10 juin 1905LA CO INSTRUCTION MODERNE 2e Série. 10e Année. Ne 37.
XXe Année de la Collection
L’ARCHITECTE DE L’HOTEL DÉ VILLE
Aucun de nos lecteurs ne peut ignorer qu’il existe une Commission des Inscriptions parisiennes chargée notam
ment de décider quel est l’architecte, ou plutôt quels furent les architectes de l’Hôtel de Ville de Paris, et de fixer par une inscription monumentale l’opinion de la postérité.
Que celle-ci reconnaisse pour incontestable la décision de cette Commission, c’est ce qu’il serait hasardeux d’affirmer,
car des discussions de ce genre nous ne croyons pas qu’il soit jamais sorti quoi que ce soit d’incontestable. Mais la postérité
acceptera probablement tout ce que l’on voudra, par le seul désir de ne pas s’engager gratuitement dans de pareils guêpiers.
Quand on discute archéologiquement, il est à peu près certain que l on trouvera dans les anciens comptes, les déli
bérations, les vieux papiers, les registres et cartons de la
Série X ou Z, cotés sous les numéros 1 h 27 du folio 3798 ou 3963, tout ce qu’il faut pour démontrer rigoureusement le pour, et plus rigoureusement encore le contre.
Après une pareille profession de foi nous ne gardons pas la moindre illusion sur le profond mépris que nous devons inspirer aux archéologues. Plus indulgents qu’eux, nous ne
méconnaissons nullement l’importance du labeur excessif auquel ils se livrent en toute conscience, l’énergie désinté
ressée avec laquelle ils échafaudent la démonstration de ce qu’ils croient être la vérité — leur vérité à eux, — et démolissent la vérité soutenue par autrui.
Mais, nous l’avons dit souvent, comme on n’a jamais pu découvrir deux archéologues qui fussent d’accord sur quoi que ce soit, on est peut-être en droit de soupçonner que leurs conclusions ne sont pas d’une certitude aussi complè
tement assurée qu’ils le croient; que les extraits des vieux parchemins ne sont pas les arguments les plus décisifs.
En tous cas, aux yeux des artistes et des professionnels, il existe des preuves d’un tout autre ordre et beaucoup plus convaincantes.
*
* *
Le Comité, après avoir considéré d’abord le Boccador (Dominique de Cortone) comme l’unique architecte de l’Hôtel de
Ville; puis après avoir très longtemps discuté les documents nouveaux présentés par M. MariusVachon ; aprèsavoir écouté, du côté opposé, les arguments héroïques d’une défense acharnée qui ne voulait concéder ni une lettre ni un pouce et en fai
sait une véritable question d’amour-propre archéologique, — le Comité comprit enfin qu’une transaction était devenue nécessaire. On tomba à peu près d’accord sur l’inscription suivante :
L’Hotel de Ville commencé en 1533 sur les plans du Boccador, continué par Pierre Chambîges et
PAR LES GüILLAIN, ACHEVÉ EN 1628.
Il semblait que la paix fût signée honorablement. C’est mal connaître les archéologues.
Trois mois après, sans plus, l’opinion du Comité avait de nouveau changé, elle était redevenue plus intransigeante que jamais; son inscription, remaniée une fois de plus, supprimait à tout jamais une intervention quelconque d’aucun architecte français; il n’en restait que ceci :
L’Hotel de Ville commencé en 1533 sur les plans
du Boccador, achevé en 1628.
Libre à chacun de remplir comme il l’entendra le siècle presque entier qui sépare la première de la seconde date; do supposer, s’il lui plaît, que le Boccador, devenu plus que centenaire, a continué jusqu’au bout ce qui était si bien commencé; qu’on lui doit les remaniements, la démolition d’une grande partie de l’édifice, sa réfection sur des plans différents, avec une ordonnance qui n’a plus rien d’italien, etc., etc., etc.
Le Comité sait qu’il exista un Boccador ; il sait également que l’Hôtel de Ville fut commencé avant d’être achevé, ce qui est très exact; et qu’il fut achevé après avoir été commencé, ce qui ne l’est pas moins.
C’est déjà beaucoup, comme on voit. Au delà il ne veut rien savoir, ni rien certifier devant la postérité.
*
* *
Ce même Comité devait pressentir qu’il aurait de nouveau maille à partir, qu’il lui faudrait rompre de nouvelles lances avecM. Marins Vachon : C’est Vénus tout entière à sa proie
XXe Année de la Collection
ACTUALITÉS
L’ARCHITECTE DE L’HOTEL DÉ VILLE
Aucun de nos lecteurs ne peut ignorer qu’il existe une Commission des Inscriptions parisiennes chargée notam
ment de décider quel est l’architecte, ou plutôt quels furent les architectes de l’Hôtel de Ville de Paris, et de fixer par une inscription monumentale l’opinion de la postérité.
Que celle-ci reconnaisse pour incontestable la décision de cette Commission, c’est ce qu’il serait hasardeux d’affirmer,
car des discussions de ce genre nous ne croyons pas qu’il soit jamais sorti quoi que ce soit d’incontestable. Mais la postérité
acceptera probablement tout ce que l’on voudra, par le seul désir de ne pas s’engager gratuitement dans de pareils guêpiers.
Quand on discute archéologiquement, il est à peu près certain que l on trouvera dans les anciens comptes, les déli
bérations, les vieux papiers, les registres et cartons de la
Série X ou Z, cotés sous les numéros 1 h 27 du folio 3798 ou 3963, tout ce qu’il faut pour démontrer rigoureusement le pour, et plus rigoureusement encore le contre.
Après une pareille profession de foi nous ne gardons pas la moindre illusion sur le profond mépris que nous devons inspirer aux archéologues. Plus indulgents qu’eux, nous ne
méconnaissons nullement l’importance du labeur excessif auquel ils se livrent en toute conscience, l’énergie désinté
ressée avec laquelle ils échafaudent la démonstration de ce qu’ils croient être la vérité — leur vérité à eux, — et démolissent la vérité soutenue par autrui.
Mais, nous l’avons dit souvent, comme on n’a jamais pu découvrir deux archéologues qui fussent d’accord sur quoi que ce soit, on est peut-être en droit de soupçonner que leurs conclusions ne sont pas d’une certitude aussi complè
tement assurée qu’ils le croient; que les extraits des vieux parchemins ne sont pas les arguments les plus décisifs.
En tous cas, aux yeux des artistes et des professionnels, il existe des preuves d’un tout autre ordre et beaucoup plus convaincantes.
*
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Le Comité, après avoir considéré d’abord le Boccador (Dominique de Cortone) comme l’unique architecte de l’Hôtel de
Ville; puis après avoir très longtemps discuté les documents nouveaux présentés par M. MariusVachon ; aprèsavoir écouté, du côté opposé, les arguments héroïques d’une défense acharnée qui ne voulait concéder ni une lettre ni un pouce et en fai
sait une véritable question d’amour-propre archéologique, — le Comité comprit enfin qu’une transaction était devenue nécessaire. On tomba à peu près d’accord sur l’inscription suivante :
L’Hotel de Ville commencé en 1533 sur les plans du Boccador, continué par Pierre Chambîges et
PAR LES GüILLAIN, ACHEVÉ EN 1628.
Il semblait que la paix fût signée honorablement. C’est mal connaître les archéologues.
Trois mois après, sans plus, l’opinion du Comité avait de nouveau changé, elle était redevenue plus intransigeante que jamais; son inscription, remaniée une fois de plus, supprimait à tout jamais une intervention quelconque d’aucun architecte français; il n’en restait que ceci :
L’Hotel de Ville commencé en 1533 sur les plans
du Boccador, achevé en 1628.
Libre à chacun de remplir comme il l’entendra le siècle presque entier qui sépare la première de la seconde date; do supposer, s’il lui plaît, que le Boccador, devenu plus que centenaire, a continué jusqu’au bout ce qui était si bien commencé; qu’on lui doit les remaniements, la démolition d’une grande partie de l’édifice, sa réfection sur des plans différents, avec une ordonnance qui n’a plus rien d’italien, etc., etc., etc.
Le Comité sait qu’il exista un Boccador ; il sait également que l’Hôtel de Ville fut commencé avant d’être achevé, ce qui est très exact; et qu’il fut achevé après avoir été commencé, ce qui ne l’est pas moins.
C’est déjà beaucoup, comme on voit. Au delà il ne veut rien savoir, ni rien certifier devant la postérité.
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Ce même Comité devait pressentir qu’il aurait de nouveau maille à partir, qu’il lui faudrait rompre de nouvelles lances avecM. Marins Vachon : C’est Vénus tout entière à sa proie