attachée. S’il ne l’a pas deviné, les événements n’ont pas tarder à réveiller son attention.
Voici donc un nouveau mémoire du défenseur des architectes français. Nos lecteurs ne nous attribueront pas la funeste pensée de remettre sous leurs yeux toutes les pièces rééditées du débat ancien, non plus que les documents nouveaux, surgis de toutes parts et tous plus décisifs les uns que les autres, que l’on a découverts des deux côtés. Les forces de l’attention humaine ont des limites qu’il ne faut pas outrepasser : il y aurait danger d’ébranler l’équilibre déjà instable de nos facultés.
A titre de simples échantillons, nous signalerons seulement que M. Tuetey, du Comité, a découvert ou retrouvé une pièce du mercredi 30 juillet 1539 où il est parlé de maistres Pierre Chambiges et Charles Leconle, maislres des œuvres de la Ville, et maître Dominique de Cortone; lesquels,
paraît-il n’assistaient pas toujours avec une parfaite exactitude à leurs Commissions. —Il y avait déjà des commissions en 1539, mais le mot ne dit pas la même chose.
On ne peut que regretter ce triple manque d’une rigoureuse exactitude de présence, qui ne date pas d’hier, sans en être pour cela d’un meilleur exemple. Mais tel n’est pas le point sur lequel M. Tuetey voulait attirer l’attention.
D’après lui, les deux maîtres des œuvres nommés en premier seraient de simples entrepreneurs; et Philippe de Cor
tone, désigné en second lieu et sans attributions spéciales, serait le seul et véritable architecte de l’œuvre.
D’après M. Marius Vachon, la conclusion à tirer du document de M. Tuetey serait exactement le contraire: à cette date, Chambiges et Leconte auraient été les architectes ; le Boccador n’était plus là qu’à titre consultant, en quelque sorte auxiliaire, honorifique, par égard pour son intervention première à l’origine.
Il est à peu près certain que, pour les gens du métier accoutumés à cette traditionnelle désignation de « maître de l’œuvre », l’opinion de M. Tuetey paraîtra difficilement défendable.
*
« *
Un autre adversaire, M. Dorez, a fait une autre découverte dans les papiers de Jean Tronson, qui fut prévôt des mar
chands; papiers incontestablement datés de 153G, d’où il résulterait — fait encore bien plus extraordinaire! — que Chambiges. maîLre des œuvres à l’Hôtel de Ville, d’après le document non moins incontestable de tout à l’heure, ne s’oc
cupait pasdu tout de celédifice etétaitcomplèlement absorbé par les fortifications (de Paris, du Louvre ou des alentours ?) Tel était l’état de ses affaires en 1536.
Or, dit M. Vachon, un troisième document des Archives nationales démontre qu’en 1536, étant en pleine paix,
François Ier recommandait, au contraire, de presser la construction de l’Hôtel de Ville. Pour le moment, on n’avait pas besoin de fortifications.
Déplus, toujours d’aprèslui, et d’après la quatrième lettre du môme Jean Tronson, déjà nommé, ce n’est pas du tout Chambiges qui était sur les remparts, mais bien Dominique de Cortone, accompagné de Pierre Moreau, qui était, de ce côté, l’ancien maître des œuvres. Mais alors?
Mais alors, le Boccador était donc partout comme consul
tant ou consulté, et il n’est donc nulle part comme véritable architecte dirigeant l’œuvre?
*
* *
Nous nous garderions bien de chercher à concilier ces contradictions, pas plus que nous ne chercherons à décider si 1 ’Ostel de Ville du plan de la Tapisserie est la Maison aux
piliers, ou si c’est la maison qui est l’Oslel ; si l’hôpital du Saint-Esprit est devant ou derrière; s’il y a des maisons en avant de l’arcade Saint-Jean ; si les unes sont de pure fantaisie due au brodeur, si les autres se trouvaient dans l’original; ni si... etc., etc. Nous craindrions d’y laisser le peu de
raison, les dernières lueurs d’intelligence que nous a laissées la lecture réitérée des pièces présentées.
Disons seulement quece qui semble à peu près établi, cequi est tout au moins soutenu par M. M. Vachon, en dépit de ses contradicteurs, c’est la chronologie suivante :
1530. — Commencement d’un Hôtel de Ville, en style dit gothique en ce temps-là, sur les plans et sous la direction du Boccador;
1530-1534. —Commencement, sous la même direction, des bâtiments sur la ruelle Saint-Jean et la rue du Martroy ;
1536. — Plan nouveau d’un Hôtel de Ville en style Benaissance, destiné à remplacer, partiellement tout au moins, l’édifice commencé; plan dressé par Pierre Chambiges, entré en 1534 au service de la Ville ;
1549-1550. — Démolition de tout ou partie des bâtiments dits gothiques, commencés en 1530;
1606. — Défection de la façade sur la place de Grève.
Les lecteurs curieux de consulter les documents à l’appui, en trouveraient l’indication dans le mémoire de M. M. Va
chon. En tous cas, cette chronologie est au moins nécessaire, comme fil d’Ariane, pour ne pas se perdre à tous moments dans le dédale de cette discussion.
*
* *
Quant aux personnes qui ne se piquent nullement d’archéologie — et elles sont nombreuses, grâce au ciel, — mais qui se croient assez dégoût, de flair si l’on veut, pour distin
guer la Renaissance française de la Renaissance italienne, il ne sera probablement pas très difficile de discerner, dans l’Hôtel de Ville de Paris, ce que l’on peut supposer de provenance
italienne, ce que l’on peut admettre comme appartenant au style français. Ilest également probable que leur conviction,
sans être le moins du monde étayée de pièces authentiques et contradictoires, n’en sera pas moins solide. Elle n’en sera peut-être pas pour cela moins voisine de la réaliié. Il y a de ces instincts, faits de tact, de nombreuses comparaisons, de fines appréciations, qui ne trompent guère ; qui trompent moins souvent, en tous cas, que les plus vieux parchemins.
A ce sujet, il est bon de remettre, sous les yeux des gens du métier, les termes de la lettre qu’en 1904 écrivait M. Daumetà M. Marius Vachon. Le « maître de l’œuvre » et archi
tecte actuel de Chantilly dont certaines parties anciennes offrent de grandes analogies avec des parties de l’Hôtel de Ville parisien, semblera sans doute assez bien désigné pour résumer l’impression des artistes, ses confrères, sur un sujet
Voici donc un nouveau mémoire du défenseur des architectes français. Nos lecteurs ne nous attribueront pas la funeste pensée de remettre sous leurs yeux toutes les pièces rééditées du débat ancien, non plus que les documents nouveaux, surgis de toutes parts et tous plus décisifs les uns que les autres, que l’on a découverts des deux côtés. Les forces de l’attention humaine ont des limites qu’il ne faut pas outrepasser : il y aurait danger d’ébranler l’équilibre déjà instable de nos facultés.
A titre de simples échantillons, nous signalerons seulement que M. Tuetey, du Comité, a découvert ou retrouvé une pièce du mercredi 30 juillet 1539 où il est parlé de maistres Pierre Chambiges et Charles Leconle, maislres des œuvres de la Ville, et maître Dominique de Cortone; lesquels,
paraît-il n’assistaient pas toujours avec une parfaite exactitude à leurs Commissions. —Il y avait déjà des commissions en 1539, mais le mot ne dit pas la même chose.
On ne peut que regretter ce triple manque d’une rigoureuse exactitude de présence, qui ne date pas d’hier, sans en être pour cela d’un meilleur exemple. Mais tel n’est pas le point sur lequel M. Tuetey voulait attirer l’attention.
D’après lui, les deux maîtres des œuvres nommés en premier seraient de simples entrepreneurs; et Philippe de Cor
tone, désigné en second lieu et sans attributions spéciales, serait le seul et véritable architecte de l’œuvre.
D’après M. Marius Vachon, la conclusion à tirer du document de M. Tuetey serait exactement le contraire: à cette date, Chambiges et Leconte auraient été les architectes ; le Boccador n’était plus là qu’à titre consultant, en quelque sorte auxiliaire, honorifique, par égard pour son intervention première à l’origine.
Il est à peu près certain que, pour les gens du métier accoutumés à cette traditionnelle désignation de « maître de l’œuvre », l’opinion de M. Tuetey paraîtra difficilement défendable.
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Un autre adversaire, M. Dorez, a fait une autre découverte dans les papiers de Jean Tronson, qui fut prévôt des mar
chands; papiers incontestablement datés de 153G, d’où il résulterait — fait encore bien plus extraordinaire! — que Chambiges. maîLre des œuvres à l’Hôtel de Ville, d’après le document non moins incontestable de tout à l’heure, ne s’oc
cupait pasdu tout de celédifice etétaitcomplèlement absorbé par les fortifications (de Paris, du Louvre ou des alentours ?) Tel était l’état de ses affaires en 1536.
Or, dit M. Vachon, un troisième document des Archives nationales démontre qu’en 1536, étant en pleine paix,
François Ier recommandait, au contraire, de presser la construction de l’Hôtel de Ville. Pour le moment, on n’avait pas besoin de fortifications.
Déplus, toujours d’aprèslui, et d’après la quatrième lettre du môme Jean Tronson, déjà nommé, ce n’est pas du tout Chambiges qui était sur les remparts, mais bien Dominique de Cortone, accompagné de Pierre Moreau, qui était, de ce côté, l’ancien maître des œuvres. Mais alors?
Mais alors, le Boccador était donc partout comme consul
tant ou consulté, et il n’est donc nulle part comme véritable architecte dirigeant l’œuvre?
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Nous nous garderions bien de chercher à concilier ces contradictions, pas plus que nous ne chercherons à décider si 1 ’Ostel de Ville du plan de la Tapisserie est la Maison aux
piliers, ou si c’est la maison qui est l’Oslel ; si l’hôpital du Saint-Esprit est devant ou derrière; s’il y a des maisons en avant de l’arcade Saint-Jean ; si les unes sont de pure fantaisie due au brodeur, si les autres se trouvaient dans l’original; ni si... etc., etc. Nous craindrions d’y laisser le peu de
raison, les dernières lueurs d’intelligence que nous a laissées la lecture réitérée des pièces présentées.
Disons seulement quece qui semble à peu près établi, cequi est tout au moins soutenu par M. M. Vachon, en dépit de ses contradicteurs, c’est la chronologie suivante :
1530. — Commencement d’un Hôtel de Ville, en style dit gothique en ce temps-là, sur les plans et sous la direction du Boccador;
1530-1534. —Commencement, sous la même direction, des bâtiments sur la ruelle Saint-Jean et la rue du Martroy ;
1536. — Plan nouveau d’un Hôtel de Ville en style Benaissance, destiné à remplacer, partiellement tout au moins, l’édifice commencé; plan dressé par Pierre Chambiges, entré en 1534 au service de la Ville ;
1549-1550. — Démolition de tout ou partie des bâtiments dits gothiques, commencés en 1530;
1606. — Défection de la façade sur la place de Grève.
Les lecteurs curieux de consulter les documents à l’appui, en trouveraient l’indication dans le mémoire de M. M. Va
chon. En tous cas, cette chronologie est au moins nécessaire, comme fil d’Ariane, pour ne pas se perdre à tous moments dans le dédale de cette discussion.
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Quant aux personnes qui ne se piquent nullement d’archéologie — et elles sont nombreuses, grâce au ciel, — mais qui se croient assez dégoût, de flair si l’on veut, pour distin
guer la Renaissance française de la Renaissance italienne, il ne sera probablement pas très difficile de discerner, dans l’Hôtel de Ville de Paris, ce que l’on peut supposer de provenance
italienne, ce que l’on peut admettre comme appartenant au style français. Ilest également probable que leur conviction,
sans être le moins du monde étayée de pièces authentiques et contradictoires, n’en sera pas moins solide. Elle n’en sera peut-être pas pour cela moins voisine de la réaliié. Il y a de ces instincts, faits de tact, de nombreuses comparaisons, de fines appréciations, qui ne trompent guère ; qui trompent moins souvent, en tous cas, que les plus vieux parchemins.
A ce sujet, il est bon de remettre, sous les yeux des gens du métier, les termes de la lettre qu’en 1904 écrivait M. Daumetà M. Marius Vachon. Le « maître de l’œuvre » et archi
tecte actuel de Chantilly dont certaines parties anciennes offrent de grandes analogies avec des parties de l’Hôtel de Ville parisien, semblera sans doute assez bien désigné pour résumer l’impression des artistes, ses confrères, sur un sujet