pris, elles ont leur mérite, leur intérêt, et jusqu’à leur charme.
Ce charme, ajoute-t-il, que M. Hallays éprouve si vivement, ne provient-il pas souvent de ces transformations dans lesquelles chaque époque à laissé son empreinte? Et il fau
drait arrêter brusquement tout cela ! C’est matériellement impossible, à moins de ne vouloir garder, au bout de peu de temps, qu’une collection de ruines pittoresques.
D’où nous concluons ici qu’il faut commencer par laisser les restes du passé tels qu’il nous les a laissés; et qu’ensuite notre seule mission est de les transmettre à l’avenir, tels que nous les avons reçus, en soignant, guérissant le mieux possible, et n’arrachant pas.
Quanta les laisser à l’abandon, purement et simplement, comme recommandait M. Hallays l’autre jour, en un moment d’exagération quelque peu paradoxale, ce serait, par respect du passé, l’enterrer à brève échéance.
*
« J ouvre le Dictionnaire raisonné de Varchitecture française et je lis :
« Restauration . — Le mot et la chose sont modernes. Restaurer un édifice n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire; c’est le rétablir dans un étal complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. »
C’est donc contre ce genre de restauration, si explicitement défini, que regimbait M. Hallays ; et c’est lui seulement qu’il affirmait être une vériLable destruction des édifices.
Sur ce terrain, nous le disions, on pourra finalement s’entendre. On peut et on doit garder un profond respect pour l’œuvre considérable de Viollct-le-Duc, en reconnaître tous les mérites, se laisser séduire par son rare talent de polé
miste et de dessinateur. On n’est pas pour cela obligé d’adopter, toujours et aveuglément, sa manière de voir.
Dans le cas présent, qu’est-ce qui nous autoriserait, même avec toute l’érudition de bon aloi dont Viollet-le-Duc fut un des plus ardents défenseurs, qu’est-ce qui nous autoriserait à reconstituer l’ensemble d’un édifice, non pas tel qu’il était, puisqu’il n’a jamais existé, mais tel qu’il aurait dû être?
Tel qu’il aurait dû être... à notre avis! Mais qui nous prouvera que notre conception, malgré tous nos elïorts pour nous replacer au xiiie ou au xive siècle, est bien celle qu’au
rait réalisée un architecte de cette époque, chez [lequel tout était si dissemblable : idées , éducation , mœurs , tradition, etc., etc. ?
C’est donc substituer une hypothèse fort problématique et aventurée à la réalité qui subsistait et qui, seule, pouvait avoir le mérite de l’authenticité.
C’est aussi, par amour de l unité archéologique, commencer par détruire [la majeure partie de ce qui existe pour mieux reconstituer ce qui n’a jamais existé.
Aussi M. Hallays conclut-il : C’est dans ce sens que je prenais le mot restauration ; j acceptais la définition formelle et absolue de Viollet-le-Duc; et c’est dans ce sens que mon axiome, aujourd’hui contesté, n’était nullement un paradoxe.
Sachons reconnaître que cette justification a sa valeur.
Mais, ceci reconnu, l’axiome : Restauration est destruction, qui pouvait être justement applicable à une époque de restitution à outrance, doit-il être appliqué à une époque beaucoup plus discrète et modérée, comme la nôtre ?
Nous ne voyons pas qu’aujourd’hui les architectes soient le moins du monde prêts à proposer ces restitutions totales et toutes théoriques, si fort à la mode jadis ; ni que les Monu
ments historiques, pas plus que les Edifices diocésains, soient disposés à les autoriser.
La conclusion très nette à laquelle tout le monde s’arrête maintenant, — et M. Hallays lui-même, — est celle que formulait très exactement l’architecte en répondant à celui-ci:
« Ce qu’il faut, c’est que public et architectes se rendent compte que restaurer un monument ne peut et ne doit être que conserver et mettre en valeur toutes ses parties; qu’une réfection partielle n’est admissible que lorsqu’elle est indispensable; que les générations futures nous seront recon
naissantes de chaque pierre qui leur sera transmise intacte, et ne nous sauront aucun gré de nos restaurations plus ou moins savantes ; enfin et surtout que l’architecte auquel on confie un monument se rende compte de sa lourde respon
La règle est très claire, très nettement exposée par l’architecte correspondant; il n’avait aucun besoin de s’excuser, au début, en disant : Si je savais écrire et si j’avais l’hon
neur de connaître M. Hallays, je lui dirais... je lui dirais tout ce que j’ai écrit.
Le vieil axiome de Boileau est toujours vrai, bien qu’il ait été répété un nombre incalculable de fois : ce que l’on
conçoit bien s’exprime clairement. L’architecte savait exactement ce qu’il voulait dire, et il est arrivé qu’il l’a exprimé très clairement, et de manière à donner toute satisfaction au vénérable Nicolas lui-même.
Seul, ce petit membre de phrase : « On doit conserver et mettre en valeur toutes les parties de l’édifice», a mis en quelque éveil l’humeur critique deM. Hallays, successeur de Boileau. (C’est un bel héritage, et M. Hallays ne peut que nous savoir gré de le lui attribuer).
Il n’a pas tort en la circonstance. On ne doit pas, en effet, pousser trop loin le zèle le mieux intentionné. Laissons les édifices anciens, ou ce qu’il en reste, se mettre eux-mêmes en valeur, c’est le plus sage, nous n’avons pas mission de leur
* *
Sauf nuances secondaires, voici donc tout le monde mis d’accord, au moins sur ce principe désormais bien établi et qui sera désormais la règle générale pour tous les architectes: Ne restituez jamais, restaurez peu, et bornez-vous à consolider le mieux possible.
Mais voici que. dans l’application du principe posé, M. Hallays fait surgir de nouvelles difficultés qui vont, certainement, susciter de nouvelles discussions.
Reprenant une idée qui fut déjà exposée au Congrès de Madrid, nous semble-t-il, il classe en deux catégories distinctes les édifices anciens :
L édifice mort, celui qui n’a plus de destination, et n’a
Ce charme, ajoute-t-il, que M. Hallays éprouve si vivement, ne provient-il pas souvent de ces transformations dans lesquelles chaque époque à laissé son empreinte? Et il fau
drait arrêter brusquement tout cela ! C’est matériellement impossible, à moins de ne vouloir garder, au bout de peu de temps, qu’une collection de ruines pittoresques.
D’où nous concluons ici qu’il faut commencer par laisser les restes du passé tels qu’il nous les a laissés; et qu’ensuite notre seule mission est de les transmettre à l’avenir, tels que nous les avons reçus, en soignant, guérissant le mieux possible, et n’arrachant pas.
Quanta les laisser à l’abandon, purement et simplement, comme recommandait M. Hallays l’autre jour, en un moment d’exagération quelque peu paradoxale, ce serait, par respect du passé, l’enterrer à brève échéance.
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A quoi le critique des Débats répond par cette riposte :
« J ouvre le Dictionnaire raisonné de Varchitecture française et je lis :
« Restauration . — Le mot et la chose sont modernes. Restaurer un édifice n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire; c’est le rétablir dans un étal complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné. »
C’est donc contre ce genre de restauration, si explicitement défini, que regimbait M. Hallays ; et c’est lui seulement qu’il affirmait être une vériLable destruction des édifices.
Sur ce terrain, nous le disions, on pourra finalement s’entendre. On peut et on doit garder un profond respect pour l’œuvre considérable de Viollct-le-Duc, en reconnaître tous les mérites, se laisser séduire par son rare talent de polé
miste et de dessinateur. On n’est pas pour cela obligé d’adopter, toujours et aveuglément, sa manière de voir.
Dans le cas présent, qu’est-ce qui nous autoriserait, même avec toute l’érudition de bon aloi dont Viollet-le-Duc fut un des plus ardents défenseurs, qu’est-ce qui nous autoriserait à reconstituer l’ensemble d’un édifice, non pas tel qu’il était, puisqu’il n’a jamais existé, mais tel qu’il aurait dû être?
Tel qu’il aurait dû être... à notre avis! Mais qui nous prouvera que notre conception, malgré tous nos elïorts pour nous replacer au xiiie ou au xive siècle, est bien celle qu’au
rait réalisée un architecte de cette époque, chez [lequel tout était si dissemblable : idées , éducation , mœurs , tradition, etc., etc. ?
C’est donc substituer une hypothèse fort problématique et aventurée à la réalité qui subsistait et qui, seule, pouvait avoir le mérite de l’authenticité.
C’est aussi, par amour de l unité archéologique, commencer par détruire [la majeure partie de ce qui existe pour mieux reconstituer ce qui n’a jamais existé.
*
* *
Aussi M. Hallays conclut-il : C’est dans ce sens que je prenais le mot restauration ; j acceptais la définition formelle et absolue de Viollet-le-Duc; et c’est dans ce sens que mon axiome, aujourd’hui contesté, n’était nullement un paradoxe.
Sachons reconnaître que cette justification a sa valeur.
Mais, ceci reconnu, l’axiome : Restauration est destruction, qui pouvait être justement applicable à une époque de restitution à outrance, doit-il être appliqué à une époque beaucoup plus discrète et modérée, comme la nôtre ?
Nous ne voyons pas qu’aujourd’hui les architectes soient le moins du monde prêts à proposer ces restitutions totales et toutes théoriques, si fort à la mode jadis ; ni que les Monu
ments historiques, pas plus que les Edifices diocésains, soient disposés à les autoriser.
La conclusion très nette à laquelle tout le monde s’arrête maintenant, — et M. Hallays lui-même, — est celle que formulait très exactement l’architecte en répondant à celui-ci:
« Ce qu’il faut, c’est que public et architectes se rendent compte que restaurer un monument ne peut et ne doit être que conserver et mettre en valeur toutes ses parties; qu’une réfection partielle n’est admissible que lorsqu’elle est indispensable; que les générations futures nous seront recon
naissantes de chaque pierre qui leur sera transmise intacte, et ne nous sauront aucun gré de nos restaurations plus ou moins savantes ; enfin et surtout que l’architecte auquel on confie un monument se rende compte de sa lourde respon
sabilité, se rende compte qu’on lui confie, pour le conserver, un morceau du patrimoine national. »
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La règle est très claire, très nettement exposée par l’architecte correspondant; il n’avait aucun besoin de s’excuser, au début, en disant : Si je savais écrire et si j’avais l’hon
neur de connaître M. Hallays, je lui dirais... je lui dirais tout ce que j’ai écrit.
Le vieil axiome de Boileau est toujours vrai, bien qu’il ait été répété un nombre incalculable de fois : ce que l’on
conçoit bien s’exprime clairement. L’architecte savait exactement ce qu’il voulait dire, et il est arrivé qu’il l’a exprimé très clairement, et de manière à donner toute satisfaction au vénérable Nicolas lui-même.
Seul, ce petit membre de phrase : « On doit conserver et mettre en valeur toutes les parties de l’édifice», a mis en quelque éveil l’humeur critique deM. Hallays, successeur de Boileau. (C’est un bel héritage, et M. Hallays ne peut que nous savoir gré de le lui attribuer).
Il n’a pas tort en la circonstance. On ne doit pas, en effet, pousser trop loin le zèle le mieux intentionné. Laissons les édifices anciens, ou ce qu’il en reste, se mettre eux-mêmes en valeur, c’est le plus sage, nous n’avons pas mission de leur
ajouter la moindre grâce nouvelle. *
* *
Sauf nuances secondaires, voici donc tout le monde mis d’accord, au moins sur ce principe désormais bien établi et qui sera désormais la règle générale pour tous les architectes: Ne restituez jamais, restaurez peu, et bornez-vous à consolider le mieux possible.
Mais voici que. dans l’application du principe posé, M. Hallays fait surgir de nouvelles difficultés qui vont, certainement, susciter de nouvelles discussions.
Reprenant une idée qui fut déjà exposée au Congrès de Madrid, nous semble-t-il, il classe en deux catégories distinctes les édifices anciens :
L édifice mort, celui qui n’a plus de destination, et n’a