le square sollicité se trouve au moins à la distance fixée par les règlements.
Sans quoi où irions-nous? Et à quoi servirait le système décimal?
*
* *
En outre, l’esthétique elle-même condamne nos prétentions; et c’est ce qu’a judicieusement rappelé un autre conseiller. Quand l’Esthétique et l’Hygiène sainement et ration
nellement comprises sont contre nous, aurions-nous encore quelque droit d’insister?
Evidemment non ; on nous l’a rappelé à temps : « Si j’en avais le loisir, affirmait cet autre conseiller, je n’aurais pas de peine à démontrer que le square est un élément absolu
ment négligeable dans la santé du quartier; et je préfère
mille fois, pour le bien de tous, de belles maisons et de larges rues ! »
Mais, cher monsieur, répéterons-nous encore : nul ne s’oppose à ce que vous éleviez de belles maisons et sachiez créer de larges rues ; ceci n’empêche nullement d’y adjoindre des squares, bien qu’ils vous paraissent, à vous, absolument négligeables. Comme vous, nous préférons de belles con
structions à d’abominables masures ; nous préférons aussi de larges voies, des avenues tant que vous en voudrez, à des ruelles tortueuses et infectes, puisque nous demandons : de l’air, toujours de l’air.
Seulement, nous faisons remarquer que, dans les quartiers populeux principalement, il y a plus encore et mieux à faire. Les passants sont dignes d’intérêt; mais les femmes qui ont besoin de travailler dans de plus saines conditions que ne comportent malheureusement les chambres ouvrières;
mais les enfants qu’il faut laisser s’ébattre librement au grand air, en des endroits paisibles et sûrs, nous paraissent mériter un intérêt tout aussi justifié. Les façades plus ou moins heureusement sculptées et les rues convenablement alignées ne nous paraissent donner aucune satisfaction à un besoin qui, pour n’être pas aussi esthétique, dites-vous, n’en est pas moins pressant.
Voilà le point sur lequel nous ne sommes nullement d’accord avec l’opinion très sentimentale de l’honorable conseiller.
*
* *
Et voilà pourquoi, et comment, pour le plus grand bienêtre de la population et pour la plus grande gloire de toutes nos mairies, on va nous dispenser d’un nouveau square situé à 130 mètres de la place de la République ; pourquoi et comment on nous évitera un tel gaspillage et une telle superfé
tation qui blesseraient toutes les mesures, toutes les règles d’une sage administration.
Le petit square actuel échappera à la proscription par son infimité même ; car on se montre vraiment prodigue à notre égard; on tolérera qu’il subsiste. Mais on val’enclaverentre de hautes bâtisses, le circonscrire entre tant de murs, le con
vertir si bien en puits d’ombre et d’humidité, qu’on lui enlèvera tout le caractère nuisible que sa conservation aurait pu faire redouter.
Peut-être même n’aura-t-on pas besoin de couper les maigres arbres qui abritent théoriquement ce modeste refuge etavaienteu le courage de résister à la poussière asphyxiante
aux infiltrations du gaz souterrain ; de supprimer les pelouses qui persistaient à végéter misérablement. On peut compter que la forte enceinte des belles maisons sera capable de convertir en caveau celte ombre de square : arbres et pelouses ne tarderont pas à disparaître d’eux-mêmes.
Sans violences regrettables, de la part d’une administration toujours tutélaire, ils expieront ainsi le tort d’être nés dans un rayon qui n’excédait pas 130 mètres. Ils dispa
raîtront : et ce sera Justice. Ce sera également joie légitime et parfaite santé.
EXPOSITION DE VENISE
L’Exposition internationale de Venise, tout en étant une exposition de tableaux et de statues, ainsi que d’objets d’art décoratif et de dessins, intéresse profondément l’architecte
et le décorateur qui cherche Savoie partout dans le sens de la beauté architecturale et décorative. La raison en est facile
ment explicable: c’est que les organisateurs de celte Exposi
tion, ainsi que de celle qui, à Venise, l’a précédée, loin de se borner aux tableaux, aux statues et aux objets d’art, ont voulu créer un « milieu », décorer les salles en harmonie avec les ouvrage artistiques destinés à y être réunis.
Ainsi, à Venise, on doit chercher la beauté, non seulement dans les toiles, mais aussi dans le « milieu ».
Cette manière de voir les choses d’art est tout à fait moderne; et ce n’est point une nouveauté que nous offre la Reine de l’Adriatique avec l’Exposition de cette année; aussi, plutôt que de parler de l’idée qui, à Vienne, Darmstadt, Munich et Dusseldorf, produisit des résultats remarquables, je veux parler un instant du résultat obtenu à Venise.
D’abord, je remarquerai que Venise lança leprojetpour la décoration des milieux, à l’époque de sa précédente Exposition internationale (1903). Ce projet, alors, fut réalisé seule
ment par les exposants italiens qui, réunis par régions, selon
la classification géographique delà Péninsule, produisirent un nombre de salles décorées selon le goût des régions italiennes.
Du résultat de cette décoration je vous ai parlé, à l’occasion de l’Exposition de 1903, vous disant que l’épreuve, si elle laissait quelque chose à désirer, attira néanmoins les éloges de la critique courtoise et savante. Naturellement, les salles régionales de 1903 n’étaient pas au même degré inté
ressantes ; au contraire, quelques salles inspiraient des réserves.
Toutefois, pour un premier essai, il y avait à se réjouir et à bien augurer de l’avenir.
Cela est d’autant plus vrai que l’actuelle Exposition a voulu élargir le cadre de son projet et demander aux Etats étrangers leur concours pour la décoration des « milieux
de leurs propres salles, et l’invitation de Venise eut le plus grand succès.
Ainsi répondirent àl’appel vénitien les Etats suivants : France (avec un Comité composé do P.-A. Desnard, A. Charpentier, G, Soulier); Allemagne (avec un Comité composé de H. Hahn,
Sans quoi où irions-nous? Et à quoi servirait le système décimal?
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En outre, l’esthétique elle-même condamne nos prétentions; et c’est ce qu’a judicieusement rappelé un autre conseiller. Quand l’Esthétique et l’Hygiène sainement et ration
nellement comprises sont contre nous, aurions-nous encore quelque droit d’insister?
Evidemment non ; on nous l’a rappelé à temps : « Si j’en avais le loisir, affirmait cet autre conseiller, je n’aurais pas de peine à démontrer que le square est un élément absolu
ment négligeable dans la santé du quartier; et je préfère
mille fois, pour le bien de tous, de belles maisons et de larges rues ! »
Mais, cher monsieur, répéterons-nous encore : nul ne s’oppose à ce que vous éleviez de belles maisons et sachiez créer de larges rues ; ceci n’empêche nullement d’y adjoindre des squares, bien qu’ils vous paraissent, à vous, absolument négligeables. Comme vous, nous préférons de belles con
structions à d’abominables masures ; nous préférons aussi de larges voies, des avenues tant que vous en voudrez, à des ruelles tortueuses et infectes, puisque nous demandons : de l’air, toujours de l’air.
Seulement, nous faisons remarquer que, dans les quartiers populeux principalement, il y a plus encore et mieux à faire. Les passants sont dignes d’intérêt; mais les femmes qui ont besoin de travailler dans de plus saines conditions que ne comportent malheureusement les chambres ouvrières;
mais les enfants qu’il faut laisser s’ébattre librement au grand air, en des endroits paisibles et sûrs, nous paraissent mériter un intérêt tout aussi justifié. Les façades plus ou moins heureusement sculptées et les rues convenablement alignées ne nous paraissent donner aucune satisfaction à un besoin qui, pour n’être pas aussi esthétique, dites-vous, n’en est pas moins pressant.
Voilà le point sur lequel nous ne sommes nullement d’accord avec l’opinion très sentimentale de l’honorable conseiller.
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Et voilà pourquoi, et comment, pour le plus grand bienêtre de la population et pour la plus grande gloire de toutes nos mairies, on va nous dispenser d’un nouveau square situé à 130 mètres de la place de la République ; pourquoi et comment on nous évitera un tel gaspillage et une telle superfé
tation qui blesseraient toutes les mesures, toutes les règles d’une sage administration.
Le petit square actuel échappera à la proscription par son infimité même ; car on se montre vraiment prodigue à notre égard; on tolérera qu’il subsiste. Mais on val’enclaverentre de hautes bâtisses, le circonscrire entre tant de murs, le con
vertir si bien en puits d’ombre et d’humidité, qu’on lui enlèvera tout le caractère nuisible que sa conservation aurait pu faire redouter.
Peut-être même n’aura-t-on pas besoin de couper les maigres arbres qui abritent théoriquement ce modeste refuge etavaienteu le courage de résister à la poussière asphyxiante
aux infiltrations du gaz souterrain ; de supprimer les pelouses qui persistaient à végéter misérablement. On peut compter que la forte enceinte des belles maisons sera capable de convertir en caveau celte ombre de square : arbres et pelouses ne tarderont pas à disparaître d’eux-mêmes.
Sans violences regrettables, de la part d’une administration toujours tutélaire, ils expieront ainsi le tort d’être nés dans un rayon qui n’excédait pas 130 mètres. Ils dispa
raîtront : et ce sera Justice. Ce sera également joie légitime et parfaite santé.
P. PLANAT. LETTRE D’ITALIE
EXPOSITION DE VENISE
L’Exposition internationale de Venise, tout en étant une exposition de tableaux et de statues, ainsi que d’objets d’art décoratif et de dessins, intéresse profondément l’architecte
et le décorateur qui cherche Savoie partout dans le sens de la beauté architecturale et décorative. La raison en est facile
ment explicable: c’est que les organisateurs de celte Exposi
tion, ainsi que de celle qui, à Venise, l’a précédée, loin de se borner aux tableaux, aux statues et aux objets d’art, ont voulu créer un « milieu », décorer les salles en harmonie avec les ouvrage artistiques destinés à y être réunis.
Ainsi, à Venise, on doit chercher la beauté, non seulement dans les toiles, mais aussi dans le « milieu ».
Cette manière de voir les choses d’art est tout à fait moderne; et ce n’est point une nouveauté que nous offre la Reine de l’Adriatique avec l’Exposition de cette année; aussi, plutôt que de parler de l’idée qui, à Vienne, Darmstadt, Munich et Dusseldorf, produisit des résultats remarquables, je veux parler un instant du résultat obtenu à Venise.
D’abord, je remarquerai que Venise lança leprojetpour la décoration des milieux, à l’époque de sa précédente Exposition internationale (1903). Ce projet, alors, fut réalisé seule
ment par les exposants italiens qui, réunis par régions, selon
la classification géographique delà Péninsule, produisirent un nombre de salles décorées selon le goût des régions italiennes.
Du résultat de cette décoration je vous ai parlé, à l’occasion de l’Exposition de 1903, vous disant que l’épreuve, si elle laissait quelque chose à désirer, attira néanmoins les éloges de la critique courtoise et savante. Naturellement, les salles régionales de 1903 n’étaient pas au même degré inté
ressantes ; au contraire, quelques salles inspiraient des réserves.
Toutefois, pour un premier essai, il y avait à se réjouir et à bien augurer de l’avenir.
Cela est d’autant plus vrai que l’actuelle Exposition a voulu élargir le cadre de son projet et demander aux Etats étrangers leur concours pour la décoration des « milieux
de leurs propres salles, et l’invitation de Venise eut le plus grand succès.
Ainsi répondirent àl’appel vénitien les Etats suivants : France (avec un Comité composé do P.-A. Desnard, A. Charpentier, G, Soulier); Allemagne (avec un Comité composé de H. Hahn,