instant que ce savant célèbre ne portât couvre-chef lorsqu’il sortait dans la rue. Il a dû même en consommer un assez grand nombre dans le cours d’une existence qui fut su ffisamment longue.
Qu’est-ce donc qui prouve que celui du Muséum est précisément celui de la facture, et que ce n est pas un chapeau quel
conque de l’époque, puisque tout le monde portait alors des tromblons ?
On a, dit-on, un portrait où Cuvier est coiffé d’un chapeau de ce même genre. Et après ? Pourquoi le chapeau du portrait serait-il celui que possède le Muséum?
Ces deux preuves irréfragables ne sont pas des preuves. Elle ne sont ni convaincantes, ni définitives.
Et, comme il en est presque toujours ainsi des démonstrations fournies par l érudition, — que nous respectons d’ail
leurs infiniment, — nous aboutissons à cette conclusion qui va se dresser comme le serpent caché sous les ileurs, et qui est la morale de l’aventure : Ne jamais croire aveuglément aux dates des chef-d’œuvre, ni des couvre-chefs; à Taulhenticitédes attributions faites savamment à tel ou tel maître; pas plus qu’à la véracité parfaite des restitutions en tous genres!
Sur quoi nous n avons plus qu’à inviter nos lecteurs désireux de s’instruire à aller visiter «la relique qui est actuellement logée dans les réserves du Jardin des Plantes affectées aux petits souvenirs historiques ».
Parce qu’il n’y a, dit-on, que la foi qui sauve.
P. PLANAT.


L’APPRENTISSAGE


Nos législateurs ont édicté, coup sur coup, des lois dont, le principe est excellent, humanitaire au plus haut degré, et dont l’application a cependant engendré des conséquences regrettables. Il est fâcheux qu’ils n aient pas suffisamment cherché à se rendre compte du contre-coup que ces brusques mesures pouvaient produire.
11 n’y a pas longtemps, M. Sartiaux, de la Compagnie du Nord, faisait remarquer que, trop souvent, les décisions prises sont en complète contradiction les unes avec les autres; contradiction qu’un examen un peu attentif aurait dû éviter.
C’est ainsi qu on exige à la fois, et du jour au lendemain, une très grande rapidité des transports, un parfait confortable dans le matériel, le paiement d’indemnités très élevées pour retards, avaries; et, en même temps, un notable abaisse
ment du prix des transports, la création immédiate de voies nouvelles et improductives, l’augmentation du nombre des trains et des agents mieux rémunérés, etc., etc.
Chacune de ces réformes est désirable en soi, nul n’v contredit; elles ne seront réalisables que l’une après l’autre, à mesure que le permettra un accroissement sensible du trafic. Mais ce sont des considérations devant lesquelles nos Chambres ne s’arrêtent guère.
Dans un récent congrès, M. Henrot rappelait, une fois de plus, les conséquences parfois funestes qu’ont eues les diverses lois protectrices du travail qu ont élaborées nos législateurs sans mieux se rendre compte de l’effet qu’elles allaient produire. Nos lecteurs ont déjà pu constater que cet effet est sensible et malheureux; que, sur la jeunesse ouvrière notamment, il a eu pour conséquence une véritable démora
lisation que constatent les statistiques d’après le nombre croissant des délinquants âgés de seize à vingt ans :
1850 : 13.900 1870 : 19.500 1880 : 23.300 1900 : 30.100 1905: 31.400
Le progrès est appréciable, et d’autant plus regrettable.
De divers côtés on cherche des remèdes; il en a été signalé plusieurs ici même, plus ou moins efficaces. Ceux que proposait M. Henrot sont les suivants :
1° Assurer le développement intellectuel et moral de tous les enfants de treize à dix-huit ans; ils sont par trop livrés à eux-mêmes ;
2° Multiplier les écoles professionnelles de toute sorte ; 3° Créer des caisses d’apprentissage;
4° Créer des ateliers d’assistance par le travail dans les centres ouvriers, ouverts à tous et imposés aux vagabonds.
* * *
A Tourcoing le Syndicat des Entrepreneurs a dû, à son tour, examiner la même question qui, pour le monde du Bâtiment, est d’importance extrême. La réorganisation de l’apprentissage qui disparaît de plus en plus devait tout particulière
ment attirer son attention. Les causes de cette disparition pa
raissent être principalement, au dire du rapporteur, M. Burms- Demay : la loi du 30 mars 1900 et la mauvaise composition des
programmes d études dans les écoles primaires qui semblent avoir pour mission de former des diplômés, mais non des ouvriers.
C’est en effet l’un des péchés mignons que l’on peut reprocher à l’Instruction publique qui, en toute bonne loi, se croit destinée surtout à engendrer des lettrés (plus ou moins ignorants de tout le reste), quelle que soit la classe sociale à la
quelle appartiennent ses élèves. Nul ne s’oppose à ce qu’un élève particulièrement doué soit encouragé et soutenu dans la
voie qui le conduira à des études supérieures. Le tort est de faire, de ce qui n est et ne peut être qu’une exception, une règle générale. M. Burms-Demay n’avait donc pas tort de cons
tater une fois de plus cette erreur, parfois reprochée à l’Université.
Une autre erreur aurait été commise par ceux mêmes qui cherchaient le remède aux maux actuels : celle de croire à l’efficacité certaine d une règle uniforme, s’étendant à toutes
les régions, quelles que soient les diversités de leurs besoins comme de leurs ressources. C’est là une faute que commet assez volontiers, en effet, l’esprit français : la simplicité est bonne; mais trop n’en faut, comme dit le proverbe des bonnes gens.
Or, dit le rapporteur, « telle mesure qui dans l’espèce rendrait, les plus grands services à la région du Nord, deviendrait inutile et parfois même dangereuse pour les départements du Centre et du Midi ».
Mieux vaut le régime de la liberté, selon M. Burms-Demav. «Il faut, ajoute-il, une organisation spéciale, non seulement pour chaque région,mais pour chaque ville;et c’est ici qu ap
paraît, bien nettement défini, le rôle actif de nos chambres syndicales patronales. »
Aussi le syndicat de Tourcoing, sans prétendre légiférer pour la France entière, se borne-t-il à rechercher les moyens qu’il conviendrait d’adopter dans sa région, laissant à chacune des autres le soin d’en faire autant de son côté.