LA PEINTURE EN ESPAGNE ET EN PORTUGAL Ph. Lacoste.
Madrid, Prado. F. GOYA — ESQUISSE POUR LE TABLEAU
DE LA FAMILLE DE CHARLES IV
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i. agk contemporain
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a grâce et le bon goût : telles étaient les deux qualités manquantes à la peinture espagnole au début du xvme siècle. Au « baroquisme» exalté de Luca Giordano succéda l’art aimable, courtisan, fin et galant, nettement français, de Louis-Michel van Loo. Celui-ci, qui avait résidé plusieurs années à Madrid, vint remplacer Jean Ranc (né à Montpellier en 1674, mort à Madrid en 1734) dans la charge de peintre ordinaire de Philippe V.
Cet art devait forcément faire contraste avec celui qui s’était développé en Espagne à la fin du siècle précédent.
Les Bourbons — on aura beau dire le contraire — cherchèrent à diriger et réglementer le goût public d’après celui de leur pays, quoique le résultat n’en ait pas été, sur le moment, très favorable. On prétendit alors procéder de même que du temps de Philippe IL La présence dans notre pays d’artistes italiens (Amiconi, Corrado Giaquinto, Procaccini, etc.) et français (Ranc, Houasse père et fils, etc.) et la création de l’Académie Royale de San Fernando (1752), où d’abord les artistes étrangers étaient mêlés aux nationaux, ne pouvaient qu’influer sur les orientations futures.
Le Vénitien Jean-Baptiste Tiépolo et son fils Dominique cultivèrent à Madrid le genre décoratif et sous cet aspect, comme « fresquistes», ils suivent la direction imprimée par Giordano. Si grande que fût leur autorité, elle ne prévalut pas sur celle d’Antoine Raphaël Mengs (1728-1779), Allemand, peintre raffiné et érudit, ami de Winckelmann. Epris des théories esthétiques de celui-ci, éduqué en Italie et enthousiaste des classiques, il créa un art pictural qui, sans être fondamental ni nourri dé la substance de celui qui s’était toujours pratiqué en Espagne, avait la faculté de révéler l’esprit de son temps. Mengs était bel et bien l idole de ses contemporains, et voilà pourquoi le Roi Charles III le fit venir à sa Cour en 1761. Là, tout en peignant assidûment, il appliqua son influence à détrôner le « baroquisme » régnant qui, à cette éqoque, étendait son empire sur la peinture. Mais ni Tiépolo d’abord, ni Mengs ensuite ne réussirent à s’imposer tout à fait. Antonio Gonzalez Velâzquez (1729-1793), et auparavant l’Italien Corrado, qu’il imitait, avaient remporté d’assez grands succès. A l’arrivée de Mengs à Madrid, on y voyait briller les Bayeu, Maella, Castillo, Ferro, peintres affiliés au style baroque. L’aînédes frères Bayeu, Francisco
(1734-1795), Aragonais, eut pour éducateur Luzan, disciple des maniéristes italiens, puis étudia aux côtés de Mengs. L’Académie le nomma membre méritoire et Directeur. Comme décorateur, il se distingua par ses travaux au Palais-Royal de Madrid. Ses œuvres, dans leur froideur, dénotent une facilité et une correction réelles. Pour le juger, ainsi que ses contemporains, il convient de ne pas oublier l’époque.
Son frère Ramon (1746-1793) a moins d’importance. Plus grande est celle de Josédel Castillo (1737- 1793) qui, après avoi r travaillé à Rome avec Corradi, revint dans sa patrie. Sur les indications de Mengs, il peignit des œuvres destinées à servir de modèles à la manufacture de tapisseries, et des portraits.
Mariano Salvador Maella, artiste fécond, naquit à Valence (1739-1812). Lui aussi reçut les enseignements de Mengs. Semblable, par ses procédés picturaux, à ses contemporains, il les surpasse en promptitude et en aisance.
Moins réputé, Gregorio Ferro (1742-1812), imitateur de Mengs, accompagna Don Antonio Ponz dans plusieurs de ses voyages à travers la Péninsule et ses conseils et connaissances se reflètent dans les écrits de ce dernier.
Troisième article de “La Peinture en Espagne et en Portugal”