8 JUILLET 1905
2e Série. 10e Année. N° 41.XXe Année de la Collection
FÊTES CIVILES ET HUMAINES
On se souvient encore de ce profond penseur qui voulait instituer des premières communions laïques. M. Géraull- Richard est moins exigeant : il demandait, ces jours-ci, que l’on donnât dorénavant des étiquettes civiles aux fêtes religieuses . La foule a conservé l’habitude traditionnelle de chômer celles-ci, lors même qu’elle ne songe guère à les célé
brer; mais enfin, le simple chômage suffit à perpétuer une tradition que l’honorable député ne juge ni utile ni surtout, nécessaire.
Ne pouvant guère songer à supprimer ces fêtes, jugées par lui plutôt malencontreuses, il souhaite tout au moins de les « démarquer » en en changeant les dénominations. Ce serait, pense-t-il, autant de gagné.
Un artiste et un poète, M. Eugène Carrière et M. Charles Morice, n’estiment point suffisant cc modeste progrès. Selon eux les fêtes publiques ne devraient pas se contenter d’être civiles, il faut qu’elles deviennent «humaines ». Qu’entendent-il loger sous cette désignation, certainement généreuse, mais un peu vague? C’est ce qu un certain nombre de per
sonnes n’avaient sans doute pas bien saisi du premier coup;
aussi le poète et l’artiste ont-ils compris la nécessité d’une réunion devant laquelle ils pourraient exposer leur programme d’une manière plus précise.1
La réunion eut lieu au café de l’Univers, qui n’a peut-être lias tous les jours l’occasion do remplir une si haute et pure mission Si l’Univers n’avait pas pu répondre tout entier à l’appel, il n’en est pas moins certain, dit-on, que l’assistance fut très suffisamment nombreuse.
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les artistes et les poètes doivent être consultés chaque fois qu’on veut célébrer un acte de la vie collective. Cette con
ception n’a en soi rien d’exorbitant: le concours des uns et des autres n’est pas de ceux qu’on puisse dédaigner de parti pris. Il interviendra donc chaque fois, mais « sans participer aux déploiements officiels du faste ».
Evidemment de plus amples explications seront ultérieurement données ; elles sont nécessaires, d’abord pour nous
dire au juste quels sont les actes de vie collective dont il est ici question et qu’il faudra célébrer. C’est ce qu’on pourrait n’apercevoir pas très distinctement d’un premier coup d’œil. Le déjeuner et le dîner, par exemple, sont des actes delà vie extrêmement répandus, si ce n’est universellement; mais ils ne rentrent pas dans la catégorie collective, et ne méritent aucune célébration publique, ni artistique, ni poé
tique. Chacun les célèbre comme il peut, et cela suffit. Ceux qui s’abstiennent en pareil cas, noie font certainement pas exprès.
Quels sont donc ces actes qui caractérisent la vie collective? Sans se montrer ni trop pointilleux, ni trop exigeant, on peut demander à les mieux connaître.
Le tirage au sort rentre fort bien dans la définition; la nation fait encore acte de vie collective quand elle se réunit dans ses « comices », comme on dit en langage figuré.
Il n’existe pas chez nous le moindre comice, ce qui nd nous empêche pas, paraît-il, d’y voler avec plus ou moins d’empressement. En dehors de cos deux cas plutôt particu
liers, existe-il beaucoup d’actes collectifs? Nous 1 ignorons, tout en le souhaitant, car ceux-ci ne nous sembleraient guère
aptes à éveiller la verve et l’imagination des artistes et des poètes.
Ce sont des actes à accomplir en toute conscience, mais
LA CONSTRUCTION MODERNE
2e Série. 10e Année. N° 41.XXe Année de la Collection
ACTUALITÉS
FÊTES CIVILES ET HUMAINES
On se souvient encore de ce profond penseur qui voulait instituer des premières communions laïques. M. Géraull- Richard est moins exigeant : il demandait, ces jours-ci, que l’on donnât dorénavant des étiquettes civiles aux fêtes religieuses . La foule a conservé l’habitude traditionnelle de chômer celles-ci, lors même qu’elle ne songe guère à les célé
brer; mais enfin, le simple chômage suffit à perpétuer une tradition que l’honorable député ne juge ni utile ni surtout, nécessaire.
Ne pouvant guère songer à supprimer ces fêtes, jugées par lui plutôt malencontreuses, il souhaite tout au moins de les « démarquer » en en changeant les dénominations. Ce serait, pense-t-il, autant de gagné.
Un artiste et un poète, M. Eugène Carrière et M. Charles Morice, n’estiment point suffisant cc modeste progrès. Selon eux les fêtes publiques ne devraient pas se contenter d’être civiles, il faut qu’elles deviennent «humaines ». Qu’entendent-il loger sous cette désignation, certainement généreuse, mais un peu vague? C’est ce qu un certain nombre de per
sonnes n’avaient sans doute pas bien saisi du premier coup;
aussi le poète et l’artiste ont-ils compris la nécessité d’une réunion devant laquelle ils pourraient exposer leur programme d’une manière plus précise.1
La réunion eut lieu au café de l’Univers, qui n’a peut-être lias tous les jours l’occasion do remplir une si haute et pure mission Si l’Univers n’avait pas pu répondre tout entier à l’appel, il n’en est pas moins certain, dit-on, que l’assistance fut très suffisamment nombreuse.
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M. Charles Morice, d’abord, expliqua à son auditoire que
les artistes et les poètes doivent être consultés chaque fois qu’on veut célébrer un acte de la vie collective. Cette con
ception n’a en soi rien d’exorbitant: le concours des uns et des autres n’est pas de ceux qu’on puisse dédaigner de parti pris. Il interviendra donc chaque fois, mais « sans participer aux déploiements officiels du faste ».
Evidemment de plus amples explications seront ultérieurement données ; elles sont nécessaires, d’abord pour nous
dire au juste quels sont les actes de vie collective dont il est ici question et qu’il faudra célébrer. C’est ce qu’on pourrait n’apercevoir pas très distinctement d’un premier coup d’œil. Le déjeuner et le dîner, par exemple, sont des actes delà vie extrêmement répandus, si ce n’est universellement; mais ils ne rentrent pas dans la catégorie collective, et ne méritent aucune célébration publique, ni artistique, ni poé
tique. Chacun les célèbre comme il peut, et cela suffit. Ceux qui s’abstiennent en pareil cas, noie font certainement pas exprès.
Quels sont donc ces actes qui caractérisent la vie collective? Sans se montrer ni trop pointilleux, ni trop exigeant, on peut demander à les mieux connaître.
Le tirage au sort rentre fort bien dans la définition; la nation fait encore acte de vie collective quand elle se réunit dans ses « comices », comme on dit en langage figuré.
Il n’existe pas chez nous le moindre comice, ce qui nd nous empêche pas, paraît-il, d’y voler avec plus ou moins d’empressement. En dehors de cos deux cas plutôt particu
liers, existe-il beaucoup d’actes collectifs? Nous 1 ignorons, tout en le souhaitant, car ceux-ci ne nous sembleraient guère
aptes à éveiller la verve et l’imagination des artistes et des poètes.
Ce sont des actes à accomplir en toute conscience, mais