être. Car peu de monumenls d’importance furent achevés au cours d’un même siècle. Chaque âge apportait des addi
tions et des modifications dont la diversité n’excluait pas le
charme, et telles stalles de chœur placées à la renaissance dans une cathédrale médiévale, offraient un intérêt artistique plus grand que le mobilier en simili-gothique qui leur fut substitué.
Ce sont là des erreurs dont on est revenu aujourd’hui, et nous ne doutons pas que, dans sa restauration du Palais de Poitiers, M. Magne n’ait porté une main prudente et respectueuse sur ce vénérable débris du passé.
« La demeure de Jean de France, duc de Berri, transformée en Palais de Justice, s’en allait mourante, faute desoins. Des constructions parasites étouffaient et déshonoraient l’illus
tre édifice. Au cul-de-sac créé entre les bâtiments de la Cour d’assises et le donjon, un dépôt d’immondices s’élevait à plus d’un mètre de hauteur. Depuis 1845, on cherchait en vain à exproprier les quelques maisons particulières attachées au Palais comme des verrues. Mérimée avait étudié la question
dans un rapport, qui dormait au fond d’un carton. De temps à autre, on poussait un cri d’alarme, on émettait un vœu, on notait une résolution platonique, et les choses demeuraient telles quelles. »
C’est généralement ainsi que les choses se passent, et la solution favorable n’intervient que si un homme y met la ténacité nécessaire, et prend l’affaire enmain, commesienne.
C’est ce qui est arrivé à Poitiers, grâce à la persévérance de l’inspecteur général des monuments historiques. Le livre de M. Magne, sous prétexte de publier des documents adminis
tratifs, retrace tout un chapitre de l’histoire de l’art au moyenâge. Il nous dit la carrière et nous restitue la physionomie professionnelle de Guy de Dammartin qui fut l’architecte attitré de Jean-de-Berri, Ce maître d’œuvre avait travaillé
au Louvre de Charles V, puis à divers palais et châteauxtels que ceux de Bicêtre et de Mehun-sur-Yèvre.
A Poitiers le duc lui confia de nombreux travaux.
« Par essence et par définition, l’architecte chérit le client prodigue. C’est un état d’âme bien naturel ; j’ignore pour
quoi il est difficile de le faire comprendre à la Commission du Budget. » On devine les luttes qu’eut à soutenir le direc
teur des Beaux-Arts lorsqu’il demandait pour nos artistes des crédits qu’on lui marchandait parcimonieusement !
Il paraît que le duc de Berri ne faisait jamais d’objections financières. Il est vrai qu’à cette époque les hauts et puis
sants seigneurs avaient une méthode de faire rentrer l’ar
gent qui ne leur coûtait pas beaucoup de peine. Ils avaient également une manière de monter leurs collections d objets d’art qui ne devait pas être banale. « Le duc Jean était né marchand de curiosités, tel qu’on le voit sur une miniature
des Heures de Chantilly, avec sa grosse face de jouisseur madré; ce dut être une bonne canaille d’amateur de bibelots, chapardeur et gai vivant. Il ne regardait pas à la dépense,
ayant peu de scrupule et beaucoup de territoires. Quel patron pour un architecte à idées ! »
M. Roujon ne voit que le côté brillant de la profession au moyen-age. Il oublie volontairement le revers de la mé
daille ; si l’architecte avait cessé de plaire, qu’en fût-il advenu ? Peut-être eût-il fait connaissance avec les oubliettes dont il ne manquait pas de munir les palais et châteaux de son noble patron? Un véritable artiste ne s’inquiète pas,


dira-t-on, de ces mesquines considérations, lorsqu il rêve de travaux grandioses.


Malheureusement, aujourd’hui, conclut le spirituel critique, ce sontles ducs de Berri qui font défaut. La haute finance, voilà tout ce qui nous reste du Mécénat.
E. Rumler.
Maison maternelle, rue Manin, à Paris. — Architectes : MM. Jandelle et Hommet. — Dépendances.