29 juillet 1905
LA CONSTRUCTION MODERNE
2° Série. 10e Année. N° 44.
XXe Année de la Collection.
PAS DE SQUARES ; PAS DE JARDINS
Si avancées que soient parfois les opinions du Conseil municipal de Paris, celui-ci est parfois singulièrement en retard.
Peu à peu s’est formée celle opinion générale, et qu’on ne discute même plus, en dehors de l’ilôtcl de Ville, que nos grandes cités ont besoin d’air, de soleil, de verdure; qu’il faut dorénavant multiplier, étendre les squares, les jardins, les parcs. A mesure que se pressent des constructions de plus en plus hautes, à mesure que disparaissent los surfaces inhabitées qui formaient nos derniers réservoirs d’air, on s est convaincu de la nécessité d’y remédier en créant ces espaces plantés qui sont les poumons, bien rudimentaires encore, de nos villes, Le Conseil municipal a prouvé, l’autre
jour, que ces vérités universellement reconnues cl partout proclamées, lui sont encore inconnues.
On vient de démolir l’ancien marché du Temple ; il était naturel qu’on voulût profiler de cette occasion pour agran
dir le médiocre square actuellement existant, bien insuffi
sant pour un quartier aussi populeux et qui, à toute heure, est aussi encombré que nos boulevards les plus mal fréquentés.
Le Conseil s’y est opposé ; les terrains seront vendus cl co square, déjà trop restreint, va être entouré, do toutes parts, par do hautes constructions, pour devenir un simple puits d’air stagnant.
Les arguments qui ont enlevé, haut la main, cette déraisonnable décision sont des plus remarquables, et dos plus curieux à citer; car ils prouvent combien peuvent être faux
à certains moments des esprits dont on était en droit d’attendre plus de clairvoyance.
Comme nous no voulons citer aucun nom en particulier
et évitons soigneusement toute personnalité, nous nous croyons d’autant plus autorisés à mettre en évidence l’absurdité de certains raisonnements tout à fait stupéfiants.
*
* *
Un dos premiers arguments mis en avant et qui ont le plus contribué a enlever la décision prise, fut celui-ci: la vente des terrains du Temple fournira l’argent nécessaire pour exécuter des réparations dans loulcs les mairies do Paris.
Est-il nécessaire d’exécuter des réparations immédiates dans toutes les mairies à la fois? C’est co qu’on est en droit de demander, et il est probable qu’on arriverait assez facile
ment à contester celte nécessité. Mais les conseillers ont aussitôt mordu à l’appât qui leur était offert. Songez donc : dos travaux partout, dans chaque arrondissement ! EL chaque conseiller pourra dire qu’il apporte à ses électeurs une part du gâteau.
Ce n est pas ici le gâteau des rois où un seul privilégié enlève la fève; tous sonl privilégiés à la fois.
On conçoitquo Loulc autre considération devait disparaître devant celle-ci ; et elle a disparu comme une ombre vaine. De l’hygiène dont on parle sans cesse, do la santé pour les populations pou favoriséos de ces quartiers, il n’a naturellement plus été question un seul instant.
MM. les conseillers éprouvaient ils quoique scrupule à laisser voir qu’ils se laissaient prendre à des intérêts aussi peu relevés?Toujours est-il qu’ils crurent nécessaire de jus
tifier leur refus d’une mesure salutaire par do plus hautes considérations. Celles-ci sonl tout à fait divertissantes sans cesser d’être profondément regrettables.
Voici la prouve décisive que découvrit tout d’abord l’un des conseillers présents.
« Si l’on invoque, disait-il, la salubrité des jardins publics, je répondrai que rien n’est moins salubre que certains jar
LA CONSTRUCTION MODERNE
2° Série. 10e Année. N° 44.
XXe Année de la Collection.
ACTUALITÉS
PAS DE SQUARES ; PAS DE JARDINS
Si avancées que soient parfois les opinions du Conseil municipal de Paris, celui-ci est parfois singulièrement en retard.
Peu à peu s’est formée celle opinion générale, et qu’on ne discute même plus, en dehors de l’ilôtcl de Ville, que nos grandes cités ont besoin d’air, de soleil, de verdure; qu’il faut dorénavant multiplier, étendre les squares, les jardins, les parcs. A mesure que se pressent des constructions de plus en plus hautes, à mesure que disparaissent los surfaces inhabitées qui formaient nos derniers réservoirs d’air, on s est convaincu de la nécessité d’y remédier en créant ces espaces plantés qui sont les poumons, bien rudimentaires encore, de nos villes, Le Conseil municipal a prouvé, l’autre
jour, que ces vérités universellement reconnues cl partout proclamées, lui sont encore inconnues.
On vient de démolir l’ancien marché du Temple ; il était naturel qu’on voulût profiler de cette occasion pour agran
dir le médiocre square actuellement existant, bien insuffi
sant pour un quartier aussi populeux et qui, à toute heure, est aussi encombré que nos boulevards les plus mal fréquentés.
Le Conseil s’y est opposé ; les terrains seront vendus cl co square, déjà trop restreint, va être entouré, do toutes parts, par do hautes constructions, pour devenir un simple puits d’air stagnant.
Les arguments qui ont enlevé, haut la main, cette déraisonnable décision sont des plus remarquables, et dos plus curieux à citer; car ils prouvent combien peuvent être faux
à certains moments des esprits dont on était en droit d’attendre plus de clairvoyance.
Comme nous no voulons citer aucun nom en particulier
et évitons soigneusement toute personnalité, nous nous croyons d’autant plus autorisés à mettre en évidence l’absurdité de certains raisonnements tout à fait stupéfiants.
*
* *
Un dos premiers arguments mis en avant et qui ont le plus contribué a enlever la décision prise, fut celui-ci: la vente des terrains du Temple fournira l’argent nécessaire pour exécuter des réparations dans loulcs les mairies do Paris.
Est-il nécessaire d’exécuter des réparations immédiates dans toutes les mairies à la fois? C’est co qu’on est en droit de demander, et il est probable qu’on arriverait assez facile
ment à contester celte nécessité. Mais les conseillers ont aussitôt mordu à l’appât qui leur était offert. Songez donc : dos travaux partout, dans chaque arrondissement ! EL chaque conseiller pourra dire qu’il apporte à ses électeurs une part du gâteau.
Ce n est pas ici le gâteau des rois où un seul privilégié enlève la fève; tous sonl privilégiés à la fois.
On conçoitquo Loulc autre considération devait disparaître devant celle-ci ; et elle a disparu comme une ombre vaine. De l’hygiène dont on parle sans cesse, do la santé pour les populations pou favoriséos de ces quartiers, il n’a naturellement plus été question un seul instant.
MM. les conseillers éprouvaient ils quoique scrupule à laisser voir qu’ils se laissaient prendre à des intérêts aussi peu relevés?Toujours est-il qu’ils crurent nécessaire de jus
tifier leur refus d’une mesure salutaire par do plus hautes considérations. Celles-ci sonl tout à fait divertissantes sans cesser d’être profondément regrettables.
Voici la prouve décisive que découvrit tout d’abord l’un des conseillers présents.
« Si l’on invoque, disait-il, la salubrité des jardins publics, je répondrai que rien n’est moins salubre que certains jar