17 juin 1905
LA CONSTRUCTION MODERNE
2e Serie. 10e Année. Ne 38.
XXe Année de la Collection


ACTUALITÉS


BAGATELLE
Ce n’en est pas une que de trouver une destination originale au pavillon que la Ville de Paris vient d’acquérir au Bois de Boulogne, à deux pas du grand champ de Courses. La Ville a bien fait assurément en sauvant de la destruction cette jolie contruction du xviiie siècle et le parc remar
quable qui l’entoure. Seulement, à quoi l’employer, telle était la question difficile à résoudre.
La Mlle possède, par acquisitions, legs, héritages, etc., un certain nombre de musées qu’elle ne sait guère comment remplir; il est vrai qu’elle achète, chaque année, nombre de chefs-d’œuvre contemporains, qui sont les (leurs portées par chaque branche de l’art. Mais il arrive quelquefois qu’elle n est pas absolument (1ère de montrer ses acquisitions. Est-ce
modestie ou remords? On ne sait pas trop : peut-être y a-t-il de l’un et de l’autre.
Elle a bien, parfois, la ressource de les exposer en des salles-caves assez obscures pour que l’on y puisse admirer de confiance et apprécier à tâtons; mais cette ressource ne pourrait pas suffire indéfiniment.
A Bagatelle en particulier, où la lumière ne doit pas manquer, il est une autre difficulté à laquelle il est prudent de parer. Dans ce pavillon construit, vers 1780, par le comte d Artois qui n’était pas encore Charles X, et qui porte bien franchement sa date, on no pourrait guère exposer, sans dissonance sensible, des ferronneries-bijoux du modem style, ou des toiles exaspérées par l impressionisme.
Les collectionneurs, qui no sont pas toujours jaloux de dérober aux regards leurs richesses ou sont même parfois désireux d’en relever le prix par des expositions publiques, Vont, dit-on, venir au secours de la Ville, en organisant, au sein de sa Bagatelle, des expositions temporaires, réservées
plus particulièrement aux chefs-d’œuvre du xviiie siècle. C’est incontestablement une excellente aubaine pour le public
qui, sans cela, aurait rarement l’occasion de s’en procurer la vue.
L’entrée sera gratuite le dimanche, pour conserver la tradition largement hospitalière de nos musées; toutefois elle sera payante en semaine, au prix de 5 francs. Ce prix est élevé, mais la mesure se justifie, comme on le verra, par d’excellentes intentions. Tout ce que l’on peut objecter — car tout le monde n’est pas en mesure de verser cette somme pour chaque visite, et particulièrement les personnes désireuses d études approfondies qui exigent de nombreuses visi
tes, — tout ce que l’on peut demander tout au moins, c est que I on ne se contente pas d’un seul jour gratuit par semaine.
Serait-on trop exigeant en sollicitant deux entrées do ce genre au lieu d’une seule ?
Voici donc ce qu’un nous annonce officiellement.
« Le préfet de la Seine, consulté, s’est montré favorable au projet. Le promoteur de l’entreprise, M. Groult, dont on connaît la fabuleuse collection de merveilles des maîtres français et anglais du xviii° siècle, a installé dans le pavillon du duc d’Herlford une cinquantaine de pièces qui représen
tent l’élite de ses maîtres anglais. M. Doisleau, dont la collection d’objets d’art n’est pas moins réputée, a groupé dans la petite maison du comte d’Artois quelques épaves
exquises des époques Louis XV et Louis XVI : bustes de Houdon et de Pajou, pendules et flambeaux, éventails, boîtes à mouches, nécessaires, une épinette du temps, des épées, etc. Et voilà la première exposition constituée.
« Le public, à partir de ce jour, y est admis. »
Nous échappons ainsi au champ de foire que convoitaient
nos édiles et qui devait, avec maestria, faire concurrence à