12 NOVEMBRE 1904LA CONSTRUCTION MODERNE


ACTUALITÉS


ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS
L’Académie vient de tenir sa séance publique ; elle offre annuellement à ses invités l’audition d’une symphonie com
posée par un pensionnaire de Rome. Après quoi elle continue à charmer les oreilles des auditeurs par quelques discours de circonstance. C’est un concert instrumental d’abord, oral ensuite.
Cette année, M. Pascal fut chargé d’inaugurer la partie orale; puis M. Roujon, secrétaire de l’Académie après avoir été directeur de tous les Beaux-Arts, prononça l’éloge de Larroumet, son prédécesseur dans celte double fonction.
On peut regretter que M. Roujon ne soit plus à la tête des arts presque innombrables qu il avait mission de diriger; mais nous trouvons tous une fort agréable compensation à lire les articles que quelques loisirs actuels lui permet
tent d’écrire en divers journaux et les discours que ses fonctions académiques l’invitent à prononcer.
L’éloge de Larroumet, qu’avait beaucoup connu M. Roujon, et qui est d’ailleurs une figure des plus sympathiques et des plus originales, est un excellent morceau du genre. Ce genre est parfois conventionnel, et il est assez rare que ces oraisons funèbres fassent oublier Bossuet et Mascaron.
L’orateur s’est, au contraire, borné à tracer un portrait vrai, vivant, d’un homme de valeur dont la carrière fut singuliè
rement accidentée, et par conséquent intéressante, il ne pouvait mieux faire, et l’on ne saurait faire mieux.
*
* *
M. Pascal avait, tout d’abord, à prononcer l’élogede Corroyer qui fut membre libre do l’Académie. Il s’en est acquitté
avec un tact parfait, rendant pleine justice à l’homme et à l’architecte.
Puis, ayant à parler de Gérôme qui fut, lui aussi, une figure aimable et originale, M. Pascal s’est hardiment lancé dans des considérations générales qui ne manquent pas
d’actualité. A vrai dire, c’est de l’actualité perpétuelle; car l’enseignement académique de Rome est un sujet sans cesse
débattu : attaques acharnées d’un côté; héroïque défense de l’autre.
L’Ecole de Rome, a dit M. Pascal, ne doit pas être considérée comme un but, mais comme le moyen, pour les jeunes artistes de tous ordres, de poursuivre l’éclosion et le perfec
tionnement de leur talent « dans la liberté de leur choix, loin du foyer parisien et de ses séductions facilement épuisantes et corruptrices .
Puisque M. Pascal l’affirme, nous ne saurions contester que le séjour de Rome n’offre pas les mêmes ressources de séductions corruptrices que Paris. Cela est bien possible,
quoique la jeunesse, en ses ardeurs, trouve généralement, et assez facilement, le moyen de se laisser un peu partout séduire et entraîner. Mais, puisqu’elle ne rencontre là-bas que les occasions de prouver son exemplaire sagesse, on ne peut que féliciter Rome et ses pensionnaires.
La contemplation des ruines augustes et le recueillement dans d’admirables musées suffisent donc à calmer desardeurs trop vives qui ne se dépensent plus qu’au profit de l’art. N’y
eût-il que celle raison-là, elle suffirait amplement à justifier l’institution séculaire.
*
# *
L’autre jour, M. Guillaume insistait sur l’entière liberté qui est laissée aux jeunes pensionnaires. M. Pascal, de son côté, insiste sur la liberté de leur choix, qui leur est entièrement accordée.
Il en faut conclure que la nécessité d’une raisonnable liberté est effectivement reconnue par l’Académie elle-même; la déclaration publiquement faite par M. Pascal, avec l’autorité qui lui appartient, nous en est une ferme assurance.
il va de soi que personne ne réclame une licence effrénée, qui ne convient nullement à de jeunes esprits; mais aujourd’hui une rigueur trop formaliste n’obtiendrait plus l’assentiment général. L’Académie ne l’ignore certainement pas.
Composée, comme elle l’est, d’hommes éminents par leur talent, leur autorité, leur expérience de la vie, leur connaissance des hommes, et naturellement bienveillants pour la
2e Série. 10e Année. No 7.
XXe Année de la Collection.