’étonnante façon dont on a rapproché deux murs des Arts et Métiers au moyen d’une toile d’araignée, et la façon non moins curieuse dont on a rendu l’acoustique suffisante au Trocadéro, par la simple interven
tion d’une barre de fer rouge plantée dans les murs, — à moins que ce ne soit le contraire, — feraient bien, je crois, d’étudier un peu, dans un intérêt commun, l’acoustique de nos théâtres et de nous donner, une fois pour toutes, les règles scientifiques qui doivent présider à leur construction. »
Évidemment, l’auteur sait bien que « c’est tout le contraire». Il force la note pour amuser ses lecteurs; car nul n’ignore que I on n’a jamais recouru aux araignées pour redresser des murs. Ceux du Conservatoire, qui titubaient, ont repris leur équilibre, grâce à des barrres de fer rougies, puis refroidies. Rendons à César ce qui lui appartient; aux araignées le don musical, ce qui suffit à leur amour-propre et comblera toutes les prétentions qu’elles pourraient avoir.
On n’a pas davantage inoculé au Trocadéro des barres de fer rouge, qui restent la propriété exclusive des grands ma
gasins du Conservatoire (Arts et Métiers ; rien du lyrique faubourg Poissonnière).
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Par contre, l équité exige que l’on restitue à la salle du Trocadéro les fils dont on parle, qui ne sont pas d’araignée, mais qui seraient plutôt de vers à soie, si nos souvenirs sont exacts.
Dans ce temps là, en effet, on avait affirmé qu à Saint-Paul de Londres, vaisseau des moins favorisés au point de vue acous
tique, on avait obtenu une amélioration stupéfiante entendant des fils de soie sous la voûte, au-dessus de la tête du prédicateur.
Peut-être a-t-on tenté, au Trocadéro, une expérience du mémo genre. C’est bien possible; en tout cas, ce qui [tarait plus certainement établi, c’est qu’on a réussi à améliorer un peu I acoustique défectueuse de la salle, en prenant le parti d’étouffer tous les échos au moyen de simples tentures.
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Sans attacher la moindre importance à ces rectifications qui ne seraient ici que de la pédanterie bien inutile, faisons re
marquer que la conclusion posée : nécessité d’établir, en acoustique- théâtrale, des règles scientifiques, — exprime un désir très légitime, mais irréalisable jusqu’à présent.
Les expériences qu’on avait préalablement tentées au Trocadéro, d’après des principes théoriques très rationnels, ont conduit à des résultats plutôt fâcheux.
La seule vérité qu’on puisse considérer comme bien établie semble être celle-ci : 11 ne faut pas chercher à utiliser la répercussion du son, les échos; ni s’amuser à calculer si, d après la vitesse connue du son, ces échos pourront renforcer le son initial, etc., etc., etc. La seule chose à faire, c est d’étouffer tout ce qui n est pas son direct.
Au point de vue « scientifique » la conclusion brille surtout par la modestie; mais cette qualité sied tout particulièrement à la science acoustique, au moins en matière théâtrale.
Charles Garnier, construisant l’Opéra, avait comparé un
grand nombre de salles existantes, leurs formes, leurs di