où leur sentiment a bien quelque valeur. En voici d’ailleurs les termes :
« Comme vous, Monsieur, j’aime l’art sous toutes ses manifestations. Mêlé à vos luttes pour faire prévaloir la part déterminante qui appartient aux artistes français dans la construction de l’Hôtel de Ville de Paris, après l’insuccès du Boccador, j’ai lu avec soin une récente réfutation de vos opinions par M. Stein. Je n’ai pas l’érudition du savant ni le moyen de me faire une part de jugement à ce propos. Il me paraît que, dans les appréciations qui concernent l’architec
ture, ceux qui y ont consacré leur vie peuvent appuyer des opinions judicieuses.
« Les vôtres, en ce qui est de Pierre Chambiges, m’ont paru sans réplique, vos rapprochements entre les travaux de ce maistre d’œuvres de Chantilly et la partie inférieure de l’Hôtel de Ville, si judicieux, je le répète, que même avec des inscriptions non contestables par la bonne foi de ceux qui les ont fait graver, on peut considérer comme définitives vos appréciations. Permettez-moi de vous en exprimer mes félicitations.
« A mon avis, il n’y a rien en Italie de l’époque du Boccador ou de ses maîtres qui soit comparable à ce qui a été repro
duit à Paris par M. Ballu, et que j’ai vu avant l’incendie, à la façade si harmonieuse et si française ».
La discussion va — pour la quatrième fois, si nous ne faisons erreur— revenir devant le Conseil municipal, d’ici à quelques jours probablement. On va donc reparler du Boc
cador, des Chambiges, des Guillain, que l’on pouvait avoir quelque peu oubliés. Nos lecteurs ne nous en voudront pas d’avoir un peu rafraîchi leurs souvenirs.
P. Planat.
Nous avons déjà dit que, à propos du passage à Paris du roi d’Espagne, on comptait inaugurer une partie de la déco
ration réservée à l’avenue de l’Opéra. Dans d’autres quartiers on a élevé des guirlandes, des écussons, des pylônes; mais tous ces ornements étaient provisoires, ils disparaîtront avec l’occasion qui les avait faits naître; il n’y a ni bien ni mal à en dire. Pour la décoration de l’avenue de l’Opéra il en est autrement, puisque c’est l’essai, en matériaux instantanés, d’un décor qui doit être plus tard éternel.
Nous en avions décrit les éléments principaux; nous avons signalé l’ordre parfois singulier, dans lequel ils devaient être superposés : les candélabres supportant des vasques traversées par des palmiers, surmontés eux-mêmes de phares-réver
bères, les nefs installées et naviguant sur des pylônes pour soutenir des mâts qui sont d’autres candélabres. Peut-être notre imagination nous avait-elle mal servis, et la réalité est-elle beaucoup plus raisonnable que nous n’avions pu nous le figurer d’après les descriptions qu’on nous offrait.
Chacun en peut juger aujourd’hui. Il faut le dire cependant : Une impression assez répandue est que l’aspect de la Ville de Paris gagnera beaucoup à la disparition des munifi
cences que nous avait apportées cette semaine traversée de trop d’émotions.
Mais une autre impression veut que cette étincelante décoration fût absolument réussie. On peut donc choisir l’une ou l autre sans risquer d’être seul de son opinion.
A titre de curiosité nous citerons au moins la description humoristique de M. Pierre Mille dans Le Temps. Evidemment on y trouvera quelque exagération voulue; mais l’exagération est-elle autre chose que la vérité un peu grossie?
En tous cas voici cette appréciation tout au moins réjouissante; en temps de fête, c’est déjà une qualité de circonstance.
« Jem’aperçus alors, ditl’écrivain, que j’étais dans l’avenue de l’Opéra, et qu’il y avait poussé, je ne sais comment, des choses très bizarres; d’abord des artichauts en plâtre. Il est très rare de trouver da ns la nature des artichauts en plâtre, et ceux-là étaient devenus complètement fous!
« Dans leur délire ils étaient montés sur de gros pieds de table de salle à manger, et s’étaient fourrés sur la tête un tas
de fleurs qui leur allaient comme un chapeau de saison sur la tête d’une vieille négresse. La plupart avaient ajouté à cet ornement un palmier, un vrai palmier.
« Ce spectacle était extraordinaire : jamais de ma vie je n’avais cru que le palmier pût devenir le parasite de l’artichaut!
« Il y avait aussi des petits bateaux, tout en or, qui s’étaient mis à grimper jusqu’au milieu des réverbères ; arrivés là, ils s’étaient arrêtés, je ne sais pas pourquoi. Ils
Place du Théâtre-Français.
« Comme vous, Monsieur, j’aime l’art sous toutes ses manifestations. Mêlé à vos luttes pour faire prévaloir la part déterminante qui appartient aux artistes français dans la construction de l’Hôtel de Ville de Paris, après l’insuccès du Boccador, j’ai lu avec soin une récente réfutation de vos opinions par M. Stein. Je n’ai pas l’érudition du savant ni le moyen de me faire une part de jugement à ce propos. Il me paraît que, dans les appréciations qui concernent l’architec
ture, ceux qui y ont consacré leur vie peuvent appuyer des opinions judicieuses.
« Les vôtres, en ce qui est de Pierre Chambiges, m’ont paru sans réplique, vos rapprochements entre les travaux de ce maistre d’œuvres de Chantilly et la partie inférieure de l’Hôtel de Ville, si judicieux, je le répète, que même avec des inscriptions non contestables par la bonne foi de ceux qui les ont fait graver, on peut considérer comme définitives vos appréciations. Permettez-moi de vous en exprimer mes félicitations.
« A mon avis, il n’y a rien en Italie de l’époque du Boccador ou de ses maîtres qui soit comparable à ce qui a été repro
duit à Paris par M. Ballu, et que j’ai vu avant l’incendie, à la façade si harmonieuse et si française ».
La discussion va — pour la quatrième fois, si nous ne faisons erreur— revenir devant le Conseil municipal, d’ici à quelques jours probablement. On va donc reparler du Boc
cador, des Chambiges, des Guillain, que l’on pouvait avoir quelque peu oubliés. Nos lecteurs ne nous en voudront pas d’avoir un peu rafraîchi leurs souvenirs.
P. Planat.
DÉCORATIONS FESTIVALES
Nous avons déjà dit que, à propos du passage à Paris du roi d’Espagne, on comptait inaugurer une partie de la déco
ration réservée à l’avenue de l’Opéra. Dans d’autres quartiers on a élevé des guirlandes, des écussons, des pylônes; mais tous ces ornements étaient provisoires, ils disparaîtront avec l’occasion qui les avait faits naître; il n’y a ni bien ni mal à en dire. Pour la décoration de l’avenue de l’Opéra il en est autrement, puisque c’est l’essai, en matériaux instantanés, d’un décor qui doit être plus tard éternel.
Nous en avions décrit les éléments principaux; nous avons signalé l’ordre parfois singulier, dans lequel ils devaient être superposés : les candélabres supportant des vasques traversées par des palmiers, surmontés eux-mêmes de phares-réver
bères, les nefs installées et naviguant sur des pylônes pour soutenir des mâts qui sont d’autres candélabres. Peut-être notre imagination nous avait-elle mal servis, et la réalité est-elle beaucoup plus raisonnable que nous n’avions pu nous le figurer d’après les descriptions qu’on nous offrait.
Chacun en peut juger aujourd’hui. Il faut le dire cependant : Une impression assez répandue est que l’aspect de la Ville de Paris gagnera beaucoup à la disparition des munifi
cences que nous avait apportées cette semaine traversée de trop d’émotions.
Mais une autre impression veut que cette étincelante décoration fût absolument réussie. On peut donc choisir l’une ou l autre sans risquer d’être seul de son opinion.
A titre de curiosité nous citerons au moins la description humoristique de M. Pierre Mille dans Le Temps. Evidemment on y trouvera quelque exagération voulue; mais l’exagération est-elle autre chose que la vérité un peu grossie?
En tous cas voici cette appréciation tout au moins réjouissante; en temps de fête, c’est déjà une qualité de circonstance.
« Jem’aperçus alors, ditl’écrivain, que j’étais dans l’avenue de l’Opéra, et qu’il y avait poussé, je ne sais comment, des choses très bizarres; d’abord des artichauts en plâtre. Il est très rare de trouver da ns la nature des artichauts en plâtre, et ceux-là étaient devenus complètement fous!
« Dans leur délire ils étaient montés sur de gros pieds de table de salle à manger, et s’étaient fourrés sur la tête un tas
de fleurs qui leur allaient comme un chapeau de saison sur la tête d’une vieille négresse. La plupart avaient ajouté à cet ornement un palmier, un vrai palmier.
« Ce spectacle était extraordinaire : jamais de ma vie je n’avais cru que le palmier pût devenir le parasite de l’artichaut!
« Il y avait aussi des petits bateaux, tout en or, qui s’étaient mis à grimper jusqu’au milieu des réverbères ; arrivés là, ils s’étaient arrêtés, je ne sais pas pourquoi. Ils
Place du Théâtre-Français.