.sans qu’ils donnent lieu à des réjouissances bien extraordinaires.
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Puisqu’on paraît y tenir on ne manquera pas d’en découvrir d’autres. M. Charles Morice semble d’ailleurs en avoir l’absolue certitude. Aussi demande-t-il, dès à présent, la cons
titution d’un comité indépendant d’artistes et de poètes, qui se chargera d’élaborer des projets de fêtes, « mais de fêtes réelles et non purement nominales, qui revêtiront de splendeurs la nudité de la vie moderne ».
On a vu tout à l’heure que les instigateurs des fêtes destinées à devenir franchement «humaines» ne veulent plus entendre parler de ce qu’ils appellent le déploiement du faste officiel. Pour fastueux qu’on le dise, le matériel habituel de ce déploiement est plutôt simple, modeste et très peu varié : velours rouge et crépines d’or, mâts de cocagne, écussons peints et drapeaux, il n’est jamais, de mémoire d’homme,
sorti de là. Méritait-il donc le reproche de trop nous éblouir d’un faste prodigieux?
Sincèrement, nous croyons ce blâme exagéré. Quoi qu’il en soit, la nouvelle organisation prétend rejeter loin d’elle ce matériel, vieux et fidèle serviteur qui a dépassé de loin l’âge des ferventes innovations et des originalités primesautières. L’homme étant essentiellement ingrat, il se pourrait qu’une telle disparition ne laissât, dans les générations futures, quodes regrets excessivement modérés. Mais alors il faut sc demander : Par quoi le remplacerait-on?
Il faudrait donc recourir à l’initiative privée, excellente personne qui doit avoir toutes les vertus, tant on en dit de bien, mais qui ne donne pas toujours des preuves bien évidentes de son ardeur ni de son savoir-faire.
Tout récemment, la décoration improvisée de la capitale, pour une royale réception, fut l’œuvre collective d’un grand nombre d’initiatives privées; mais la plus grande privation dont elles eurent à souffrir fut celle d’un accueil véritablement enthousiaste.
Donc, si l’on compte démesurémentsur cette initiative pour élever très haut la valeur esthétique de nos manifestations nationales, on pourrait bien s’exposera quelques déceptions. Il faudra que les artistes et les poètes travaillent ferme pour arriver à un résultat satisfaisant.
Les artistes nous fourniront peut-être des décors nouveaux, plus originaux que par le passé. Tout est possible. Quant aux poètes... Qu’est-ce que pourront bien nous appor
ter les poètes? Des vers de circonstance? Espérons que non. De simples conceptions poétiques? Des épithètes rares? Des envolées dans le bleu?
Combien en faudra-t-il réunir et accumuler pour arriver, comme on nous le promet, à revêtir de splendeurs la nudité de la vie moderne? Celle-ci est si difficile à habiller et les rêves politiques sont d’un tissu si léger et si transparent !
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Problèmes ardus et cruelles énigmes, comme dit M. Bourget. Ne désespérons pas, cependant: un comité, extrêmement indépendant, composé d’esthètes de l’art et de la pensée, est constitué dès à présent: l’Univers (café) fut son berceau. Il est chargé de résoudre ces mille petites difficultés matérielles qui ne sont, après tout, que d’ordre tout à fait secondaire. Ce
comité réunira, n’en doutons pas, autant de splendeurs qu’il sera nécessaire, et fera définitivement disparaître, par souscription ou autrement — en temps de fête humaine — la regrettable nudité que l’on signale à notre attention.
Cette partie de la tâche que s’était imposée la réunion étant ainsi et heureusement accomplie, M. Eugène Carrière prit à son tour la parole. Sortant des généralités préliminaires et obligatoires, il avait une proposition ferme à présenter.
Comme il le fit très justement observer: « La prochaine fête du 14 juillet a besoin d’un intérêt nouveau, vivant ». Il


conviendrait donc de joindre à cette commémoration d’une prise de la Bastille celle d’une Fête de la Fédération des peuples, telle qu’elle fut jadis célébrée au Champ-de-Mars.


« Malgré la brièveté des délais, a dit M. E. Carrière, je pense qu’il serait possible, en invoquant la collaboration du
Conseil municipal, d’organiser simultanément, dans les vingt arrondissements de Paris, une commémoration historique de cette précieuse date, où les foules conscientes semblent s’être aperçu pour la première fois que la vraie patrie dépasse les frontières. »
Les circonstances présentes paraissent, à l’artiste très distingué qu’est M. Carrière, particulièrement indiquées pour rappeler à tous des vérités qui lui semblent incontestables et d’une frappante actualité.
Nous ne discuterons pas cette opinion, qui pourrait ne pas sembler à tous également indiscutable: tout dépend du point de vue d’où on l’envisage.
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D’autres propositions, d’une moindre altitude, furent soumises ensuite à la réunion. M. Jules Rais fut d’avis que l’on ferait bien d’exécuter la Symphonie avec chœurs de Beetho
ven. C’est incontestablement une excellente pensée: une symphonie doit parfaitement s’harmoniser avec une Fédéra
tion, et Beethoven est un grand maître. De plus, il se peut que l’audition des chœurs éveille, dans plus d’un esprit, des idées plus agréables et même d’un ordre plus élevé que ne faisaient les pots de fleurs et les simili-Wallace de l’avenue de l’Opéra.
Par malheur, il y a toujours, dans les réunions, des gens pratiques pour gâter les meilleures inspirations. M. Julien Tiersot n’eul-il pas la malencontreuse idée d’objecter que « peut-être » les éléments d’une exécution à peu près parfaite feraient-ils totalement défaut?
Sous les formes réservées de ce langage tout diplomatique, il n’est pas très difficile de deviner que, pour M. Tiersot qui
est musicien, cette tentative d’une exécution populaire et hâtive de la grande symphonie courrait quelque risque de
tourner en cacophonie civile, humaine, cérémoniale et foslivale. Il se pourrait que M. Tiersot eût semé des doutes graves dans les esprits qui constituaient son auditoire.
Hélas ! Pourquoi faut-il qu’un orateur si sensé ail — comme la plus belle médaille — son revers, etqu’après avoir
éloigné si justement do Beethoven le calice qui lui était indûment offert, il ait songé à le porter ailleurs?
Car M. Tiersot croit « opportun et facile » de donner au public l Hymne du 14 juillet, poésie de M. J. Chénier, musique de Gossec. Le dommage serait moindre, semble-t-il penser,