17 DÉCEMBRE 1904
LA CO INSTRUCTION MODERNE
STATUES NOUVELLES
Le Conseil municipal de Paris a parfois d’excellentes idées, et il est bien juste qu’on lui en sache quelque gré. C’est de la reconnaissance qu’il faut mettre en réserve pour la déverser, les jours où le même Conseil a des idées d’une oppor
tunité plus contestable. Ainsi s’établira une moyenne, un courant régulier qui seront tout à fait satisfaisants.
Cette semaine, nos vigilants Conseillers se sont aperçu que la capitale manquait vraiment de statues. Mieux vaut lard que jamais.
Il est certain qu’on avait oublié, à la dernière distribution des statues, l’infortuné Michel Sorvet, brûlé à Genève, en 1555, par Calvin. Le fait est certainement regrettable, pour Servet autant que pour Calvin. Un des membres do l’assem
blée a réclamé pour lui une réparation; on ne peut nier que ce soit justice. On verra donc à lui élever une statue, quand on aura trouvé un emplacement convenable.
S’il fallait commencer par être brûlé pour avoir les honneurs de la statue et que ce fût une condition sine quâ non, nous serions moins encombrés; et beaucoup de per
sonnes qui ont le désir secret de se voir ainsi glorifiées
quelque jour, y renonceraient probablement. Nous ne voyons donc pas d’objection sérieuse à la proposition.
Un autre orateur a aussitôt demandé une autre statue pour le chevalier do La Barre, qui eut le même sort, quoique beaucoup plus tard. Si nous devons accepter Servet, il n’y a aucune raison pour que l’on refuse le môme honneur à La Barre.
La difficulté est de savoir où le mettre. Mais l’orateur que nous citons a résolu lo problème. Il désire vivement que le Sacré-Cœur de Montmartre soit, un jour ou l’autre, trans
formé « en Conservatoire dos Arts el Métiers, en Observasoiro ou quelque chose dans le même genre. » Alors, on mettrait La Barre devant l’entrée.
A cette proposition, qu’on nous permette d’opposer deux objections.
La première, c’est que l’édifice, tel qu’il a été conçu par
Abadie, se prêterait bien mal à la transformation projetée. Abadie ne pouvait pas soupçonner, pour son monument, un pareil changement de destination; aussi n’avait-il rien prévu pour l’installation et la conservation des Arts el Métiers, pas davantage pour la mise en place des lunettes astrono
miques, non plus que des astronomes, et rien préparé pour l’observation des astres, même les plus sédentaires.
La seconde objection, c’est que la postérité ne parviendra jamais à comprendre pourquoi le malheureux La Barre figure à l’entrée d’un Observatoire, ni quels liens le ratta
chaient aux Arts ni aux Métiers. Il est même douteux qu’elle puisse soupçonner en quoi son infortune le destinait à domi
ner lo Casino de Montmartre, le cabaret du Néant, les bals de l’Elysée (Montmartre) dont les échos lui porteront les fions-flons plus ou moins égrillards.
Sans doute, l’orateur se réserve, si l’Observatoire et le Conservatoire ne paraissent pas logés au mieux dans une
basilique, de choisir « autre chose du même genre » ; mais encore faudrait-il laisser soupçonner quel genre? Il y en a si peu qui puissent s’installer commodément en des chapelles et des cryptes.
* *
Le Conseil n’en allait pas moins consacrer quelques fonds à l’édification de la statue destinée à personnifier, plus ou moins exactement, le pauvre chevalier, lorsqu’il fut averti que la statue existe déjà. La preuve, c’est qu’elle est l’œuvre du statuaire Emile Hébert. S’il y a un statuaire, il est évi
dent qu’il y a une statue, il n’y a donc aucune nécessité de la recommencer; moindre encore est la nécessité de voter des fonds dont on trouvera facilement l’emploi ailleurs.
Moins facile sera de trouver l’emplacement. On cherche et l’on cherchera jusqu’à ce qu’on ait trouvé.
Après quoi l on est revenu à Waldeck-Rousseau, pour la statue duquel le Comité sollicilo une allocation. Un des membres présents a demandé s’il y avait déjà dix ans que le célèbre orateur était mort ?
La sagesse même parlait par la bouche de ce conseiller. Nous réclamions cent ans pour laisser aux
2e Série. 10e Année. N° 12.
XXe Année de la Cpllection.
LA CO INSTRUCTION MODERNE
ACTUALITÉS
STATUES NOUVELLES
Le Conseil municipal de Paris a parfois d’excellentes idées, et il est bien juste qu’on lui en sache quelque gré. C’est de la reconnaissance qu’il faut mettre en réserve pour la déverser, les jours où le même Conseil a des idées d’une oppor
tunité plus contestable. Ainsi s’établira une moyenne, un courant régulier qui seront tout à fait satisfaisants.
Cette semaine, nos vigilants Conseillers se sont aperçu que la capitale manquait vraiment de statues. Mieux vaut lard que jamais.
Il est certain qu’on avait oublié, à la dernière distribution des statues, l’infortuné Michel Sorvet, brûlé à Genève, en 1555, par Calvin. Le fait est certainement regrettable, pour Servet autant que pour Calvin. Un des membres do l’assem
blée a réclamé pour lui une réparation; on ne peut nier que ce soit justice. On verra donc à lui élever une statue, quand on aura trouvé un emplacement convenable.
S’il fallait commencer par être brûlé pour avoir les honneurs de la statue et que ce fût une condition sine quâ non, nous serions moins encombrés; et beaucoup de per
sonnes qui ont le désir secret de se voir ainsi glorifiées
quelque jour, y renonceraient probablement. Nous ne voyons donc pas d’objection sérieuse à la proposition.
Un autre orateur a aussitôt demandé une autre statue pour le chevalier do La Barre, qui eut le même sort, quoique beaucoup plus tard. Si nous devons accepter Servet, il n’y a aucune raison pour que l’on refuse le môme honneur à La Barre.
La difficulté est de savoir où le mettre. Mais l’orateur que nous citons a résolu lo problème. Il désire vivement que le Sacré-Cœur de Montmartre soit, un jour ou l’autre, trans
formé « en Conservatoire dos Arts el Métiers, en Observasoiro ou quelque chose dans le même genre. » Alors, on mettrait La Barre devant l’entrée.
A cette proposition, qu’on nous permette d’opposer deux objections.
La première, c’est que l’édifice, tel qu’il a été conçu par
Abadie, se prêterait bien mal à la transformation projetée. Abadie ne pouvait pas soupçonner, pour son monument, un pareil changement de destination; aussi n’avait-il rien prévu pour l’installation et la conservation des Arts el Métiers, pas davantage pour la mise en place des lunettes astrono
miques, non plus que des astronomes, et rien préparé pour l’observation des astres, même les plus sédentaires.
La seconde objection, c’est que la postérité ne parviendra jamais à comprendre pourquoi le malheureux La Barre figure à l’entrée d’un Observatoire, ni quels liens le ratta
chaient aux Arts ni aux Métiers. Il est même douteux qu’elle puisse soupçonner en quoi son infortune le destinait à domi
ner lo Casino de Montmartre, le cabaret du Néant, les bals de l’Elysée (Montmartre) dont les échos lui porteront les fions-flons plus ou moins égrillards.
Sans doute, l’orateur se réserve, si l’Observatoire et le Conservatoire ne paraissent pas logés au mieux dans une
basilique, de choisir « autre chose du même genre » ; mais encore faudrait-il laisser soupçonner quel genre? Il y en a si peu qui puissent s’installer commodément en des chapelles et des cryptes.
* *
Le Conseil n’en allait pas moins consacrer quelques fonds à l’édification de la statue destinée à personnifier, plus ou moins exactement, le pauvre chevalier, lorsqu’il fut averti que la statue existe déjà. La preuve, c’est qu’elle est l’œuvre du statuaire Emile Hébert. S’il y a un statuaire, il est évi
dent qu’il y a une statue, il n’y a donc aucune nécessité de la recommencer; moindre encore est la nécessité de voter des fonds dont on trouvera facilement l’emploi ailleurs.
Moins facile sera de trouver l’emplacement. On cherche et l’on cherchera jusqu’à ce qu’on ait trouvé.
Après quoi l on est revenu à Waldeck-Rousseau, pour la statue duquel le Comité sollicilo une allocation. Un des membres présents a demandé s’il y avait déjà dix ans que le célèbre orateur était mort ?
La sagesse même parlait par la bouche de ce conseiller. Nous réclamions cent ans pour laisser aux
2e Série. 10e Année. N° 12.
XXe Année de la Cpllection.