1. Vodka : eau-de-vie russe.
aussi chauds que rigoureux les hivers. Et lors de la Foire d’Eté, qui attire de cent lieues à la ronde commerçants et cultivateurs, Danilo,
Gavrilo et Ivane, les sacs de blé chargés sur la voiture, se rendaient au chef-lieu et s’en revenaient chantant, le porte-monnaie gonflé de pièces d’or et d’argent. Ce soir-là, on buvait de la vodka1, tant et tant que le lendemain personne ne s’éveillait avant midi.
Un matin de Mai, qui était ensoleillé à souhait et dorait merveilleusement les épis, il arriva une chose extraordinaire et inquiétante.
Le père, allant aux champs, trouva toute une partie de ceux-ci saccagés. On eût dit que des inconnus, chaussés de gros sabots, avaient foulé aux pieds les blés, et pour le seul plaisir de dévaster.
De mémoire d’homme on n’avait vu pareille affaire. Dans ce pays où la terre nourrit les habitants, la récolte est chose sacrée.
Le déjeuner fut triste. Les quatre compagnons mangèrent en silence et sans appétit. Lorsqu’ils en eurent terminé, le père prit la parole.
« Mes fils, dit-il, comme moi, vous connaissez le malheur qui nous frappe. Une partie de notre récolte est irrémédiablement perdue. Les malfaiteurs peuvent
revenir et achever notre ruine. Il faut y pourvoir.
D’abord, quel est le coupable ? Avez-vous un
indice ?
« Pour moi, j’avoue que je ne puis soupçonner valablement personne. Toi, Danilo, qui es l’aîné, parle le premier. »
Danilo, grand et beau gaillard aux cheveux blonds, à l’œil clair, secoua la tête et, après un temps, répondit :
« Père, en vérité, je n y comprends rien. Les dégâts ne sont que trop visibles, hélas ! Mais quant aux empreintes du malfaiteur, on dirait qu’il n’en a point
laissé : du moins, je n ai pu en dis
tinguer aucune, moi qui relève la trace du loup et du renard sur le sol le plus dur de la forêt. Et qui soup
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aussi chauds que rigoureux les hivers. Et lors de la Foire d’Eté, qui attire de cent lieues à la ronde commerçants et cultivateurs, Danilo,
Gavrilo et Ivane, les sacs de blé chargés sur la voiture, se rendaient au chef-lieu et s’en revenaient chantant, le porte-monnaie gonflé de pièces d’or et d’argent. Ce soir-là, on buvait de la vodka1, tant et tant que le lendemain personne ne s’éveillait avant midi.
Un matin de Mai, qui était ensoleillé à souhait et dorait merveilleusement les épis, il arriva une chose extraordinaire et inquiétante.
Le père, allant aux champs, trouva toute une partie de ceux-ci saccagés. On eût dit que des inconnus, chaussés de gros sabots, avaient foulé aux pieds les blés, et pour le seul plaisir de dévaster.
De mémoire d’homme on n’avait vu pareille affaire. Dans ce pays où la terre nourrit les habitants, la récolte est chose sacrée.
Le déjeuner fut triste. Les quatre compagnons mangèrent en silence et sans appétit. Lorsqu’ils en eurent terminé, le père prit la parole.
« Mes fils, dit-il, comme moi, vous connaissez le malheur qui nous frappe. Une partie de notre récolte est irrémédiablement perdue. Les malfaiteurs peuvent
revenir et achever notre ruine. Il faut y pourvoir.
D’abord, quel est le coupable ? Avez-vous un
indice ?
« Pour moi, j’avoue que je ne puis soupçonner valablement personne. Toi, Danilo, qui es l’aîné, parle le premier. »
Danilo, grand et beau gaillard aux cheveux blonds, à l’œil clair, secoua la tête et, après un temps, répondit :
« Père, en vérité, je n y comprends rien. Les dégâts ne sont que trop visibles, hélas ! Mais quant aux empreintes du malfaiteur, on dirait qu’il n’en a point
laissé : du moins, je n ai pu en dis
tinguer aucune, moi qui relève la trace du loup et du renard sur le sol le plus dur de la forêt. Et qui soup
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