La vente d’immeubles par appartements et la loi fiscale
L
e montant élevé des, droits fiscaux constitue géné
ralement une prime à la fraude : c’est une règle de tous temps constatée, mais plus encore dans la période où nous vivons, au cours de laquelle l’Etat,
pour faire face à une situation financière délicate, sinon à un moment donné périlleuse, a dû, à la fois élever à des taux prohibitifs les tarifs d’impôts déjà existants et instituer de lourdes taxes nouvelles. Parmi les modes d’évasion usités, le plus commun consiste à dissimuler une partie de la valeur imposable : pour les ventes, par exemple, on n’énonce dans l’acte qu’une fraction du prix réel ; mais tous sont plus ou moins rudimentaires et leur conséquence la plus claire, c’est qu ils exposent leurs auteurs à des sanctions redoutables. A côté de ces procé
dés que nous qualifierons volontiers de « frustratoires »,
il en est, au contraire, qui sont parfaitement licites et équitables parce qu’ils découlent de l’interprétation judi
cieuse de la loi ou de la combinaison des textes ; ils sont la maille relâchée du filet fiscal au travers de laquelle
chacun peut, en toute quiétude, passer ; ils témoignent même, chez ceux qui les mettent en usage, d’une certaine sagacité.
Nulle matière, plus que les ventes d’immeubles par appartements, ne se prêtait le mieux à .leur application.
Ce genre de vente immobilière s’est répandu, depuis quelques années, au point de passer dans les mœurs ; le public ne s’arrête pas aux difficultés qui peuvent naî
tre d’un état de copropriété mitigée, car si chacun est, en fait, possesseur ou propriétaire exclusif de son appar
tement, il est, néanmoins, dans l’immeuble des parties communes, notamment le sol, les escaliers, la toiture qui doivent faire l’objet d’un statut particulier.
Sans doute faut-il voir simplement dans cette vogue le désir pour chacun de s’assurer un logement et de parer ainsi d’une manière définitive à la crise actuelle, ou en
core, la possibilité, en un temps où, suivant l’ordre des choses, les immeubles ont atteint une valeur élevée, de devenir propriétaire foncier dans les limites de ses facultés. Mais, peut-être aussi l’économie de droits de muta
tion aussi considérables que ceux qui frappent les ventes d’immeubles et qui grèvent d’autant les prix d’achat, n’y est-elle pas étrangère.
En tant que vente de biens immobiliers, les ventes d’appartements sont normalement passibles des droits de mutation à titre onéreux prévus pour les conventions de l’espèce ; ces droits sont actuellement de 15 pour 100,
portés à ce taux par l’article 30 de la loi du 4 avril 1926 et il s’y ajoute, lorsque le prix dépasse 300.000 francs, une surtaxe instituée par l’article 3 de la loi du 13 juillet 1925 et fixée à 1,20 pour 100 sur la partie du prix com
prise entre 300.000 et 500.000 francs, et à 2,40 pour 100 sur la (partie du prix qui excède 500.000 francs. En outre, sauf exemptions spéciales en faveur des locaux d’habi
tation nouvellement construits et vendus soit avant d’être achevés, soit dans l’année de leur achèvement, il est dû une taxe de 7 pour 100 dite « taxe complémentaire et exceptionnelle de première mutation » en vertu de l’article 18 de la loi du 3 août 1926.
Le total, on le constate, atteint un joli chiffre ! Deux méthodes sont employées pour les éviter.
I.a plus simple, lorsqu’il s’agit d’immeubles à construire, consiste à réunir les acquéreurs éventuels et à effectuer la construction en leur nom ; chaque proprié
taire d’appartement futur ne fait pas acte d’acheteur : il participe seulement aux frais de la construction.
Mais, outre qu’elle ne peut jouer pour des immeubles déjà construits, elle est doublement limitée dans son champ d’application : il peut être, tout d’abord, malaisé d’avoir sous la main des acquéreurs préalablement et par anticipation ; au surplus, l’économie des droits ne pro
fite qu’à la première mutation, car il est évident que le bénéficiaire d’un appartement acquis dans ces conditions est investi d’un droit de propriété complet et parfait et que la revente qu’il pourra consentir par la suite, emportera mutation dans les formes du droit commun.
Aussi n’v a-t-il lieu, en définitive, de le mentionner que pour mémoire.
Le plus pratique, par contre, est la constitution d’une société ; c’est la société qui, dès l origine, est propriétaire de l’immeuble, soi! qu’il ait fait l’objet d’un apport so
cial, soit qu’elle l’ait fait édifier au moyen des fonds mis en commun. Ce que chaque acquéreur éventuel d’appar
tement reçoit, ce n’est point un droit immobilier, mais un nombre d’actions ou de parts d’intérêts — suivant la forme de la société, — correspondant au montant de son prix ; pour la garantie de ses droits d’occupant, il lui est consenti, en même temps et pour toute la durée de la société, une location portant sur l’appartement par lui choisi ; toute rétrocession qu’il consentira s’opérera, de cette façon, par la voie d’une simple cession d’actions ou de parts et d’une cession de droit au bail.
La constitution de la société donne lieu à un droit de 3 pour 100 sur le montant des apports et il s’y ajoute dans l’une des deux hypothèses que nous avons prévues, —celle où l’immeuble déjà construit a été mis en société,
— mais seulement dans cette hypothèse, une taxe de transcription de 2,40 pour 100. Les acquisitions ou ces
sions de parts d’intérêt ne sont passibles que d’un droit de 1,08 pour 100 ; les baux et cessions de baux sont tarifés à 0,72 pour 100.
Chaque transmission, on le voit, s’opère ainsi à peu de frais ; nous sommes loin, en tous cas, des tarifs considérables des mutations immobilières !
Ce sont là des avantages fiscaux, mais dans un autre ordre d’idées, il n’est peut-être pas inutile d’en faire valoir un autre non moins appréciable : l’occupant n’a à