a pas grand intérêt à lui accorder ou à lui refuser un droit qu’il serait hors d’état d exercer.
Que les « personnalités distinguées » en pensent ce qu’elles voudront, qu’elles reconnaissent ou ne reconnaissent pas ce droit tout platonique, l’Etat aurait bien tort de s’en réjouir ou do s’en affecter : le monde n’en continuera pas moins à tourner dans le même sens.
Il nous paraît tout aussi inutile de se demander si l’État est autorisé à réprimer la moindre tendance esthétique. Les
lois n’y peuvent rien, ni les Arrêtés ni les Règlements; les gendarmes non plus. Les hommes politiques, notamment,
feront bien de ne pas fatiguer leur intellect à résoudre cette question judiciaire.
Mais, nous dit-on, l’État « monopolise » l’enseignement des Beaux-Arts. Jusqu’à présent nous no voyons pas — en ce qui concerne les Beaux-Arts — que l’Etat ait fait fermer un seul atelier, ni interdit à un seul citoyen d enseigner les arts de la manière qui lui convient, à son domicile personnel ou dans une salle quelconque.
Alors où est le monopole? Il peut exister ou commencer à exister pour d’autres enseignements, et l’on peut approu
ver ou blâmer. Mais chacun ne peut-il pas apprendre la peinture, la gravure, l’architecture ou la musique chez tel maître qu’il préfère aux maîtres officiels?
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La seconde question est beaucoup plus générale :
« 2° Quelles sont, selon vous, les conditions sociales les plus favorables au développement des arts?
« Etes-vous partisan du régime d’autorité ou du régime de liberté? »
Nos lecteurs penseront comme nous que cette question ainsi posée aurait eu besoin d’un commentaire. Qu’est-ce que la Revue des arts de la vie entend par conditions sociales propres à développer un art, ou deux arts, ou un plus grand nombre d’arts, séparément ou à la fois ?
Demande-t-elle par là si l’état de boulanger est plus favorable que celui de ferblantier à l’éclosion d’un sculpteur? Evidemment non.
11 est donc probable qu’elle entend parler du régime politique. Mais alors, comme il est bien avéré qu’il y a eu, de tous temps, des républiques aussi favorisées que les monar
chies en ce qui louche aux arts, et des monarchies tout aussi florissantes que les démocraties sous ce rapport, les personnes interrogées ont dû se livrer à de bien profondes méditations pour dégager une conclusion théorique que l’histoire no nous enseigne pas le moins du monde.
A moins que nous ne nous trompions du tout au tout sur les véritables intentions des A ris dans la vie; ce qui est bien possible après tout.
Quant au régime de liberté ou d’autorité, il no doit pas y avoir de politique là-dessous. Le questionnaire doit viser simplement et soigneusement la liberté dans l’art, mais avec intention d’abattre l’autorité du même coup.
Gomme nous persistons à croire que les artistes ne sont nullement exposés à expier leurs « tendances artis
tiques » sur la paille, sèche ou humide, des cachols « du Prince », nous persistons aussi à croire que chacun est bien
libre de se rallier aux sentiments de l’Académie — car c’est elle certainement dont ôn no veut plus porter les fers; -— libre aussi bien de se révolter contre elle. Beaucoup d’ar
tistes ne s’en sont guère privés, et cela no leur a déjà pas si mal réussi.
Alors? — Alors, régime d’autorité ou de liberté, nous recommandons à chacun de faire comme le Héron de la fable, qui vivait de régime choisi par lui et mangeait à ses heures.
L’Académie n’enverra certainement pas ses huissiers pour déranger ces heures.
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« 3o En tous cas, verriez-vous un inconvénient quelconque à ce que le budget des beaux-arts fût supprimé? »
« En tous cas » nous charme. Cette expression désinvolte nous rappelle la pensée maîtresse du colonel de Champignol,
et celle do tel général fameux qui, l’un et l’autre, ne cessaient de répéter : « Ça n’a d’ailleurs aucune importance ! »
Effectivement, nous croyons bien qu’au fond, tout ce dont on vient de parler : liberté, autorité, tendances esthétiques et conceptions d’art, à réprimer ou à cultiver, tout cela ne sera que questions assez secondaires aux yeux de bien des lecteurs des Arts vitaux. Pour eux la réalité intéressante ne serait-elle pas plutôt celle-ci : L’Etat doit-il continuer ou cesser d’acheter les œuvres des artistes?
Voilà probablement la grosse quoslion. Inutile d’ajouter que tout ce qui émarge ou espère émarger n’a qu’une opi
nion — opinion unanime, — c’est que l’Etat manquerait à tous ses devoirs s’il n’achetait plus.
D’ajouter aussi que tous ceux qui n’ont pas espoir de recueillir quelque encouragement de ce genre pour leurs propres « tendances artistiques », déclarent catégorique
ment que ce même Etat commet le plus criant abus en leur refusant ses commandes et en les déversant sur d’autres têtes.
Les Arts de la Vie ont donc pêché par quelque naïveté en posant cette question dont la réponse était trop connue à l’avance.
Il est vrai que, recherchant l’impartialité. ils demandaient aussi l’opinion des hommes de lettres et des hommes politiques; mais cette opinion est tout naturellement celle du camp artistique que fréquentent ces personnalités auto
risées. Elle était tout aussi facile à prévoir, et il n’était pas bien nécessaire d’ouvrir une enquête pour connaître d’a­ vance la réponse.
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Les réponses furent nombreuses. Toutes s’accordent à dire qu’il faut pleine liberté à l’Art; comme personne ne le conteste, tout le monde est d’accord sur ce premier point.
Mais si les uns veulent que l’État, tout en laissant l’Art libre de ses mouvements, continue à le « protéger », les
autres ne veulent pas de protection du tout, principalement pour les autres. De là deux camps adverses.
Bornons-nous à citer les oui et les non:
— Pour M. Eug. Carrière, peintre, le prix de Rome est l’institution, dans l’art, du célibat claustral. Ni plus ni moins. Les prix de Rome no fonl pas do petits.
— M. G. Benoît estime que le budget artistique est à la
disposition des intérêts politiques et alimente les médio