22 OCTOBRE 1904
LA CONSTRUCTION MODERNE


ACTUALITÉS


LA CONCURRENCE
Lu profession d’architccto est libre; et, jusqu à ce que la loi en. ait décidé autrement, chacun a le droit do faire œuvre d’architecte à ses risques et périls, moyennant la responsabilité légale ; aux risques et périls du client également.
Il n’y a pas à discuter sur ce principo tant qu’il subsiste à- l’état d’article de loi ; il y a toujours eu, et il est d’une grande
probabilité qu’il y aura toujours, sous- quelque régime que ce soit, d’habiles architectes et d’autres qui le seront beaucoup moins. Ces distinctions existent dans toutes les profes
sions. Partout il y a des hommes habiles et consciencieux, quelle que soit leur origine, et d’autres qui ne lo sont pas autant.
Quand on raisonne ainsi d’une manière toute générale, il ne peut guère se produire de bien graves divergences d’opinions ; mais lorsqu’on entre dans l’examen des faits journaliers, dans les complications de la réalité, les difficultés d’appréciation commencent ; et l’on est bien obligé alors de juger chaque espèce, comme disent les avocats, d’après les circonstances particulières.
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Dans le Bulletin de l’Association provinciale où l’on rencontre souvent d’excellentes choses à glaner, nous trouvons un rapport, signé de M. Moreau, où est examinée cette question évidemment très délicate: L’ingérence des agents des Ponts et Chaussées dans les travaux d’architecture ».
Dans co mémoire très étudié, dont le langage reste toujours modéré comme il convient lorsqu’on défend contre autrui les intérêts professionnels, le rapporteur a soin do s’appuyer sur des faits nombreux. C’est un genre d’argumentation toujours plus probant que de simples récriminations.
Lo mémoire mériterait assurément qu’on lui fit de très larges emprunts; nous regrettons de ne pouvoir le faire ici; mais nous essaierons d’extraire au moins les passages les plus probants et qui permettent de poser quelques conclusions précises.
M. Moreau rappelle donc, en toute impartialité, que si les architectes ont dû s’imposer de longues et coûteuses études pour exercer honorablement leur profession ; que, s’ils ont à lutter péniblement, le plus souvent, pour créer la situation à laquelle ils ont droit, il est également vrai que les fonctionnaires des Ponts et Chaussées, de tous grades, ont ou égale
ment à poursuivre de longues et pénibles éludes, et que leur expérience ne s’est pas acquise en un jour.
Seulement, ajoute le rapporteur en établissant dès Pabord une distinction radicale:
o Les uns paient une lourde patente et sont astreints à une chargeencoreplus lourde, celle de la respons & bilitédécennalc;
« Les autres ont, comme compensation, une situation bien acquise (les ingénieurs particulièrement), des appointements
annuels et une retraite. Ils ne paient pas de patente, n’ont pas de frais généraux, ont un personnel qui no leur coûte
rien et ils n’encourent aucune responsabilité pour les travaux qu’ils exécutent. »
Si, pour les travaux départementaux notamment, la concurrence devait donc s’établir, avec autorisation supérieure,
entre les architectes elles ingénieurs de l’État, on voit déjà assez clairemen t qu’elle ne s’exercerait pas dans des conditions égales, puisque l’État lui-même fournirait aux uns, et à ses propres frais, des moyens d’action que les autres songeraient bien inutilement à réclamer de lui.
Or, dans toutes les professions libres, la libre concurrence est assurée à tous par les lois et par l Etat, et le premier devoir de celui-ci est de n’intervenir en faveur d’aucune des
2e Série, 10e Année. № 4.
XXe Année de la Collection.