Les voici, telles que les classe M. Bénard :
1° Circulation ménagère pour les approvisionnements de toute nature ;
2° Circulation professionnelle dos fonctionnaires, employés, ouvriers qui se rendent quotidiennement à leur lâche et s’en retournent, la journée finie;
3” Circulation économique, par laquelle il faut entendre le va-et-vient des gens qui se rendent aux Bourses, Banques, Gares, Marchés, Postes, Tribunaux, etc.;
4° Circulation mondaine, qui se dirige vers tous les lieux de réunion, de plaisir, de promenade, de société;
5° Circulation fériée, que produit l’exode des citadins vers les alentours de la ville et le retour nocturne au bercail ;
6° Circulation populaire qui naît, accidentellement peuton dire, avec les expositions, les fêtes, les revues militaires, les courses, etc., etc.
Quelle direction va prendre chacune de ces circulations spéciales? Quels genres de voies leur conviennent?
Ménagère ou professionnelle, la circulation, pense M. Bénard, pourra continuer à se servir des rues existantes qui lui suffisent amplement; car ce mouvement de la foule n’a par lui-même rien de particulièrement encombrant, et n’exige pas des débouchés exceptionnels.
Fériée, la circulation se porte principalement vers les gares des chemins de fer. — On pourrait tout aussi bien dire : vers les innombrables têtes de ligne de nos grands tramways. On pourrait encore ajouter que ce n’est pas la seule circula
tion fériée qui, exceptionnellement, se porte dans ces diverses directions : journellement, une grande partie du trafic dit professionnel suit les mêmes directions. Ces cou
rants peuvent être renforcés à certains jours, mais ils sont permanents le reste du temps.
La circulation populaire exige, naturellement, que de larges accès soient ménagés aux abords des endroits consacrés aux assemblées publiques et aux grandes fêtes.
La circulation du monde des affaires, dite économique, se croise avec la circulation mondaine et, sur bien des points, rencontre la professionnelle. « C’est pour elles surtout, indique M. Ilénard, que les progrès du cyclisme et de l’auto
mobilisme vont bouleverser, dans un avenir prochain, la disposition d’ensemble de nos voies publiques et provoquer la création de nouvelles avenues plus en rapport avec la vitesse des nouveaux engins de transport. »
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Connaissant l’emplacement des divers groupes de grands édifices publics — qui s’agglomèrenlcffeclivementen un cer
tain nombro de groupes distincts, à Paris, par exemple : Bourse, Bibliothèque, Musées, Théâtres, d’un côté; Minis
tères, de l’autre; Université et dépendances, ailleurs, etc ,
— il n’est pas très difficile, nous semble-t-il, do tracer la direction des principaux courants, en y joignant les lieux
d’attraction et de promenade. D’ailleurs, il suffirait de jeter un coup d’œil sur la carte où seraient tracées les lignes de transports : métropolitains, tramways, omnibus, etc., en te
nant compte do leurs trafics respectifs, facilement connus, pour dresser celle sorte de topographie.
On voit ainsi que les trajets importants trouvent actuellement des voies insuffisantes pour les desservir, cl qu’ils
sont encore condamnés à se frayer péniblement chemina travers des rues ou ruelles étroites, tortueuses et trop encombrées. A quoi l’on ne pourra remédier qu’en créant de nouvelles percées ou en élargissant ce qui existe.
D’après M. Hénard, la plupart de nos voies les plus larges seront elles-mêmes promptement inutilisables, et en raison
de l’accroissement du trafic, et en raison de la plus grande vitesse de circulation imposée par les engins modernes. Il leur faudra, d’ici à peu, estime-t-il, une largeur de 40m,00,
avec chaussée de 20m,00. Encore n’aurait-on obtenu que du provisoire.
Pour se faire une idée de l’ampleur de ces tracés ainsi projetés, il suffit de rappeler que les chaussées des rues de Bivoli, de Bennes, du Louvre, qui ne sont pourtant pas des ruelles gothiques, n’ont encore que 12m,00. Le boulevard Haussman en prend 14m,00. Seuls, les grands boulevards se rapprochent du chiffre exigé, avec leurs 17m,00 de chaussée,
et il n’est effectivement pas excessif de déclarer qu’avec cette largeur exceptionnelle, ils sont encombrés sur trop de points.
Ici, nous demanderons à présenter une observation, qui n’est certes pas une objection, mais qui attirera l’attention sur une grosse difficulté, inévitable conséquence de ces élargissements.
Il n’y a pas encore bien longtemps que la traversée de ces voies déjà très larges et dont les chaussées étaient sillonnées de trop nombreux véhicules, était devenue impraticable, non seulement aux femmes, aux enfants, aux vieillards, mais même aux hommes particulièrement ingambes. De trop nombreuses hécatombes de piétons contraignirent à la création des refuges, notamment aux carrefours où l’on ne pouvait plus se lancer sans recommander son âme à Dieu.
Si l’on double la largeur des chaussées, en même temps que double la vitesse des véhicules morticoles, suffira-t-il de multiplier les refuges? Suffirait-il même de les jumeler,
deux par deux, comme on l’a fait aux Champs-Elysées, par exemple ?
Il n’y aqu’à voir les arrêts prolongés qui s’y produisent dès que commence le défilé des voitures passant impitoyable
ment à fond de train. Ou bien les piétons emmagasinés sur les refuges y sont condamnés à un séjour sans fin, car ils sont dans l’impossibilité, après celte première tentative, de passer outre ; ou bien les agents sont contraints d’arrêter ce flot incessant de véhicules, ce qui produit aussitôt de terribles mêlées.
N’insistons même pas sur le péril que courent les épaves humaines qui, semblables à des naufragés, s accrochent les
unes aux autres pour se disputer l’étroite superficie des refuges. Combien do ces infortunés se voient frôlés par l’élan irrésistible d’une auto qui, d un moment à l’autre, peut les ravir d’un tour de roue et les lancer dans des espaces incon
nus. Bornons-nous à faire remarquer que ces moyens de sauvetage sont d’un âge préhistorique et nullement en rap
port avec les incontestables progrès do l’industrie nationale par excellence.
C’est pour les populations une affaire de vie ou de mort. Si les prévisions très sensées do M. Hénard se réalisent, nos grandes voies n’étant plus, en largeur, que des cataractes du