L’Hôtel Radio à Paris


Brasserie = Restaurant = Dancing Par M. Maurice JALLOT, Architecte.
(Planches 185 à 188)


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S architectures nouvelles conviennent-elles pour la réalisation de tous les programmes que nous impose la vie moderne ? L’emploi de certains matériaux et les par
tis auxquels ils donnent lieu ne sonl-ils point, vu leur raideur, .leur sécheresse, leur tendance à abstraction,
contradictoires avec ce goût du confort et ce besoin de plaisir qui caractérisent notre, époque. ?
11 est curieux, à cet égard, de voir comment se sont transformés, dans leurs dispositions et leur aspect, les lieux où se réunit le public : salles de spectacle, cafés, res
taurants, lieux où il affirme sa sociabilité et sa manière de vivre en commun.
11 faut bien le dire, et en dépit de la part intense qui revient à la lumière — lumière du jour ou lumière arti
ficielle — pour créer une atmosphère agréable, rares sont les ensembles qui nous donnent absolument satisfaction.
Le mauvais goût règne souvent en maître dans ces arrangements, qu’on a vu un peu partout se multiplier de
puis quelque temps, sans souci des harmonies de lignes et de couleurs, et qui pourtant, si nous en jugeons d après quelques établissements montparnassiens ou montmartrois, paraissent avoir la faveur du public actuel.
Ces considérations me font trouver plus estimable encore l’œuvre-réalisée par Maurice Jallot, jeune artiste à qui ont été confiées Γarchitecture et la décoration de la salle de brasserie, du restaurant et du dancing, de l’Hôtel Radio, à l’angle du boulevard de Clichy et de la rue Coustou.; ,
On conviendra que le programme qui lui était proposé — installer, à deux pas de la place Blanche, aux flancs du Montmartre qui s’amuse, un établissement voué au luxe
et au plaisir — pouvait parait ré rempli de redoutables tentations.
Plus qu’ailleurs, peut-être, il importait de le traiter avec beaucoup de mesure et de goût.
C’est ce qu’a fort bien compris Maurice Jallot et. aussi bien dans l’économie du plan, dans le choix du matériel et des matériaux, il a montré que l’art d’être moderne,
Part de créer une ambiance aimable, pouvait se concilier avec le besoin, auquel nous faisions plus haut allusion,
d’attirer, par le jeu brutal des éclairages intenses, une clientèle qui semble de moins en moins accessible aux charmes de l’intimité, à cette vie benoîte et quiète dont s’enchantaient ceux de naguère et d’autrefois.
Voyez avec quelle délicate psychologie et quelle distinction Maurice Jallot a su sauvegarder le principe de ces oasis de calme confort auquel, pour notre part, nous obstinons à demeurer attaché.
Après avoir aménagé la porte d’entrée et le bureau de
l hôtel avec un soin qui permettait d’augurer de ses qualités d’équilibre et de franchise, Maurice Jallot s’attaqua au problème plus difficile, en raison de la conformation du local, inscrit dans un V, de répartir judicieusement les masses d’un vaisseau occupé, au rez-de-chaussée par une brasserie, au premier étage par un restaurant, celuici dominant celle-là.
L’archilecte a su opter pour un plan, ramené à la plus grande simplicité, simplicité largement rachetée par les franches tonalités et les finesses de détail dont se compose cet harmonieux ensemble.
De hauts piliers anguleux en béton, revêtus de plaques de marbre Napoléon, supportent les poutres en pierre qui compartimentent le plafond. Le sol est une mosaïque exé
cutée dans les tons beige et, de place en place, de grands cercles on fragments de cercles noirs, avec des bandes en gris violacé, dessinent des mouvements intéressants, s’accordant à la silhouette des tables rondes, et surtout accen
tuant l’arc que décrit une porte qui s’ouvre, ou qui se ferme.
On distingue, sur notre photo, la plaisante sinuosité que décrivent les banquettes arrondies, tendues de bleu, esquissant sur le pourtour de la salle commune Comme autant d’alvéoles indépendantes les unes des autres, solution que goûtent -ceux qui aiment, malgré le bruit environnant, causer et s’entendre causer.
De la galerie qui. du restaurant, permet aux regards de plonger sur cet ensemble, vous vous rendrez compte de 1 effet produit par les diverses recherches de tons ; vous remarquerez les touches claires et gaies jetées par les gué
ridons ronds alternant avec les tables carrées, meubles de Thonet en merisier jaune paille, de même que les sièges, également de Thonet, et dont le bâti acajou s’harmonise avec le coloris clair du dossier.
L’éclairage indirect a prévalu. De grandes dalles de staff, des corniches lumineuses et de grand piliers éclai
rants répandent une note radieuse, qui n’offusque pas la vue.
Les pilastres de bois et de verre encadrent les prestigieuses laqués de Léon Jallot, qui a emprunté à une jungle d’une ravissante fantaisie les thèmes de ses magnifiques panneaux rouge et or. Un escalier muni d’une grille fa
çonnée par Subes, d’après les dessins de Maurice Jallot, recevant le jour par une haute verrière à motifs dissymétriques exécutée par Haguenauer, conduit à la salle du restaurant.
On remarque d’emblée l’air d’aisance, le luxe authentique et discret de cette salle, qu’éclairent de larges baies tendues de voiles de Coudyser,