étaient également, pleins de pots de fleurs, c’étaient des bateaux de fleurs ! »
M. Pierre Mille prétend même avoir entendu des voix ironirpies mais mélodieuses chanter des louanges en l’honneur des auteurs de ces singularités; mais ceci nous semble un pur effet de son imagination. M. P. Mille avoue lui-même n’avoir
nullement saisi le sens symbolique de ces assem
blages peu ordinaires, il est vrai ; c’est pourquoi il n’en a pasdiscernénon plus la secrète har
monie. Dans un premier moment de surprise, on ne va pas suf
fisamment au fond des choses.
Nous, qui avons plus longuement
médité, dans la circonstan
ce, sur les causes et leurs effets, nous comprenons
mieux ce que l’on a voulu symboliser. Et en effet que fallait- il exprimer à tous les yeux ? — L’empressement des choses comme des gens qui, à l’envi, se précipitent, se pressent, se haussent pour mieux voir les carrosses, les landaus officiels des fugitifs cortèges. C’est alors, alors seulement, que les artichauts mêmes se hissent sur des tables de salle à manger;
que les petits bateaux grimpent et s’accrochent, comme font aussi les vulgaires spectateurs, le long des candélabres, etc., etc.
Nous n’insisterons pas, tout le monde comprend. De plus il est bien naturel que les choses, comme les gens, se pré
sentent sous leurs plus beaux atours ; c’est pourquoi les petits bateaux se dorent, tandis que lesartichautssecoiffent,— conformément aux rites de la mode adoptée par les femmes pour leurs propres chapeaux, — de fleurs et de palmiers. Si
M. Pierre Mille eût mieux regardé, il aurait vu pulluler autour de lui ce genre de coiffures qui sont aujourd’hui si bien portées : des oiseaux, des roses, des branches d’arbres, des abricots à défaut de melons que ne permet pas encore la saison, des épingles-poignards, des « couteaux »......; le
tout délicatement posé sur d’authentiques fonds d’artichauts, creusés pour la circonstance.
Tout le monde porte cola; M. Pierre Mille est seul à l ignorer ; et il commet, par ignorance, une lourde faute qui
paraîtra presque insultante à plus d’une jolie femme. Les « vieilles négresses » ne sont pas seules à se couronner de semblables échafaudages. Tout le beau sexe en fait autant, cl les vieilles négresses, s’il y en a, no font que suivre une modo universelle. Le ministre des Colonies lui-même ne pourrait que les en féliciter.
Du reste, en toutes choses le goût du jour est ainsi fait, Il no faudrait pas croire que l’art des chapeaux soit seul à réaliser dos combinaisons légèrement hétéroclites; tout les
Avenue de l’Opéra. Avenue de l’Opéra.
Entrée du faubourg Saint-Honoré.